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mercredi 30 avril 2014

Le Principe de Peter

Selon L. Peter et R. Hull, à force de promotion, nous sommes condamnés à atteindre notre "seuil d’incompétence". Ainsi, et sauf exception notable, n’importe quel poste est, ou sera, occupé par un incompétent. C’est ce qu’il sort de leur ouvrage intitulé "Le Principe de Peter » (aux éditions "Le Livre de Poche").


 

Plusieurs raisons au Principe de Peter


Un phénomène mécanique

Un individu compétent à un niveau A est promu à un niveau B, puis C…jusqu’à atteindre son seuil d’incompétence ; il n’aura alors plus de promotion.
Quel que soit le système économique ou politique en vigueur, la majorité des humains ont besoin d’une hiérarchie et seront enclins à grimper les échelons pour différents motifs (titre, argent, respect, reconnaissance, admiration, pouvoir,…). Les auteurs se réfèrent à Freud qui, d’un point de vue interne, expliquait ce comportement par le besoin de changer de situation (devenir le père, la mère,…) ou à Potter, qui raisonne d’un point de vue externe, pour affirmer que nous voulons passer devant les autres et obtenir un « avantage ». Selon ce dernier, tous les moyens seraient bons pour arriver à nos fins.

Une limite innée ?

Certains d’entre nous ne savent pas prendre de décision. Là encore, nous pourrions en chercher les raisons mais ce n’est pas la question aujourd’hui.
En management, les théories souhaitant diviser l’humanité en deux groupes sont monnaies courantes et chaque spécialiste s’approprie cette thèse (comme Douglas Mc Gregor avec les X et les Y). Ici, il est question des « invertis de Peter », ceux qui font la confusion entre la fin et les moyens et qui ne prennent jamais de décision par eux-mêmes. Nous connaissons tous des gens qui se sont enfermés dans les procédures et n’en sortent jamais, si bien qu’ils en oublient pourquoi ces règles ont été mises en place : mieux servir le client ou l’administré. Si, après une promotion, un inverti de Peter doit gérer des situations difficiles impliquant une prises de décisions, ils aura franchi le seuil d'incompétence.

Respecter la norme

Toute organisation sélectionne en priorité les individus les plus conformes, les plus moyens, les plus standards : ceux dans lesquels se reconnaît la masse. Elle évitera les extrêmes, les avocats du diable et les individus pouvant perturber la stabilité et les habitudes de l'organisation.
Pour éviter une situation où il n’y aurait plus de remise en cause, il faut trouver des correctifs : une des solutions est de confier le recrutement à des sociétés externes.



Conséquence du principe de Peter dans les organisations

Les compétents et les incompétents se côtoient, se jugent mais tout va bien tant qu’il reste dans la norme. En effet, celui qui juge in fine, c’est le supérieur et il y a deux possibilités :
1/ Il n’a pas franchit son seuil d’incompétence et il se basera sur des indicateurs chiffrés (le rendement, le nombre de dossier,…).
2/ S’il a passé son seuil d’incompétence, il va alors juger sur les moyens et les normes : le respect des horaires, la tenue vestimentaire, la politesse avec les supérieurs,…

Dans le deuxième cas de figure, le plus courant apparemment, le souci ce sont les employés extrêmes, ceux que l’auteur nomme les super-compétents ou les super-incompétents ; ceux-là sortent trop de la norme et ne pourront pas rester dans l’organisation. Les premiers vont généralement la quitter (volontairement ou involontairement) pour s’épanouir, les derniers devront se repositionner ailleurs. Il y a bien une exception : les employés protégés par un supérieur mais là, disons que cela court-circuite l’évolution naturelle des choses…



Conséquences sur l’individu

Une personne ayant dépassé son seuil d’incompétence ne s’en rendra presque jamais compte. D’ailleurs, elle accepte sa dernière promotion en toute honnêteté, pensant être à la hauteur du nouveau poste et, même, d’avoir mérité tout cela.

En général, elle va développer une série de maux physiques témoignant de son mal-être, un peu comme si son corps souhait extérioriser les difficultés du quotidien. Ces ulcères et maux de tête vont devenir le bouc émissaire de l’incompétence et l’individu va sans arrêt le faire savoir autour de lui. Par contre, à aucun moment il ne sera question de son incompétence ou de la possibilité qu’un tiers puisse exercer sa fonction sans problème.

Il est possible aussi que l’individu se focalise, de manière exclusivement, sur une tâche secondaire : c’est le principe de substitution. La personne se concentre alors sur un point précis et maîtrisé du nouveau poste jusqu’à en faire son obsession. C’est une manière d’éviter de mettre les pieds dans le plat et de montrer que l’on est incompétent tout en donnant l’impression de faire du bon boulot – bien que pas forcément utile. Cette astuce permet de rester en bonne santé physique et mentale.

Vous me direz : « pourquoi ne pas simplement refuser la promotion ? ».
Et bien, ce n’est souvent pas aussi simple. Les auteurs n’entrent pas trop dans le détail mais je pense qu’il s’agit d’une pression sociale. L’employé refusant une promotion mérité (au départ), c’est le fainéant, le peureux ou celui qui n’a pas d’ambition. Mais c’est aussi le mari ou l’épouse soumis, qui n’est pas capable de donner le meilleur à sa famille. Et c’est aussi l’ami qui accepte de rester en dessous du statut de son propre groupe d’amis…Refuser une promotion est donc compliqué socialement, d’autant plus qu’on ne sait pas forcément où se situe notre seuil d’incompétence. C'est aussi difficile de freiner ses propres pulsions nous poussant à nous élever et à demander toujours plus.

Cela dit, si l’individu s’est fixé un seuil (son poste lui convient à 100% par exemple), il existe une meilleure solution que de refuser une promotion ; c’est d’ailleurs ce qui est préconisé dans le livre : l’incompétence créative. Cette technique, consciente ou inconsciente, permet d’empêcher la promotion finale et donc de rester (juste) en dessous de son seuil d’incompétence. Pour y arriver, il faut simuler l’incompétence en ratant des objectifs secondaires qui n’ont aucune incidence sur les obligations principales de la fonction actuelle.
Les deux auteurs citent en exemple cet excellent jardinier qui permet systématiquement les factures et qui ne sera donc jamais promu responsable. Pourtant sa femme soutient qu’à la maison, il note tout minutieusement…Je pourrais aussi vous citer un exemple personnel d’un responsable opérationnel encaissant (très) en retard, voire égarant, ses chèques personnels alors qu’il tenait son budget familial d’une main de fer…Bizarrement, avant les faits, on le prédestinait à devenir le prochain dirigeant d’une filiale du groupe !



Sans cette dernière technique, l’homme est condamné à atteindre son niveau d’incompétence. Or, le travail est effectué par les compétents, ceux qui sont en dessous du seuil d’incompétence. Mais que se passe-t-il quand ils ne sont plus assez pour faire tourner la machine ?

Cette incompétence, que les auteurs comparent à un germe enfoui dans l’Homme dès la naissance ne concerne pas que le travail : ils procèdent à son prolongement darwinien où on l’arrive au niveau d’incompétence totale à vivre… Extrapolons donc : que se passe-t-il quand des les personnes aux commandes (gouvernements, dirigeants d’entreprise,…) ne sont plus capables d’enlever le grain de sable enrayant l’Économie ? Il faut alors compter sur les autres mais encore faut-il leur laisser la possibilité de le faire.

3 commentaires:

nikesfeld a dit…

Ce prisme de "réalité", éculée, ne peut pas étre niée cependant elle ne doit pas et peut pas étre transposée à l'échelle des organisations.
C'est toute la difficulté du passage d'un savoir "académique" à un "savoir Etre".

D'abord le modéle dans lequel il s'inscrit est dépassé. Il vaut pour des organisations où l'entreprise est tout pour le salarié au cours de sa vie, des entreprises durables et paternalistes.
Ensuite cela néglige grandement nos capacités d'apprendre et d'innover notamment dans l'incertitude.

mickaeldjds a dit…

Le modèle de base est dépassé, c'est vrai. Après tout le livre date du début des années 70 !

Cela dit, en France, je trouve que le modèle de l'entreprise paternaliste et autoritaire est encore majoritaire (hormis dans les grandes entreprises). Cela peut paraître incroyable en plein développement du management (type école de commerce où on apprend encore le principe de Peter aux élèves) et de l'avènement du "tout coopératif" mais c'est pourtant le cas (au moins en France).



Pour répondre à ta dernière phrase, je pense que Peter et Hull s'inscrivent tout simplement dans la lignée des théoriciens du management nord-américain où on aime dire qu'il y a d'un coté les bons salariés (ceux qui veulent innover et se dépasser) et les autres (les fainéantes, les peu ambitieux,...). C'est un peu le coté religieux (protestantisme?) voire manichéen du management anglo-saxon avec des élus et les autres (les brebis), les modèles à suivre et la "masse".

nikesfeld a dit…

Ensuite cela néglige les mécanismes qui régissent les groupes en pointant un aspect individualiste.



Le meilleur des arguments bateaux "si le monde aller de mal en pire alors tous les ponts s'effondreraient, on ne constate pas ça"