Si certains
ont plus d’influence que d'autres, ils ont aussi les moyens de faire parler d’eux
et de créer un climat de peur.
- D’autre part, celui de se méprendre sur les taux d’imposition. Qui n’a pas entendu autour de soi : « Attention ! Si tu gagnes 100 euros de plus, tu vas passer dans la tranche du dessus et tes impôts seront beaucoup plus élevés ! »
L’exil des Riches et des Créateurs de Richesses
Les gens (cadres, entrepreneurs, investisseurs, travailleurs,
retraités,…) ne sont pas des Homo Œconomicus. Ils ont des attaches et des
sentiments (parfois irrationnels comme tout le monde) : leurs pays, leur culture, leurs
habitudes, leurs langues, les infrastructures, les paysages, la sécurité, la
qualité de vie,...
Et c’est pour ces mêmes variables que des personnes peuvent décider de
s’établir dans un autre pays si elle pense que ce sera mieux (comme l’indique un rapport de HBSC sur les
retraités ayant décidé de vivre en Thaïlande).
Les aventures très médiatisées de Bernard Arnaud et Gérard Depardieu
ont jeté un véritable coup de froid dans les esprits : tous les riches et tous
les entrepreneurs s’en iraient-ils ?
Cela fait déjà quelques décennies qu’on brandit cette bête noire d’un
fisc confisquant richesses et gouttes de sueur. Cette idéologie a
provoqué une compétition du moins-disant fiscal au détriment du plus grand
nombre.
Thomas Piketty a illustré le cas en France dans son livre (génial) « pour
une révolution fiscale ». Un des graphiques repris ci-dessous – vous
pouvez le retrouver sur le site http://www.revolution-fiscale.fr/
– fait clairement état de ces cadeaux aux plus aisés : plus on gagne…et
moins on paie (en proportion). Et la France est loin d’être la pire en la
matière…
Les chiffres
Revenons-en à nos moutons : Est-ce que les riches particuliers
quitteraient la France ?
Pour simplifier la question et pouvoir chiffrer cet exode, je m’en suis remis aux
études sur les assujettis à l’Impôt sur la Fortune (ISF).
Les chiffres : ils sont entre 500 et 1000 à quitter le pays
chaque année. Ils sont aussi entre 200 et 300 à revenir dans notre beau pays
chaque année. Le solde net se situerait donc entre 400 et 600 par an.
Cet exode fiscal, le syndicat solidaire des finances publiques
(syndicat de Bercy) l’évalue ainsi entre 0,12 et 0,14% des assujettis à l’ISF
tandis que pour Katia Weidenfeld, cela en représenterait environ 0,15%.
Ces départs ne datent pas d’aujourd’hui malgré tous les précédents cadeaux
fiscaux et il serait difficile de se lancer dans la course à l'attractivité fiscale car certains
petits pays proposent des taux d’impositions extrêmement faibles (jusqu'à 0% sous
certaines conditions).
Niveau recettes, cela représente quelques millions d’euros d’ISF en
moins chaque année (sans compter la perte en TVA, l’impôt sur le revenu et les
autres impôts qu'aurait dépensé ces personnes).
Bien que dommageable, on peut logiquement penser que ce n’est pas une catastrophe et
que la réponse ne se trouve pas dans le moins-disant fiscal : ce ne créera
pas plus de croissance et cela ne serait pas une raison suffisante pour les
faire revenir.
La stratégie de la peur et de la terreur c’est plutôt une tactique de
communication, de pouvoir et d’influence.
Trop d’impôt ?
Il y a deux raccourcis fait, à tort, sur le sujet des taux d’imposition :
- D’une part, affirmer que nous sommes imposés sur
tous nos revenus. En réalité, il n’y a de nombreux abattements, niches fiscales
et autres moyens de diminuer sa base imposable (le quotient familial par
exemple qui permet de la réduire en fonction de la structure du ménage),- D’autre part, celui de se méprendre sur les taux d’imposition. Qui n’a pas entendu autour de soi : « Attention ! Si tu gagnes 100 euros de plus, tu vas passer dans la tranche du dessus et tes impôts seront beaucoup plus élevés ! »
Il n’est pas juste de penser cela car
nous sommes imposés à un taux par tranche de revenu comme l’indique le barème
officiel ci-dessous.
Ainsi, si je gagne 10 000
euros, je serais à 0% sur la première tranche, puis 5,5% sur la 2e
tranche (de mon 5964e euros jusqu’à mon 10000e euros soit 4036
euros à 5,5%). Si j’ai une augmentation qui me permet de gagner 11 900 euros, je
ne vais donc pas être imposé à 14% sur l’intégralité de mes revenus mais
seulement sur la part supérieure à 11 897€ (début de la 3e tranche)
soit 3 euro à 14% (11 900 – 11 897).
Plus techniquement, on différencie le taux
d’imposition moyen et le taux marginal. Le taux marginal c’est la plus haute
tranche de l’impôt, le taux moyen c’est celui pour lequel nous sommes imposés
en moyenne sur nos revenus.
Ainsi il est trompeur de dire « c’est choquant de payer 75% d’impôt ».
Affirmer cela dans les médias et sur les réseaux sociaux, c’est vraiment pour
se stigmatiser et prendre les gens pour des cons.
Enfin, on parle de taux confiscatoire et de jamais vu alors que la
France a déjà vu des taux bien plus élevés (plus de 70%) et que les États-Unis ont
longtemps affiché une tranche à 90% (et il n’y a pas si longtemps que
cela !).
Trop d’impôt et Courbe de Laffer
Posée simplement, la courbe de Laffer repose sur
le principe de trop d’impôt tue l’impôt. A partir d’un certain seuil, dit
confiscatoire, le taux d’imposition n’est plus efficace et gripperait
notre machine économique en démotivant travailleurs et investisseurs.
Elle est représentée de la manière suivante :
Un des principaux arguments contre cette courbe
est que si elle était validée par les faits, les nombreuses baisses d'impôts
chez nous ou ailleurs, auraient dû permettre une hausse des rentrées
fiscales...Ce qui n'est jamais arrivé, bien au contraire. Toujours dans cette
optique et si cette courbe provoquait les effets escomptés à partir de ce seuil,
une baisse de l’imposition devrait « libérer la croissance » et une augmentation
de l’imposition devrait la faire baisser…Or il me paraît impossible d’affirmer
une telle vérité ou en tout cas de le prouver.
J’ajouterais que Laffer n’a jamais indiqué où se
trouvait le seuil confiscatoire. Il dépendrait certainement du pays, de sa
culture, du contexte,…mais personne ne pourrait affirmer aujourd’hui où se trouverait
une telle limite. De ce fait, cette courbe n’a pas beaucoup d’utilité hormis
ajouter une pierre à l’idéologie économique.
A travers cette courbe, certains vont aller trop
loin et déduire que l'impôt ou la cotisation n'est qu’un simple processus de
destruction de richesse. Je préfère voir l’impôt comme le coût de production
d'une autre richesse (les biens publics, l’école, les infrastructures, la
redistribution, les aides aux entreprises…).
Comparaisons des taux de prélèvement à l’international
Les comparaisons entre les taux de prélèvement à l’international
foisonnent : l’Allemagne est plus clémente, les États-Unis ont un État moins
grippe-sous, la France fait partie du peloton de tête des prélèvements,…La
liste est longue.
Le problème des comparaisons à l’international, c’est qu’il y a de la
cuisine là dedans. Tout dépend de ce qu’on compare : si on compare
uniquement les taux de prélèvement calculé par chaque pays, nous omettons des
éléments essentiels.
Par exemple comparer le taux de prélèvements aux États-Unis
et en France nous fait oublier que la sécurité sociale américaine est privée (à quelques exceptions près) et payante (donc en dehors des impôts)
alors que ce coût est en partie déjà
inclus dans nos impôts. D’autant plus que ce coût de la santé est plutôt en
faveur de la France car les américains dépensent plus pour leur santé et finalement pour
des résultats discutables (comme une espérance de vie plus faible que la nôtre).
Il faudrait arrêter les comparaisons internationales ou alors vraiment
tout prendre en compte. Est-ce qu’il serait par exemple juste de comparer
stricto sensus notre fiscalité dite trop élevée avec une fiscalité faible d’un
pays extrêmement pauvre, culturellement différent, avec peu d’infrastructure, peu de soins, peu de
formation ? Est-ce que cela aurait du sens ?
L’exil des Entreprises
Enchaînons sur les capitaux et les entreprises qui partiraient à
l'étranger.
A mon sens, le capital apatride est un pur mythe. Si les investisseurs
recherchent le profit mais ne se comportent pas en être parfaitement rationnel,
il faut en ajouter qu'une entreprise ne se délocalisera pas d’un coup de baguette magique.
Une multinationale qui quitte définitivement son pays d'origine…vous
en connaissez beaucoup ?
Généralement une multinationale a dans la majorité des cas des responsables
du pays d’origine et son centre décisionnaire dans ce dernier.
De la même manière qu’une entreprise ou un individu n’est pas juste un
compte en banque, un pays ne se résume pas à un taux d’imposition. Il est ainsi
faux de ne raisonner qu’en termes de compétition fiscale : il faut poser le problème sous forme de compétition globale.
Internationalisation et Délocalisation
Les activités internationales passent le plus souvent par du
"brown-field" c'est-à-dire achat d'une entreprise existante. Cela ne
crée pas plus d'emploi (à l'instant T) pour le pays en question. Il s’agit
plutôt d’une prise de contrôle par des étrangers qu'un véritable apport.
Si de nombreux pans de notre activité peuvent s’exporter (y compris
certains services), il ne faut pas systématiser. De nombreuses choses ne
peuvent pas 's'internationaliser' : les modes d'organisations, les réseaux
d'entreprise, des réseaux de connaissances, des personnes de confiance, son
cadre d'origine (institution, légal, juridique,...).
Ainsi, le but de l’internationalisation voire de
la délocalisation n'est pas seulement de réduire les coûts, il s'agit surtout
de s'implanter sur des marchés porteurs et de contourner les barrières
protectionnistes. Et si des entreprises perçoivent que le marché national est
"mort" (en particulier du fait de la baisse des revenus des
consommateurs engendrée par une pression fiscale de plus en plus forte), elles miseront
sur l’international car trouver des marchés plus dynamiques est une question de
survie.
L'Européanisation
Spécifiquement pour l'Europe, le capital autrefois national s'est transformé
en capital européen. Cela reste toutefois limité, dans le genre
donnant-donnant, et avec une commission européenne qui bridera les fusions/acquisition (et la croissance des
entreprises).
En effet, ce « pays Europe » a une limite qui est dans sa
constitution même : la libre concurrence (à tout prix). Ainsi au nom de la
libre concurrence, la commission européenne a refusé toute fusion/acquisition
pouvant créer des champions européens.
En contrepartie, et c’est le plus dommageable, il n’existe aucune
véritable politique industrielle à l’échelle européenne. En Europe, nos
industries sont compressées dans un étau et nous nous approchons d’une phase
critique, presque cul-de-sac.
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