Selon L. Peter et R. Hull, à force de promotion,
nous sommes condamnés à atteindre notre "seuil d’incompétence".
Ainsi, et sauf exception notable, n’importe quel poste est, ou sera, occupé par
un incompétent. C’est ce qu’il sort de leur ouvrage intitulé "Le Principe
de Peter » (aux éditions "Le Livre de Poche").
Plusieurs raisons au Principe de Peter
Un phénomène mécanique
Un individu compétent à un niveau A est promu à un
niveau B, puis C…jusqu’à atteindre son seuil d’incompétence ; il n’aura
alors plus de promotion.
Quel que soit le système économique ou politique en
vigueur, la majorité des humains ont besoin d’une hiérarchie et seront enclins à
grimper les échelons pour différents motifs (titre, argent, respect,
reconnaissance, admiration, pouvoir,…). Les auteurs se réfèrent à Freud qui,
d’un point de vue interne, expliquait ce comportement par le besoin de changer
de situation (devenir le père, la mère,…) ou à Potter, qui raisonne d’un point
de vue externe, pour affirmer que nous voulons passer devant les autres et
obtenir un « avantage ». Selon ce dernier, tous les moyens seraient
bons pour arriver à nos fins.
Une limite innée ?
Certains d’entre nous ne savent pas prendre de
décision. Là encore, nous pourrions en chercher les raisons mais ce n’est
pas la question aujourd’hui.
En management, les théories souhaitant diviser
l’humanité en deux groupes sont monnaies courantes et chaque spécialiste
s’approprie cette thèse (comme Douglas Mc Gregor avec les X et les Y). Ici, il
est question des « invertis de Peter », ceux qui font la confusion
entre la fin et les moyens et qui ne prennent jamais de décision par
eux-mêmes. Nous connaissons tous des gens qui se sont enfermés dans les
procédures et n’en sortent jamais, si bien qu’ils en oublient pourquoi ces
règles ont été mises en place : mieux servir le client ou l’administré. Si, après une promotion, un inverti de Peter doit gérer des situations difficiles impliquant une prises de décisions, ils aura franchi le seuil d'incompétence.
Respecter la norme
Toute organisation sélectionne en priorité les
individus les plus conformes, les plus moyens, les plus standards :
ceux dans lesquels se reconnaît la masse. Elle évitera les extrêmes, les avocats du diable et les individus pouvant perturber la stabilité et les habitudes de l'organisation.
Pour éviter une situation où il n’y aurait plus de
remise en cause, il faut trouver des correctifs : une des solutions est de
confier le recrutement à des sociétés externes.
Conséquence du principe de Peter dans les organisations
Les compétents et les incompétents se côtoient, se
jugent mais tout va bien tant qu’il reste dans la norme. En effet, celui qui
juge in fine, c’est le supérieur et il y a deux possibilités :
1/ Il n’a pas franchit son seuil d’incompétence et
il se basera sur des indicateurs chiffrés (le rendement, le nombre de
dossier,…).
2/ S’il a passé son seuil d’incompétence, il va
alors juger sur les moyens et les normes : le respect des horaires, la
tenue vestimentaire, la politesse avec les supérieurs,…
Dans le deuxième cas de figure, le plus courant
apparemment, le souci ce sont les employés extrêmes, ceux que l’auteur nomme
les super-compétents ou les super-incompétents ; ceux-là sortent trop de
la norme et ne pourront pas rester dans l’organisation. Les premiers vont
généralement la quitter (volontairement ou involontairement) pour s’épanouir,
les derniers devront se repositionner ailleurs. Il y a bien une exception :
les employés protégés par un supérieur mais là, disons que cela court-circuite
l’évolution naturelle des choses…
Conséquences sur l’individu
Une personne ayant dépassé son seuil d’incompétence
ne s’en rendra presque jamais compte. D’ailleurs, elle accepte sa dernière
promotion en toute honnêteté, pensant être à la hauteur du nouveau poste et,
même, d’avoir mérité tout cela.
En général, elle va développer une série de maux
physiques témoignant de son mal-être, un peu comme si son corps souhait
extérioriser les difficultés du quotidien. Ces ulcères et maux de tête vont
devenir le bouc émissaire de l’incompétence et l’individu va sans arrêt le
faire savoir autour de lui. Par contre, à aucun moment il ne sera question de
son incompétence ou de la possibilité qu’un tiers puisse exercer sa fonction
sans problème.
Il est possible aussi que l’individu se focalise,
de manière exclusivement, sur une tâche secondaire : c’est le principe de
substitution. La personne se concentre alors sur un point précis et maîtrisé du
nouveau poste jusqu’à en faire son obsession. C’est une manière d’éviter de
mettre les pieds dans le plat et de montrer que l’on est incompétent tout en
donnant l’impression de faire du bon boulot – bien que pas forcément utile. Cette
astuce permet de rester en bonne santé physique et mentale.
Vous me direz : « pourquoi ne pas
simplement refuser la promotion ? ».
Et bien, ce n’est souvent pas aussi simple. Les
auteurs n’entrent pas trop dans le détail mais je pense qu’il s’agit d’une
pression sociale. L’employé refusant une promotion mérité (au départ), c’est le
fainéant, le peureux ou celui qui n’a pas d’ambition. Mais c’est aussi le mari
ou l’épouse soumis, qui n’est pas capable de donner le meilleur à sa famille.
Et c’est aussi l’ami qui accepte de rester en dessous du statut de son propre
groupe d’amis…Refuser une promotion est donc compliqué socialement, d’autant
plus qu’on ne sait pas forcément où se situe notre seuil d’incompétence. C'est aussi difficile de freiner ses propres pulsions nous poussant à nous élever et à demander toujours plus.
Cela dit, si l’individu s’est fixé un seuil (son poste lui convient à 100% par exemple), il existe une
meilleure solution que de refuser une promotion ; c’est d’ailleurs ce qui
est préconisé dans le livre : l’incompétence créative. Cette technique,
consciente ou inconsciente, permet d’empêcher la promotion finale et donc de
rester (juste) en dessous de son seuil d’incompétence. Pour y arriver, il faut
simuler l’incompétence en ratant des objectifs secondaires qui n’ont aucune
incidence sur les obligations principales de la fonction actuelle.
Les deux auteurs citent en exemple cet excellent
jardinier qui permet systématiquement les factures et qui ne sera donc jamais
promu responsable. Pourtant sa femme soutient qu’à la maison, il note tout
minutieusement…Je pourrais aussi vous citer un exemple personnel d’un
responsable opérationnel encaissant (très) en retard, voire égarant, ses chèques
personnels alors qu’il tenait son budget familial d’une main de fer…Bizarrement,
avant les faits, on le prédestinait à devenir le prochain dirigeant d’une
filiale du groupe !
Sans cette dernière technique, l’homme est condamné
à atteindre son niveau d’incompétence. Or, le travail est effectué par les
compétents, ceux qui sont en dessous du seuil d’incompétence. Mais que se
passe-t-il quand ils ne sont plus assez pour faire tourner la machine ?
Cette incompétence, que les auteurs comparent à un
germe enfoui dans l’Homme dès la naissance ne concerne pas que le
travail : ils procèdent à son prolongement darwinien où on l’arrive au
niveau d’incompétence totale à vivre… Extrapolons donc : que se passe-t-il
quand des les personnes aux commandes (gouvernements, dirigeants
d’entreprise,…) ne sont plus capables d’enlever le grain de sable enrayant l’Économie ? Il faut alors compter sur les autres mais encore faut-il leur
laisser la possibilité de le faire.