Un des objectifs sous-jacents de notre
mondialisation est d’augmenter le retour sur investissement/placement. De fait,
le capitalisme, dans sa forme mondialisée, suppose que des acteurs économiques
multiples bien informés puissent avoir la possibilité de se déplacer en
fonction des opportunités ; autrement dit, il faut pouvoir entrer et
sortir à tout moment. Cela fonctionne très bien pour le capital financier excepté
dans les cas du recyclage de l’argent sale (Paul Ariès parlait de 40% de
l’argent en circulation) et des délits financiers.
Il serait erroné de croire que tout est dû aux apporteurs de capitaux qu'on mélange de plus en plus avec les entrepreneurs. Les vrais entrepreneurs sont d'une autre trempe : ils prennent des risques, innovent, sont au cœur de l’action et savent créer une synergie avec leurs équipes.
Il me semble que la combinaison de notre mondialisation et du capitalisme a
modifié l’essence-même du capital...C’est ce que nous allons voir.
Attirer et conserver les capitaux
La mondialisation de la finance tend à mettre en
concurrence les rentabilités (et le retour sur investissement) des sociétés
cotées. C’est encore plus vrai quand une partie significative des apporteurs de
capitaux ne sont pas des résidents du pays, comme dans le cas des entreprises
du CAC40 : les non-résidents possèdent près de la moitié de la
capitalisation boursière (selon la Banque de France). Les conséquences sont nettes et sans bavures : malgré la mauvaise santé de l’Économie française et de son
appareil productif, les sociétés non financières ont versé (SNF), en dividendes, la
part la plus importante jamais mesurée de la valeur ajoutée (VAB), c'est-à-dire
en proportion des richesses qu’elles avaient créées.
Ce lourd tribut est le prix à payer pour conserver
des capitaux volatils, ce qui en vient à supprimer la notion de risque dans le
capitalisme.
Risques et Capital
L’apport de capital permet d’obtenir un pouvoir
dans l’entreprise mais aussi d’être en droit de réclamer une partie des
bénéfices. Car oui, entrer dans le capital présente initialement un
risque : celui de perdre ses billes, ou du moins une partie, quand
l’entreprise ou son marché ne va pas bien. Cette prise de risque est inhérente
à l’entrepreneuriat ; on crée de l’activité en espérant ressortir gagnant
(financièrement, socialement, spirituellement,…). Il est donc normal de
rétribuer les apporteurs de capitaux quand l’entreprise marche mais aussi de
serrer la ceinture pendant la tempête.
Ce n’est pourtant pas ce qu’il s’est passé au cours
de la crise actuelle. La plupart des entreprises cotées ont choisi de réduire
leurs investissements, de licencier mais aussi de geler salaires, promotions,
embauches et mutations pour mieux « fidéliser » les apporteurs de
capitaux : versement de dividendes, rachat d’actions pour augmenter le
cours,…
Les gérants de fonds d’investissements pensent que
le CAC40 devrait retrouver son niveau de 2008 dans le courant de l’année 2014.
D’ailleurs, voilà comment se portent le CAC40 (France) et le S&P500
(États-Unis) après le soubresaut de 2008-2009 :
Le (sur-)coût du capital
Des chercheurs de l’université de Lille I se sont récemment penchés sur le coût du capital. A partir d'un modèle prenant en
compte les risques, ils en ont conclu qu’une centaine de milliards d’euros de
dividendes (94,7 milliards) n’auraient pas de justifications en France. Cela
signifie que le surcoût du capital serait compris entre 50 et 70% du vrai coût (les
chercheurs privilégient la fourchette haute de 70%).
Ce surcoût est d’autant plus douloureux lorsque les taux d’intérêt bancaires sont bas, comme en ce moment. Ce "malus" affecte directement nos investissements d’aujourd’hui, c'est-à-dire les emplois et profits de demain. Quand tout le monde semble se battre pour la compétitivité, c’est un comble...
Ce surcoût est d’autant plus douloureux lorsque les taux d’intérêt bancaires sont bas, comme en ce moment. Ce "malus" affecte directement nos investissements d’aujourd’hui, c'est-à-dire les emplois et profits de demain. Quand tout le monde semble se battre pour la compétitivité, c’est un comble...
Mais ce surcoût n’est pas que financier. Les
actualités montrent que la liberté et la fierté ont un prix. Les journalistes
de Libération ou les salariés de Goodyear en ont fait les frais.
Ainsi, Bruno Ledoux, actionnaire principal de
Libération, n’a pas mâché ses mots lorsqu’ils jugent les journalistes dudit
journal de « ringards » pour lesquels « tous les français
[…] raquent». La rédaction de Libération se demande même : « Dans
les mains de qui sommes-nous tombés ? ».
Maurice M. Taylor Jr, PDF de Titan et potentiel
repreneur de Goodyear Amiens-Nord, ne s’est pas non plus retenu dans sa lettre
à Arnaud Montebourg quand il ironisait avec «Titan va acheter une usine de fabrication de pneus
chinoise ou indienne, payer ses salariés moins d'un euro de l'heure et exporter
tous les pneus en France. Vous pouvez garder vos soi-disant ouvriers. Titan
n'est nullement intéressé par l'usine d'Amiens-Nord. »
L’argent-roi
donne le pouvoir de dominer, de mépriser et souvent de contraindre. C’est ça
aussi le surcoût du capital : celui d’un pouvoir qui n’a de limite que le
compte en banque. La fin du capitalisme ne viendra peut-être pas de la lutte
des classes comme le pensait Marx, mais plutôt de son absence de limites qui
pousse au court-termisme et à l’immobilisme. Tous les coups sont permis…
Il serait erroné de croire que tout est dû aux apporteurs de capitaux qu'on mélange de plus en plus avec les entrepreneurs. Les vrais entrepreneurs sont d'une autre trempe : ils prennent des risques, innovent, sont au cœur de l’action et savent créer une synergie avec leurs équipes.
Enfin, quand on regarde l’histoire du capital, on
se rend compte que ce dernier a toujours été présent. Ce n'est donc pas lui qui est à l'origine des révolutions industrielles : en réalité, ce sont les nouvelles formes d’énergie. Le voilà le
secret des révolutions industrielles et des pics de croissance ! Mais ce
genre d’innovation ne se décrète malheureusement pas. Même avec tous les
capitaux du monde.
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