Mon dernier article m’amène à
un sujet crucial : la fin du travail.
Qu’est-ce donc que cette
chimère ?
Pour qu’il y ait fin du
travail, il faut qu’il y ait dénigrement et destruction d’emploi avant. C’est
ce qu’il se passe depuis un certain temps déjà.
La fameuse compétitivité et
les gains de productivité sont au cœur de ce sujet.
La destruction du Travail
Pas un jour ne passe sans que l’on parle de plans sociaux
(mot édulcoré pour ne pas dire licenciement massif), de chômage, de perte de
pouvoir d’achat, de délocalisation,…Même si cela n’est jamais dit ouvertement,
la logique seule fait bien apparaître cette destruction du travail.
Certains économistes vont dire que la cause réside
principalement dans les gains de productivité (D. Cohen par exemple). Comme
nous sommes plus efficaces, plus structurés et plus mécanisés, nous détruisons "naturellement" des emplois.
Pour d’autres, comme J. Sapir, ce sont les gains de
productivité chez les émergents qui ont aspiré des pans de nos
activités à travers leurs montées en gamme et les délocalisations
directes/indirectes.
Dans un cas ou l’autre, ce sont les gains de compétitivité
qui sont en cause.
La compétitivité en cause?
La plupart d’entre vont être horrifiés en lisant ce
sous-titre. La compétitivité qu’on a élevée sur un piédestal serait en
cause ? En reprenant la théorie économique, telle qu'on l'apprend en cours
d’économie ou dans les livres, vous lirez que les gains de productivité se traduisent
par une baisse du coût de production qui va se répercuter sur les prix de vente
(hausse du pouvoir d’achat) et/ou sur les profits (comprendre
« investissements »).
Ce joli modèle est très attrayant pour l’esprit : on y
retrouve aussi bien des notions d’ « Homo Economicus » (l’Homme
rationnel) que de concurrence parfaite. Les décisionnaires de l’entreprise
seraient parfaitement rationnels et en connaissance de cause, ils vont
distribuer les gains de productivité de manière rationnelle. La réalité est
bien tout autre.
Si une minorité de personne s’est enrichit bien plus
(trop ?) vite que d’autres en quelques décennies, c’est sans doute que ce
monde parfait ne l’est pas autant que cela. Sans doute dira-t-on que c’est le
marché qui l’a voulu et qu’il a toujours raison. Seulement ce Monsieur Marché
semble ne plus regarder la réalité économique et sociale. Comme l’a récemment
rappelé Paul Jorion, il n’y a pas de mystère à l’explosion des rémunérations de
certains : ces derniers ont accaparé une part des autres. A cela
j’ajouterais qu’il faut arrêter de croire que pour mieux répartir, on doit tout
faire pour faire grandir le gâteau encore plus vite – c'est à dire la croissance à tout prix –. D’une part nos ressources sont limitées – trop peu d’économistes se
penchent sur le devenir de notre monde dans 100 ans par exemple ou sur un monde
économique stable et sans croissance – d’autre part, je pense que ce n’est pas la
taille du gâteau qui compte mais les ingrédients et la façon dont on le découpe.
Court terme et long terme?
Les gains de productivité entraînent une baisse de l’emploi
à court terme et théoriquement, selon Alfred Sauvy, un transfert d’emploi entre
secteurs. Ainsi la baisse d’emploi ne serait qu’à court terme et local alors
qu’à long terme cela entraînerait une hausse de l’emploi en moyenne.
Tout cela relève bien sûr de la théorie car cela nous ramène
aux hypothèses de la concurrence pure et parfaite : les hommes ne sont pas
des produits et ne sont pas aussi mobiles que des pions. De la même manière,
ils ne peuvent pas se reconvertir en un claquement de doigt ou tous devenir des ingénieurs.
Cette théorie implique également que les gains de
productivité soient rationnellement utilisés dans l’intérêt général (même
indirectement) et le long terme, ce qui n’est pas forcément le cas comme déjà indiqué
ci-dessus.
Toujours en suivant les suppositions de cette
théorie, que fait-on du manque à gagner à court terme sur les
cotisations sociales et la fiscalité en général? Arrête-t-on de payer retraites
et aides sous prétexte qu’à long terme, tout ira mieux ?
Enfin, même dans le cas des délocalisations, cela n'est pas une simple histoire de vase communicant : en délocalisant une usine de 3000 personnes, il y a peu de chance de retrouver une usine de 3000 personnes de l'autre coté de la Terre ; si on y retrouve 300 personnes cela sera déjà bien.
On lit souvent que les métiers d'aujourd'hui n'auront à voir avec ceux dans 20 ans. C'est sans doute vrai : il y a 20 ans, nombre de métiers était au-delà de l'imagination de l'époque (comme celui de responsable de réseaux sociaux). La tendance serait même à l'accélération. Mais est-ce ces nouveaux emplois remplacent ceux qui ont disparu? En valeur certainement mais en volume c'est une autre question.
Enfin, même dans le cas des délocalisations, cela n'est pas une simple histoire de vase communicant : en délocalisant une usine de 3000 personnes, il y a peu de chance de retrouver une usine de 3000 personnes de l'autre coté de la Terre ; si on y retrouve 300 personnes cela sera déjà bien.
On lit souvent que les métiers d'aujourd'hui n'auront à voir avec ceux dans 20 ans. C'est sans doute vrai : il y a 20 ans, nombre de métiers était au-delà de l'imagination de l'époque (comme celui de responsable de réseaux sociaux). La tendance serait même à l'accélération. Mais est-ce ces nouveaux emplois remplacent ceux qui ont disparu? En valeur certainement mais en volume c'est une autre question.
Paul Jorion a déclaré sur un plateau de télévision que le
travail disparaissait. Et c’est tellement vrai…
Déjà Z. Brzezinski (ancien conseiller du président Carter,
membre influent de plusieurs Think Tank, participant important du Forum
Economique de Davos) avait prédit que dans un futur plus ou moins proche, il y
aurait 20% de personne avec un travail très qualifié et bien payé contre 80%
de personne en précarité. Pour éviter tout débordement, il faudra trouver des
solutions et des divertissements pour occuper ces 80%.
Le dénigrement du Travail
Non content d’avoir vidé nos campagnes de main d’œuvre soit
disant car c’était salissant, fatiguant voire inutile, nous avons orienté la plupart
de la population vers l’industrie. Et aujourd’hui nous reproduisons la même
chose pour l’industrie sauf qu’il ne reste plus que le tertiaire et ce n’est
pas lui qui pourra absorber les demandeurs d’emploi.
Si vous avez l’occasion d’aller dans les pays dits
« émergents » où le chômage est souvent quasi-inexistant, vous
pourrez vous en rendre compte facilement.
Exemples concrets dans les pays émergents:
- Au supermarché : Un vendeur par rayon minimum, une
personne en caisse et une autre qui met les courses du client dans le sac. Dans
les pays dits développés : personne dans les rayons, le client peut passer lui
même ses articles en caisse automatique et il met lui-même dans les sacs.
- Les transports : il y a un conducteur et une personne qui
vend et vérifie les tickets par bus/wagon. Chez nous: il y a un conducteur bien
qu'il puisse être robotisé (métro/train automatique) et l'usager achète les
tickets à la borne pour les valider lui même dans les bornes.
- Les agences de banques : une personne surveille et ouvre
la porte aux clients (si si je vous jure), plusieurs personnes aux comptoirs
pour les différentes opérations. Chez nous: une personne en agence suffit car
pour des raisons de «sécurité», toutes les opérations se font sur les bornes ou sur internet et
la porte d'entrée est gérée électroniquement.
- Exemple divers : on paie en personne l’électricité,
l'eau,...dans les agences des compagnies (essayez de payer votre téléphone ou
Edf en liquide dans une agence, on vous dira de vous connecter sur internet et
de payer en ligne). Ou encore je note la présence des réparateurs de machines à chaque coin de rue (en France on doit mettre à la poubelle et
racheter le plus souvent), de la personne qui plastifie vos livres en
librairie, du pompiste qui remplit votre réservoir, des salariés de la Poste
qui affranchissent votre courrier aux guichets plutôt que vous renvoyer aux
machines à affranchir (il n'y en a pas à disposition pour le client de toute
manière).
Taux de chômage dans le pays de mes exemples : moins de 1%
et ce n'est pas le tiers monde, ni l'exode rural à proprement parler.
Bref, on voit tout de suite la différence en termes d’emploi
mais aussi au niveau des relations humaines et du lien social.
En règle générale, les gens des pays développés vont me dire
que les emplois peu qualifiés de ces pays (le salarié qui ouvre la
porte, celui qui met dans les sacs, celui qui plastifie votre livre...) sont
des emplois idiots et inutiles. J’ai récemment lu sur le blog d’un économiste (que
j’aime lire) qu’il serait presque grotesque d’imaginer de fabriquer de
nouveau les vêtements à la manière des tisserands.
Ainsi, la déclaration de Paul Jorion me paraît exact : le
travail disparaît et le on le veut bien ; on a même avalisé que ce genre de
travail était inutile et dégradant. Pourtant c'est (et c'était) du travail!
Pire: c'est maintenant le client qui effectue gratuitement ce travail dit ingrat (remplir le réservoir, passer les articles en
caisse, débarrasser le plateau-repas au resto, plastifier le livre, poser
soi-même un film-plastique sur l'écran de son smartphone, se servir en boissons
au restaurant,...).
Considérer ou nous faire considérer le "petit"
travail comme inutile dans nos valeurs, cela a été le départ de la destruction
de ce lien et peut-être la disparition du travail tel que nous le connaissons.
En soit, aucun travail n’est petit. C’est juste une dévalorisation du travail
comme cela a été le cas dans l’agriculture. Ce « petit travail » c’est
un peu l’arbre qui cache la forêt « Travail ».
La disparition du Travail
J’aurais pu citer d'autres exemples (au restaurant,
l'entretien de la voirie, les exploitations agricoles...) mais en ouvrant
simplement les yeux (et sans formule mathématique), il faut dire la vérité sur
ses emplois détruits dans nos pays développés : on ne peut pas trouver autant
de substituts. Des gens se retrouvent nécessairement sur le carreau et c'est
voulu.
Le travail disparaît bien…
Néanmoins il y a une limite dans la fin du travail... elle
découle du bon sens. Qui par sa force défendra une monnaie (ou un pays) quand
plus personne ne travaillera ?
L’idée n’est pas de faire disparaître tout le travail mais de le transformer : 20% d’emplois qualifiés et 80% d’emplois précaires : les petits boulots, l’entraide, le travail au black…bref l’économie souterraine en quelque sorte. La notion même du travail évolue en même temps : il y aurait un vrai travail (celui des 20%) et un pseudo-travail (celui des 80%).
L’idée n’est pas de faire disparaître tout le travail mais de le transformer : 20% d’emplois qualifiés et 80% d’emplois précaires : les petits boulots, l’entraide, le travail au black…bref l’économie souterraine en quelque sorte. La notion même du travail évolue en même temps : il y aurait un vrai travail (celui des 20%) et un pseudo-travail (celui des 80%).
Les
conséquences d'une telle évolution
Ce
changement en cours et les inégalités qu’elles provoquent aura des
conséquences directes sur la consommation et notre société.
Cela pourrait se traduire par la sous-consommation au départ.
Cela pourrait se traduire par la sous-consommation au départ.
Sous-consommation ? Kezako ?
Voilà le
principe : les ménages les plus modestes vont généralement consommer
l’intégralité de leurs revenus, ne serait-ce que pour survenir aux besoins de
base. Plus un ménage gagne, plus il aura tendance à ne pas consommer
l’intégralité de ses revenus et à épargner. Si les inégalités sont trop fortes, la consommation ne sera alors pas suffisante et
le marché de l’emploi en pâtira.
Pour Robert Franck, le problème devrait être posé différemment : le niveau de dépense des plus aisés influence celui des autres classes. Si les inégalités sont très fortes, les classes plus modestes vont dépenser plus que leurs revenus. Ainsi les inégalités ne se traduisent pas par une sous-consommation mais par un surendettement.
Pour ma part, je dirais que la réalité est un mélange de ces deux thèses. En effet, l’observation de Robert Franck est pertinente aux États-Unis car le recours au crédit a été facilité et favorisé. Dans des pays comme la France, il faut apporter davantage de garantie et la surveillance est renforcée (pour les emprunts assez important en règle générale car le crédit revolving et les cartes de crédit facile se développe). Ainsi, je dirais plutôt qu'en présence d'inégalités, les acteurs essaient d'égaliser les niveaux de vie d'abord par la réduction de leur épargne puis pas le crédit. Et si l'endettement n'est pas possible, nous commençons alors une spirale de sous-consommation.
Pour Robert Franck, le problème devrait être posé différemment : le niveau de dépense des plus aisés influence celui des autres classes. Si les inégalités sont très fortes, les classes plus modestes vont dépenser plus que leurs revenus. Ainsi les inégalités ne se traduisent pas par une sous-consommation mais par un surendettement.
Pour ma part, je dirais que la réalité est un mélange de ces deux thèses. En effet, l’observation de Robert Franck est pertinente aux États-Unis car le recours au crédit a été facilité et favorisé. Dans des pays comme la France, il faut apporter davantage de garantie et la surveillance est renforcée (pour les emprunts assez important en règle générale car le crédit revolving et les cartes de crédit facile se développe). Ainsi, je dirais plutôt qu'en présence d'inégalités, les acteurs essaient d'égaliser les niveaux de vie d'abord par la réduction de leur épargne puis pas le crédit. Et si l'endettement n'est pas possible, nous commençons alors une spirale de sous-consommation.
Et Après?
On souhaite
éviter les erreurs du passé et éviter les bulles liées à endettement excessif
des acteurs (privés comme publics).
Maintenant, si les inégalités et le chômage augmentent pendant qu’on restreint l’accès au crédit, que se passe-t-il ? Certainement de la frustration et de l’envie au départ, comme on le voit en ce moment, mais après…C’est plus compliqué. Il pourrait y avoir de l’agitation, des perturbations, des manifestations,…
Maintenant, si les inégalités et le chômage augmentent pendant qu’on restreint l’accès au crédit, que se passe-t-il ? Certainement de la frustration et de l’envie au départ, comme on le voit en ce moment, mais après…C’est plus compliqué. Il pourrait y avoir de l’agitation, des perturbations, des manifestations,…
C’est là qu’intervient
le "Tittytainment", selon Brzezinski (de nouveau) : « Un
cocktail de divertissement abrutissant et d'alimentation suffisante permettrait
de maintenir de bonne humeur la population frustrée de la planète. »
On pourrait aussi voir apparaître de nouvelles règles ou un nouveau système.
Jean de Sismondi disait qu'un homme (dans le sens d'un travailleur) remplacé par une machine devrait toucher une rente à vie (en contrepartie donc).
Pour Paul Ariès, c'est un revenu garanti couplé à un revenu maximal autorisé.
On pourrait aussi voir apparaître de nouvelles règles ou un nouveau système.
Jean de Sismondi disait qu'un homme (dans le sens d'un travailleur) remplacé par une machine devrait toucher une rente à vie (en contrepartie donc).
Pour Paul Ariès, c'est un revenu garanti couplé à un revenu maximal autorisé.
Pour certains, c'est une baisse du temps de travail afin de permettre à tout le monde de travailler : il faudrait alors voir les modalités d'une telle réduction (à salaire égal ou en fonction du nombre d'heures?).
Pour d'autres, c'est une réforme de la fiscalité et de la redistribution.
Toutes ces idées ont du bon sens et se traduirait par un progrès social pour le plus grand nombre. On peut d'ailleurs se demander à quoi bon faire grossir le "gâteau" si tout le monde n'en profite pas.
Toutefois, cette évolution de la société n'est pas la piste la plus évidente aujourd'hui et en ferait rire plus d'un...entre autres pour des questions de pouvoir : je reviendrai dessus dans un prochain article.
Pour d'autres, c'est une réforme de la fiscalité et de la redistribution.
Toutes ces idées ont du bon sens et se traduirait par un progrès social pour le plus grand nombre. On peut d'ailleurs se demander à quoi bon faire grossir le "gâteau" si tout le monde n'en profite pas.
Toutefois, cette évolution de la société n'est pas la piste la plus évidente aujourd'hui et en ferait rire plus d'un...entre autres pour des questions de pouvoir : je reviendrai dessus dans un prochain article.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire