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vendredi 6 juin 2014

BCE-Day 05-06-2014

La journée du 5 juin 2014 a été riche en déclarations et communiqués.

Il aurait pu s’agir de la commémoration du débarquement (prévu initialement le 05 juin 1944 mais décalé au lendemain à cause d’une mauvaise météo) mais non ! Il est question de Banque Centrale Européenne (BCE) et de ses décisions.



Le président de la BCE, Mario Draghi, estime qu’un euro fort serait une contre-indication à l’un de ses objectifs : celui d’une inflation contrôlée à 2%. Or, lorsque l’euro s’apprécie de 10%, c’est entre 0,4 et 0,5 point d’inflation en moins. Nous pouvons alors conclure qu’il est difficile de respecter son engagement quand l’euro ne cesse de grimper.

Durant l’après-midi du 5 juin, nous pouvons relever deux informations primordiales :
  • Vers 13h45 : la BCE baisse son directeur (refinancement) de 0,25% à 0,15% puis applique un taux d’intérêt négatif aux facilités de dépôt (-0,10%). Pas d’inquiétude si cela ne vous dit rien, nous allons revenir dessus.
  • Vers 14:30 : la BCE annonce des sommes substantielles (400 milliards d’euros) mobilisées pour les banques et le financement de l’économie.



ÉTAPE 1.A : Baisse du taux directeur (refi)


De quel taux parlons-nous ?
Il faut savoir que les banques centrales déterminent plusieurs taux d'intérêt. Quand les médias parlent de taux d'intérêt ou du taux directeur, il est généralement question du taux de refinancement à court terme : le coût de l'argent pour se refinancer à court terme auprès de la banque centrale. Concrètement, les banques commerciales peuvent emprunter à court terme sur la base de ce taux d’intérêt pour alimenter leurs crédits à long terme ou placer l'argent à un meilleur taux.

A 0,15%, les banques empruntent pour une bouchée de pain et peuvent prêter plus facilement ; c’est en tout cas ce que la BCE espère. Cela dit, on peut se demander si une baisse de 0,25% à 0,15% changera quelque chose…



ETAPE 1.B : Des dépôts payants


De quel dépôt s’agit-il ?
Les banques commerciales peuvent déposer de l’argent à la BCE dans deux comptes : le compte courant et la facilité de dépôt.
Le premier n’est pas rémunéré (comme votre propre compte-courant) mais l’argent disponible est facilement utilisable. Le second était autrefois rémunéré mais ne l’est plus depuis juin 2012. A ce moment là, les banques y avaient engrangé un véritable trésor de guerre : plus de 800 milliards d’euros ; la BCE voulait voir cette somme réinvestie dans l’économie réelle et a décidé d'appliquer un taux d'intérêt nul. 

Résultat à court terme? Les banques ont transféré l’argent de la facilité de dépôt vers leurs comptes courants. 
A moyen terme, entre 2012 et 2014, pas loin de  700 milliards d’euros ont repris la voie de l’économie réelle et des marchés. La facilité de dépôt s'apparente à une coquille vide (à quoi bon y bloquer son argent sans percevoir de rémunération ?) et les comptes courants contiennent moins de 200 milliards d’euros.

Hier, la BCE a décidé d’appliquer un taux négatif sur la facilité de dépôt, ce qui la rend, de fait, payante. Est-ce que cette mesure changera quelque chose ? Probablement pas car il ne restait déjà plus grand-chose à gratter.



ÉTAPE 2 : Quantitative Easing

Mario Draghi a enfoncé le clou en annonçant de nouvelles mesures de refinancement des banques et surtout l'achat de crédits privés titrisés. La somme mise à disposition des banques et in fine de l’économie réelle est conséquente : 400 milliards d’euros.



RÉSULTAT

Pour l’heure, les marchés ont réagi impulsivement mais le taux de change EUR/$ est vite revenu à la normal comme vous le constaterez dans le graphique ci-dessous. Il faudra plusieurs jours pour que la mayonnaise prenne…si elle doit prendre.



Je ne suis pas certain que ces mesures exceptionnelles permettront de baisser la valeur de l’Euro ou de relancer la machine :
  1. Les changements de taux ne devraient pas entraîner de conséquences majeures car ils étaient déjà très bas.
  2. Les mesures de refinancement des banques pourraient apporter de l’eau au moulin sachant que les 400 milliards ne pèseront pas lourds face aux deux opérations (dîtes LTRO) précédentes de la BCE et qui représentaient déjà 1000 milliards (2011-2012).
  3. L’économie est morose et les acteurs privés se désendettent en ce moment même : pas sûr que les banques arriveront à prêter cette manne financière. Il est tout à fait possible que cela alimentera une bulle, par exemple dans l’immobilier.
  4. Mario Draghi souhaite baisser le taux de change de l’Euro en injectant des milliards d’euros et en favorisant le crédit. Sur le papier, c’est plausible. Toutefois, les pays européens se serrent tous la ceinture pour favoriser leurs exportations. Se faisant, elles accroissent leurs exportations et affaiblissent leurs importations, ce qui aura pour effet mécanique…de faire grimper le cours de l’Euro.
  5. En cas de pépin, la BCE sera-t-elle vraiment capable d'utiliser le "bazooka", c'est-à-dire intervenir sur les marchés (secondaires) en faveur des états?  Lors de la conférence de presse, il y a eu un "petit" cafouillage (avant que Mario Draghi ne se reprenne) lors d'une question relative à la stérilisation de l'OMT (Opérations Monétaires sur Titres ou en d'autres termes l'intervention de la BCE sur les marchés secondaires de la dette souveraine). Cela pourrait laisser supposer que le "bazooka" anti-crise ne soit pas le sujet principal des discussions à la BCE...Sans compter les levées de boucliers de la Karlsruhe (cour constitutionnelle allemande).


SUITE ?

Il reste encore quelques outils dans la besace de la BCE. Elle pourrait par exemple taxer les comptes courants des banques (ce qui dégagerait 185 milliards d’euros), annoncer de nouveaux projets de refinancement des banques, racheter de la dette publique (sur le marché secondaire pour respecter les traités européens) voire acheter des dollars avec nos euros ! La dernière solution aurait des effets immédiats mais qui générerait une guerre des monnaies car la FED (Banque Centrale Américaine) n’acceptera jamais de casser la compétitivité américaine.

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