Si la 3e révolution
industrielle de Rifkin se veut une analyse complète, l’Iconomie est
lacunaire : est passé sous silence l'environnement, les écosystèmes, les
ressources (limitées), la culture, les énergies, les modes de vie, la société,
le capital social,…
A plusieurs reprises, Christian
Saint-Étienne tente de montrer la supériorité de sa réflexion sur celle de
Jeremy Rifkin. Ce dernier volet sur la 3e révolution industrielle
met en parallèle les visions des deux auteurs.
La science et 3e révolution industrielle
L’Iconomie se veut un mouvement
à marche forcée où tout repose sur la Science avec un grand S : il
faudrait la libérer, la débrider et lui enlever ses chaînes du « principe
de précaution ».
Rifkin croit aussi au pouvoir
de la science mais a peur d'un "déraillement" technologique.
Les marchés et 3e révolution industrielle
Une des plus grandes différences
entre les deux auteurs repose sur les forces des marchés.
Pour Rifkin, il ne faut pas croire
au père noël : ne nous attendons pas que à ce que les « lois du
marché » deviennent l'origine
de la 3e révolution industrielle.
A l’opposé, C. Saint-Etienne exhorte
à s’en remettre aux marchés : libres, efficients, efficaces, justes et
créateurs de richesse. L’État devient juste un financeur-incitateur avec un
cadre restreint ou, en d’autres termes, un État régalien voué aux entrepreneurs
et aux apporteurs de capitaux.
Financements et 3e révolution industrielle
Rifkin mise sur les
financements horizontaux, entre pairs, et cette révolution financière se
fera naturellement (crowdfunding par exemple ?).
Dans l’Iconomie de C. Saint-Étienne, les coûts de cette 3e révolution sont colossaux et
concentrés ; pour y arriver, il faut par exemple passer d'une retraite par répartition
a une retraite par capitalisation. L’objectif sous-jacent est d’orienter
l’épargne des classes moyennes et modestes vers le financement des créateurs de
richesse.
Échanges et 3e révolution industrielle
C. Saint-Étienne se bat pour
une mondialisation à sens unique (exportation à outrance) et l’adoption du
modèle allemand : baisse des charges sur les entreprises contre hausse de la fiscalité sur les salariés et consommateurs, spécialisation, robotisation, flexibilité du travail, "assouplissement" de la législation du travail, fédéralisation
des régions, négociation directe entre employeurs et salariés…C’est ce modèle
là qu’il faudrait mettre en place pour rendre la France compétitive.
Rifkin estime qu’il faut
réfléchir à l’échelle des continents. La « continentalisation »
permettra d’optimiser les ressources
disponibles entre des sociétés aux valeurs proches.
C’est un des points forts de
l’analyse de Rifkin : il met l’humain au centre de sa réflexion là où C. Saint-Étienne y place la création de richesse.
Emploi et 3e révolution industrielle
Sur l'emploi, Rifkin est
clair : les gains de productivité issus des innovations technologiques et
robotiques généreront, ce qu’il appelle, de la croissance sans emploi.
A l’inverse, C. Saint-Étienne
nous promet la création de milliers d'emplois grâce à la robotique et aux gains
de productivité ! Un nouveau robot apporterait
au bas mot, plusieurs embauches (nettes ?), ce qui me semble
totalement illusoire : pourquoi investir une fortune dans un robot pour devoir
embaucher davantage d'ouvriers ? Cela tuerait les gains de productivité, puis
la capacité à investir et la rémunération des apporteurs de capitaux…Tout le
contraire des principes de l’Iconomie.
Organisation et 3e révolution industrielle
La clé du succès pour Rifkin passe
par la coopération alors que pour C. Saint-Étienne c'est le renforcement du
capitalisme libéral (moins d’État, moins de contrôle, plus de capital, moins de
social, moins d'entraides, plus de concentration – il demande pourtant le
contraire mais souhaite des industrialisations massives pour des projets
giga-ntesques, des hyper-industries et des supra-entrepreneurs financés par des
méga-financements, ce qui n’est guère compatible avec le postulat de base…).
Indicateurs de performance et 3e révolution industrielle
Pour Rifkin, cette 3e révolution
industrielle représente l’entrée dans un monde différent pour lequel il faudra
des outils d’analyse adaptés (il critique allègrement le PIB).
C. Saint-Étienne continue de
raisonner avec les indicateurs "classiques" : PIB, comparaison des taux de prélèvements entre États, utilisation des taux marginaux,…Toutes des formules datant précisément de la seconde
révolution industrielle et du capitalisme vertical !
Comme le dit Rifkin, les
sciences sociales et économiques évoluent en fonction de leur temps mais je ne
suis pas sûr que C. Saint-Étienne soit en accord avec cette vision et/ou ne
soit prêt à l’appliquer : ce dernier voit le monde à travers le prisme du
capitalisme traditionnel. In fine l’Iconomie se révèle paradoxale sur de nombreux points.
Politique et 3e révolution industrielle
Si l’approche de Rifkin me
paraît technique, pertinente et ouverte, je suis gêné par l’esprit fermé de
l’Iconomie ; c’est un comble car ce modèle se veut mondial, coopératif et
empreint de liberté.
Je pense que l’Iconomie se veut
d’abord un projet politique qui se présente sous la forme d’une leçon d’Économie. En somme, on voudrait faire croire que l’Iconomie est naturelle et
scientifique à la fois. A ce propos, les termes employés dans l’Iconomie sont plus politiques qu'économiques. On tombe dans la pure idéologie politique
sous couvert d’une forme de sciences économiques comme le montre l’utilisation
du culte de la peur :
« le pays [La France] pourrait finir sous tutelle de la commission européenne sous contrôle du FMI […] »
L’utilisation de termes
édulcorés ne passe non plus inaperçu :
- L'informatique devient « industrie informatique »,
- L'économie de la fonctionnalité devient « l'industrie des effets utiles »,
- La flexibilité/précarité du travail devient « l’agilité coopérative »
- Des hausses de CSG ou de la TVA se transforment en « CSG Sociale » et « TVA-Emploi ».
L’Iconomie est donc un projet
idéologique et politique (celui de l’UDI ?) avant d’être une étude
économique. Cela explique pourquoi les indicateurs restent ceux de la 2e
révolution industrielle : il faut convaincre et rassurer les électeurs que
cette Iconomie ne bouleversera pas leurs vies. Cela explique pourquoi aucun
parti n’est pris sur les questions environnementales ou énergétiques :
cela fermerait des portes. Cela explique pourquoi l'auteur ne s'aventure pas sur des questions sociales et reste dans le superficiel.
Pour Jeremy
Rifkin, les deux précédentes révolutions industrielles expliquent leurs succès
par la combinaison d’une avancée dans le domaine de l’information (télégraphe,
téléphone,…) et de nouvelles sources d’énergie (machine à vapeur, pétrole,…).
Pour éviter la décrue de la production, une troisième révolution serait à
portée de main, pour peu que l’on s’en donne les moyens et que l’on laisse
un avenir possible aux générations futures.
L’avenir de
la production dépendra des capacités des Hommes mais aussi des limites de la
nature. En effet, si nous pouvons être optimistes sur l’intelligence humaine,
les ressources naturelles, elles, sont limitées.
Si tous les
habitants du monde vivait à la française, il faudrait trois planètes Terre…Avec
le mode de vie américain, il en faudrait six !
Est-ce que
la troisième révolution industrielle permettra de faire croître la production à
l’infini ?
Est-ce que l’Économie
de la connaissance, la production immatérielle et les technologies viendront
compenser les limites naturelles ?
Que se
passerait-il en l’absence de troisième révolution industrielle et d’épuisement
des sources d’énergies traditionnelles ?
Et s’il
fallait plutôt réfléchir à une croissance du lien social et non plus des
richesses pécuniaires ?
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