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mercredi 16 avril 2014

Iconomie vs 3e révolution Industrielle

Si la 3e révolution industrielle de Rifkin se veut une analyse complète, l’Iconomie est lacunaire : est passé sous silence l'environnement, les écosystèmes, les ressources (limitées), la culture, les énergies, les modes de vie, la société, le capital social,… 


 
A plusieurs reprises, Christian Saint-Étienne tente de montrer la supériorité de sa réflexion sur celle de Jeremy Rifkin. Ce dernier volet sur la 3e révolution industrielle met en parallèle les visions des deux auteurs.


La science et 3e révolution industrielle

L’Iconomie se veut un mouvement à marche forcée où tout repose sur la Science avec un grand S : il faudrait la libérer, la débrider et lui enlever ses chaînes du « principe de précaution ».
Rifkin croit aussi au pouvoir de la science mais a peur d'un "déraillement" technologique.


Les marchés et 3e révolution industrielle

Une des plus grandes différences entre les deux auteurs repose sur les forces des marchés.
Pour Rifkin, il ne faut pas croire au père noël : ne nous attendons pas que à ce que les « lois du marché »  deviennent l'origine de la 3e révolution industrielle.
A l’opposé, C. Saint-Etienne exhorte à s’en remettre aux marchés : libres, efficients, efficaces, justes et créateurs de richesse. L’État devient juste un financeur-incitateur avec un cadre restreint ou, en d’autres termes, un État régalien voué aux entrepreneurs et aux apporteurs de capitaux.


Financements et 3e révolution industrielle

Rifkin mise sur les financements horizontaux, entre pairs, et cette révolution financière se fera naturellement (crowdfunding par exemple ?).
Dans l’Iconomie de C. Saint-Étienne, les coûts de cette 3e révolution sont colossaux et concentrés ; pour y arriver, il faut par exemple passer d'une retraite par répartition a une retraite par capitalisation. L’objectif sous-jacent est d’orienter l’épargne des classes moyennes et modestes vers le financement des créateurs de richesse.


  Échanges et 3e révolution industrielle

C. Saint-Étienne se bat pour une mondialisation à sens unique (exportation à outrance) et l’adoption du modèle allemand : baisse des charges sur les entreprises contre hausse de la fiscalité sur les salariés et consommateurs, spécialisation, robotisation, flexibilité du travail, "assouplissement" de la législation du travail, fédéralisation des régions, négociation directe entre employeurs et salariés…C’est ce modèle là qu’il faudrait mettre en place pour rendre la France compétitive.
Rifkin estime qu’il faut réfléchir à l’échelle des continents. La « continentalisation » permettra d’optimiser  les ressources disponibles entre des sociétés aux valeurs proches.
C’est un des points forts de l’analyse de Rifkin : il met l’humain au centre de sa réflexion là où C. Saint-Étienne y place la création de richesse.


Emploi et 3e révolution industrielle

Sur l'emploi, Rifkin est clair : les gains de productivité issus des innovations technologiques et robotiques généreront, ce qu’il appelle, de la croissance sans emploi.
A l’inverse, C. Saint-Étienne nous promet la création de milliers d'emplois grâce à la robotique et aux gains de productivité ! Un nouveau robot apporterait  au bas mot, plusieurs embauches (nettes ?), ce qui me semble totalement illusoire : pourquoi investir une fortune dans un robot pour devoir embaucher davantage d'ouvriers ? Cela tuerait les gains de productivité, puis la capacité à investir et la rémunération des apporteurs de capitaux…Tout le contraire des principes de l’Iconomie.


Organisation et 3e révolution industrielle

La clé du succès pour Rifkin passe par la coopération alors que pour C. Saint-Étienne c'est le renforcement du capitalisme libéral (moins d’État, moins de contrôle, plus de capital, moins de social, moins d'entraides, plus de concentration – il demande pourtant le contraire mais souhaite des industrialisations massives pour des projets giga-ntesques, des hyper-industries et des supra-entrepreneurs financés par des méga-financements, ce qui n’est guère compatible avec le postulat de base…).


Indicateurs de performance et 3e révolution industrielle

Pour Rifkin, cette 3e révolution industrielle représente l’entrée dans un monde différent pour lequel il faudra des outils d’analyse adaptés (il critique allègrement le PIB).
C. Saint-Étienne continue de raisonner avec les indicateurs "classiques" : PIB, comparaison des taux de prélèvements entre États, utilisation des taux marginaux,…Toutes des formules datant précisément de la seconde révolution industrielle et du capitalisme vertical !

Comme le dit Rifkin, les sciences sociales et économiques évoluent en fonction de leur temps mais je ne suis pas sûr que C. Saint-Étienne soit en accord avec cette vision et/ou ne soit prêt à l’appliquer : ce dernier voit le monde à travers le prisme du capitalisme traditionnel. In fine l’Iconomie se révèle paradoxale sur de nombreux points.


Politique et 3e révolution industrielle

Si l’approche de Rifkin me paraît technique, pertinente et ouverte, je suis gêné par l’esprit fermé de l’Iconomie ; c’est un comble car ce modèle se veut mondial, coopératif et empreint de liberté.

Je pense que l’Iconomie se veut d’abord un projet politique qui se présente sous la forme d’une leçon d’Économie. En somme, on voudrait faire croire que l’Iconomie est naturelle et scientifique à la fois. A ce propos, les termes employés dans l’Iconomie sont plus politiques qu'économiques. On tombe dans la pure idéologie politique sous couvert d’une forme de sciences économiques comme le montre l’utilisation du culte de la peur :
« le pays [La France] pourrait finir sous tutelle de la commission européenne sous contrôle du FMI […] »

L’utilisation de termes édulcorés ne passe non plus inaperçu :
  • L'informatique devient « industrie informatique »,
  • L'économie de la fonctionnalité devient « l'industrie des effets utiles »,
  • La flexibilité/précarité du travail devient « l’agilité coopérative »
  • Des hausses de CSG ou de la TVA se transforment en « CSG Sociale » et « TVA-Emploi ».

L’Iconomie est donc un projet idéologique et politique (celui de l’UDI ?) avant d’être une étude économique. Cela explique pourquoi les indicateurs restent ceux de la 2e révolution industrielle : il faut convaincre et rassurer les électeurs que cette Iconomie ne bouleversera pas leurs vies. Cela explique pourquoi aucun parti n’est pris sur les questions environnementales ou énergétiques : cela fermerait des portes. Cela explique pourquoi l'auteur ne s'aventure pas sur des questions sociales et reste dans le superficiel.




Pour Jeremy Rifkin, les deux précédentes révolutions industrielles expliquent leurs succès par la combinaison d’une avancée dans le domaine de l’information (télégraphe, téléphone,…) et de nouvelles sources d’énergie (machine à vapeur, pétrole,…). Pour éviter la décrue de la production, une troisième révolution serait à portée de main, pour peu que l’on s’en donne les moyens et que l’on laisse un avenir possible aux générations futures.

L’avenir de la production dépendra des capacités des Hommes mais aussi des limites de la nature. En effet, si nous pouvons être optimistes sur l’intelligence humaine, les ressources naturelles, elles, sont limitées.
Si tous les habitants du monde vivait à la française, il faudrait trois planètes Terre…Avec le mode de vie américain, il en faudrait six !


Est-ce que la troisième révolution industrielle permettra de faire croître la production à l’infini ?

Est-ce que l’Économie de la connaissance, la production immatérielle et les technologies viendront compenser les limites naturelles ?

Que se passerait-il en l’absence de troisième révolution industrielle et d’épuisement des sources d’énergies traditionnelles ?

Et s’il fallait plutôt réfléchir à une croissance du lien social et non plus des richesses pécuniaires ?

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