Depuis quelque temps, la sortie éventuelle de l’euro
devient un débat de plus en plus ouvert.
Or, en faisant mon petit calcul de pourcentage pour les IDE
entrants en Espagne en 2012 et 2013, j’obtiens +34% entre 2012 et 2013 (et non +37%). Pour l’Italie,
c’est pire : dans le rapport, il est question d’IDE d’une valeur de 0,1
milliards de dollars en 2012 alors que l’historique de la CNUCED indiquent
9,625 milliards pour 2012 ! On pourrait penser que mes formules sont
fausses – j'y ai songé ; pourtant, en suivant la même procédure pour la France et l’Allemagne,
je retombe bien sur les pourcentages indiqués dans le rapport. Pourquoi la
formule fonctionne pour certains et pas pour d’autres ?
Un débat médiatisé
La presse et les médias n’hésitent plus à en parler
comme l’atteste les dernières couvertures, articles et émissions. C’est le cas
par exemple de « Marianne » et la couverture de son numéro de février
2014 affichant « le débat interdit : sortir de l’euro ? ». « L’Expansion »
dans le mensuel de février, a également publié un article de Kai Konrad,
économiste allemand proche du ministre allemand de l'économie, intitulé : « le projet
européen doit être sauvé, pas forcément l’euro ». On pourrait également évoquer
le débat arbitré par Yves Calvi dans « Mots Croisés » du 03 février
2014 entre Marine Le Pen et Pierre Moscovici autour du pacte de responsabilité
et de l’Euro. Pour terminer, je citerais l’émission radio de Morandini sur
Europe 1, le 03 février également, qui portait un nom choc : « Hausse
des Prix, crise économique : et si on se débarrassait de l’euro pour revenir au
franc ? ».
Il était une fois…un sondage d’Ipsos
Le 21 janvier, l’enquête IPSOS/STERIA publie des
chiffres plutôt alarmants sur la défiance des français vis-à-vis de l’Union
Européenne et de l’Euro. C’est ainsi que 1 français sur 3 serait favorable à un
retour au franc :
Effondrement des investissements étrangers en France
La CNUCED (la branche développement des Nations
Unies) a récemment publié un rapport indiquant que les investissements étrangers en France
se seraient effondrés de 77% sur la simple année 2013. Étonnamment, la quasi-totalité des médias, a
repris ce pourcentage, pourtant indiqué succinctement en bas de page. J’ai essayé de
reconstruire un graphique de l’évolution des IDE (Investissements Directs à l’Étranger)
entrants pour quelques pays européens :
Mise en garde 1 : vous pouvez constater
l’extrême volatilité des IDE. La baisse des IDE (entrants) atteint par exemple -98%
pour la Suisse en 2013. Compte tenu de l’exceptionnelle élasticité des IDE (pour la CNUCED), je
pense qu’il faut prendre ces chiffres avec des pincettes ; on pourrait
même se demander si de telles données présentent une quelconque utilité. La principale explication à ces écarts est l'importance des flux entre maisons-mères et filiales dans les multinationales. Les prêts, emprunts, achats et ventes internes, royalties et consorts doivent représenter la majorité des IDE entrants et sortants ; ces opérations financières n'ont pourtant pas grand chose à voir avec l'attractivité des pays.
Mise en garde 2 : les données
précédentes à l’année 2013 sont disponibles dans la base de données de la CNUCED. Les chiffres
pour 2013 sont, quant à eux, issus du court, mais maintenant célèbre, rapport « GLOBAL INVESTMENT
TRENDS MONITOR 28/01/2014 » (téléchargeable ici). Je me permets d’émettre
quelques doutes sur la véracité de certains chiffres. Prenons un exemple tiré
du rapport, je cite:
« Spain (+37% to US$37.1 billion) and Italy (from US$0.1 billion to US$9.9 billion) »
Avouez que c’est assez étrange ! Et je ne suis pas le seul à le dire sur la toile.
Cela dit, de nombreux observateurs ont repris ce
chiffre de -77% pour justifier que la France va très mal, qu’elle a perdu sa
compétitivité (soit à cause de l’Euro, soit des 35 heures, soit des réticences
des syndicats à accepter des baisses de salaires, soit du gouvernement et du
taux de prélèvement…chacun y va de sa petite explication).
Perte des parts de marché et salaires trop élevés
Deux autres aspects sont souvent évoqués dans les
médias : la France perd des parts de marché et le coût des salaires serait
trop élevé.
Les Parts de marché
Pour le premier problème, j’ai réalisé un petit
graphique mettant en parallèle le taux de change franc/dollar puis euro/dollar
avec la part que représente les exportations françaises au niveau mondial (le
tout en base 100 de 1999, c'est-à-dire à l’introduction de l’Euro).
Sur cette représentation, j’admets avoir utilisé une astuce afin d’éviter une explosion (exagérée ?) du taux de change. Je m’explique. Lorsque l’Euro s’est imposé, il valait plus de 6,5 Francs. De ce fait, la courbe du taux de change devrait théoriquement bondir de 100 à plus de 600 lors du passage à l’euro mais vous remarquerez que la transition est neutre (à 100). C’est l’intérêt de partir d’une base 100 en 1999 et de séparer la courbe FRF-USD et EUR-USD : cela nous permet de mieux nous concentrer sur ce qui se passe après le passage à l'Euro. Trêve de bavardages techniques, voici le graphique, illustration parfaite d'une crise des ciseaux :
Sur cette représentation, j’admets avoir utilisé une astuce afin d’éviter une explosion (exagérée ?) du taux de change. Je m’explique. Lorsque l’Euro s’est imposé, il valait plus de 6,5 Francs. De ce fait, la courbe du taux de change devrait théoriquement bondir de 100 à plus de 600 lors du passage à l’euro mais vous remarquerez que la transition est neutre (à 100). C’est l’intérêt de partir d’une base 100 en 1999 et de séparer la courbe FRF-USD et EUR-USD : cela nous permet de mieux nous concentrer sur ce qui se passe après le passage à l'Euro. Trêve de bavardages techniques, voici le graphique, illustration parfaite d'une crise des ciseaux :
Le coût des salaires
Voilà un sacré
morceau qui aura fait couler de l’encre. Encore une fois, une petite
représentation graphique s’impose : le CSUR (Coût Salarial Unitaire Réel) français
et allemand, c'est-à-dire le coût des salaires intégrant la productivité du
travail [si un salarié produit 1% plus vite et que son salaire augmente de 1%,
le CSUR ne bouge pas, toutes choses étant égales par ailleurs] dans l’industrie
manufacturière (soumise à la concurrence internationale) :
Les salaires ont « légèrement » augmentés
en France, c’est une réalité. Mais est-ce un méfait ? Je ne crois pas.
Par contre, on remarque que les salaires allemands
ont baissés suite à l’introduction de l’Euro et aux réformes Hartz. Ce paquets
de loi a entraîné une baisse des salaires en Allemagne par
divers moyens (mini-job précaires et peu taxé, resserrement des bénéfices de l’assurance-chômage
à travers une baisse des indemnisations et le passage de 32 à 12 mois d’indemnisation).
En d’autres termes, le gouvernement allemand a fait
pression sur les salaires tandis que la plupart des autres pays de la zone Euro
(dont la France) ont continué à revaloriser les salaires et le pouvoir d’achat.
Rappelez-vous que l’introduction de l’Euro empêche toute dévaluation de la monnaie, ce qui signifie que nous sommes dans un contexte de stratégie allemande non-coopérative (ou dumping) dont le graphique précédent est assez évocateur.
Rappelez-vous que l’introduction de l’Euro empêche toute dévaluation de la monnaie, ce qui signifie que nous sommes dans un contexte de stratégie allemande non-coopérative (ou dumping) dont le graphique précédent est assez évocateur.
Une brèche médiatique
Certaines pointures étaient déjà connues dans la
lutte contre l’Euro ; c’est le cas par exemple de Jacques Sapir ou d'Emmanuel Todd. Mais de
nombreux économistes, banquiers et politiciens ont profité de la brèche
médiatique pour s’y infiltrer. Certains
le font à titre purement opportunistes mais, pour d’autres, c’est une sorte de
révélation. Ils crient au scandale car les promesses de l’Euro de la croissance,
de l’emploi et de la stabilité ne se sont pas réalisées.
Que pensez de tout ça ?
En Économie, il n’y a pas de certitudes.
Pour les politiques, on reste encore dans le déni : « la
sortie de l’Euro n’est pas envisageable ». Quelques têtes souhaitent
bien ouvrir le débat mais, à les écouter, on se croirait dans le mythe de la boîte
de Pandore.
D’un point de vue des médias, la sortie de l’euro
devient maintenant une option réelle et j’ai l’impression que le débat s’oriente de
plus en plus sur les conditions techniques comme l’avenir de la dette publique,
l’inflation ou l’internationalisation des capitaux.
Les économistes restent partagés sur la question
avec deux principaux camps :
- Les partisans de l’économie de marché libre dans un monde ouvert qui trouvent que l’Euro nous offre la paix et des conditions idéales pour le commerce. Le simple fait d’émettre la possibilité d’une dissolution de l’Euro, c’est défier la confiance des marchés et s’attirer la colère foudroyante de nos partenaires commerciaux. Pour eux, il ne faut pas jeter le bébé (l’Euro) avec l’eau du bébé et renforcer les instances européennes.
- Les opposants qui pensent que la zone Euro n’est pas une ZMO (Zone Monétaire Optimale), que les promesses n’ont pas été tenues et qu’il faut arrêter le massacre. La crise ne serait pas terminée et un énième épisode serait à prévoir en l’absence de réactions politiques.
- Il existe bien une troisième voie : celle d’un Euro du Nord et d’un Euro du Sud. C’est envisageable mais si le projet de l’Euro se révèle être un échec, pourquoi en créer deux nouveaux ?
Et bien évidemment, chacun des parties en présence
y va de ses chiffres, ce qui prouve encore qu’il n’y a pas de solution miracle.
Quitte à paraître peu ouvert d’esprit, il me semble que les solutions à la
crise de l’Euro sont aujourd’hui au nombre de deux : l’éclatement ou la
fédération (comme le titre d’un livre de Michel Aglietta). Il faudra bien
trancher.
Il est important de noter que de nombreuses banques ont prévus des scénarios de sortie de l’euro…au cas où. Mieux vaut anticiper l’inévitable…
Il est important de noter que de nombreuses banques ont prévus des scénarios de sortie de l’euro…au cas où. Mieux vaut anticiper l’inévitable…
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