Le pacte de responsabilité met en avant une
politique de l’offre en faisant baisser les charges des entreprises. Pour l’occasion,
François Hollande s’est permis de citer J-B Say : « l’offre crée même la
demande ».
Quelles sont les enjeux du pacte de responsabilité ?
Quelles en seront les conséquences ?
Corriger les erreurs du CICE
Le pacte de responsabilité est une façon de
corriger les erreurs du jeune CICE : ce dernier profitera peu aux
exportateurs et concerne les salaires compris entre 1 et 2,5 fois le SMIC.
Bref, des secteurs franco-français employant plutôt un personnel peu qualifié comme
le bâtiment, le HCR (Hôtellerie, Café, Restaurant), l’immobilier,… Voilà qui n’aidera
pas les PME innovantes à s’agrandir et à exporter.
Le pacte de responsabilité a au moins cela de bon : mieux répartir ce cadeau de l’État et porter les entreprises vers le haut de gamme et stimuler les exportations.
Le pacte de responsabilité a au moins cela de bon : mieux répartir ce cadeau de l’État et porter les entreprises vers le haut de gamme et stimuler les exportations.
Un problème de marge
Pourquoi baisser les charges ? Il faut
dire que les profits des entreprises ne sont pas au beau fixe depuis plusieurs
années en France. Le graphique suivant permet de comparer le rapport entre
profits et valeur ajoutée dans quelques pays d’Europe :
Pour vous dire la vérité, le problème se situe
en amont des profits, dans l’Excédent Brut d’Exploitation (EBE). Pour faire
simple, l’EBE, c’est ce qui reste au chiffre d’affaires après les consommations
intermédiaires (matières premières,…), les taxes et la masse salariale. Ce
reliquat (l’EBE) est affecté aux investissements, au remboursement des
emprunts, à l’État par l’impôt sur les sociétés et à la rémunération du
capital.
Pour en revenir à nos moutons : il apparaît que les entreprises françaises affichent également
un taux de marge faible (taux de marge = rapport de l’Excédent Brut sur la
valeur ajoutée, c'est-à-dire le rapport de l’EBE sur les richesses créées par l’entreprise).
Vous pourrez mieux vous en rendre compte dans le paragraphe intitulé « des
marges faibles…pour l’industrie ».
La faute aux charges ?
Pas vraiment. Sur le graphique ci-après, j’ai
représenté la progression (base 100 = 2001) des impôts et des taxes sur les
entreprises. J’ai aussi indiqué en orange la progression du PIB qui fait office d'étalon de valeur.
Conclusion : les impôts n’ont fait que suivre
l’activité économique ; les entreprises ne sont pas plus étouffées aujourd’hui
qu’avant. En d’autres termes, elles paient plus d’impôts, mais dans la même
proportion qu’autrefois compte tenu de leurs enrichissements.
On peut toutefois songer à baisser les charges des
entreprises pour leur donner de l’oxygène. C'est de bonne guerre en Europe...
Mais encore faudrait-il savoir lesquelles cibler ?
Toutes ?
Des marges faibles…dans l’industrie
Toutes les entreprises seraient donc soumises
à des marges faibles. Toutes ? Non ! Certains secteurs gaulois résistent
encore et toujours. C’est le cas du haut de gamme français : l’aéronautique,
le luxe ou le secteur pharmaceutique par exemple.
Le secteur le plus caractéristique du taux de marge
faible est celui de l’industrie comme vous pouvez le constater :
Malheureusement, du secteur industriel découle la
majeure partie des gains de productivité, les innovations, les emplois
qualifiés et cet ensemble génère un mouvement d’entraînement pour les autres
secteurs. Le secteur de croissance par excellence est à la traîne ; la
désindustrialisation est à l’œuvre, faute de moyens, comme l’atteste le
comparatif suivant :
En passant en dessous des 30% de taux de marge, l’industrie
française n’arrive plus à investir correctement, innover et renouveler ses équipements. Et
c’est la désindustrialisation…un véritable cercle vicieux.
Comment en est-on arrivé là si ce n’est pas la
faute des charges sociales ?
Les experts estiment que la principale cause en est le faible niveau de gamme de notre industrie. Elle n’a pas su monter en gamme et entre alors en concurrence avec des pays aux salaires moins élevés, comme l’Espagne (25% en dessous du nôtre). De ce fait, les entreprises n’ont pu répercuter les hausses de coûts (matières premières, énergies, hausse des salaires) sur les prix ; dans le moyen de gamme, on parle d’élasticité forte car un petit changement de prix entraîne une baisse de la demande. Voilà comment nous en sommes arrivés à l'effondrement des marges.
Les experts estiment que la principale cause en est le faible niveau de gamme de notre industrie. Elle n’a pas su monter en gamme et entre alors en concurrence avec des pays aux salaires moins élevés, comme l’Espagne (25% en dessous du nôtre). De ce fait, les entreprises n’ont pu répercuter les hausses de coûts (matières premières, énergies, hausse des salaires) sur les prix ; dans le moyen de gamme, on parle d’élasticité forte car un petit changement de prix entraîne une baisse de la demande. Voilà comment nous en sommes arrivés à l'effondrement des marges.
En parallèle, les capitaux ont été drainés vers les
secteurs offrant des taux de marge plus intéressants, la finance et l’immobilier
pour ne pas les citer, ce qui a contribué à aggraver davantage les maux de l’industrie
française.
Il est intéressant de noter que le CICE et le pacte
de responsabilité ne font aucune différence entre les secteurs. Ce que je veux
dire, c’est que cette enveloppe n’est pas ciblée sur les entreprises qui en ont
besoin mais bénéficiera à toutes les entreprises. Une « subvention » d’un
montant controversée et diluée ne permettra pas de rétablir les marges dans l’industrie.
Le pari du pacte de responsabilité
L’objectif non-avoué de ce pacte de responsabilité
est de grignoter des parts de marché à nos voisins et concurrents européens.
Vous me direz qu’ils le font aussi mais cela me permet d’ajouter une nouvelle
pierre à l’édifice d’une union européenne bancale…
Dans le fond, le pacte de responsabilité ne devrait
pas créer d’emplois en masse mais devrait préserver ceux qui existent. La France
est un cas plutôt particulier : dans l’œil de la crise, les entreprises
françaises n’ont quasiment pas ajusté les effectifs, les salaires et le temps
de travail. Disons qu’elles ont préféré conserver le personnel en attendant la
reprise. Le problème est que cette dernière se fait attendre et rien ne prouve
qu’elle sera exceptionnelle (bien au contraire). C’est aussi pour cette raison – le non-ajustement – que le taux de marge
des entreprises frôle le plancher.
Le pacte de responsabilité permettra aux
entreprises de refaire leurs marges et ainsi de s’accorder un moment de répit.
Eric Heyer, économiste de l’OCDE, s’est penché sur
notre historique : une baisse de charges de l’ordre de 20 milliards a
généré, en moyenne, la création de 120 000 emplois. Mais ces aides étaient
concentrées sur les bas salaires alors que le pacte de responsabilité ne va pas
dans ce sens. De toute façon, comme le disent la plupart des entrepreneurs, les
embauches se feront en fonction du carnet de commande, c'est-à-dire de la
demande, et non en conséquence d’un quelconque engagement.
Pour toutes les raisons évoquées, il est impossible de
prévoir quoi que ce soit au niveau macro-économique. Le pacte de responsabilité
est à prendre comme un pari du gouvernement…