Nous avons placé la croissance du PIB sur un piédestal jusqu’à parodier
le gouvernement quand l’économie stagne (Le clip « Croissanceoutai »
des Guignols de l’info, ça vous dit quelque chose ?).
Voir en plein écran
On peut pourtant se demander s’il existe un lien entre développement et
croissance. Après tout, la richesse d’un pays ne devrait pas se reconnaître à
ses comptes en banque ou à son taux de prélèvement obligatoire mais plutôt à
ses Hommes et ses Femmes. Quand je dis qu’il faudrait remettre l’humain au cœur
des modèles économiques, je ne plaisante pas !
C’est pourquoi, j’ai cherché à identifier la présence d’un lien entre
croissance et développement.
Ce que nous dit la théorie
Dans la théorie économique, la corrélation entre développement et croissance
est presque évidente.
D’un coté, le développement apporterait la croissance sur le long
terme : l’éducation, la santé et l’espérance de vie permettent de créer de
nouvelles richesses.
De l’autre, la croissance permettrait de financer le développement, les
amélioration et/ou changements dans les modes de vie.
Comment mesure-t-on le développement ?
Le développement est une notion subjective.
En effet, chacun d’entre nous possède une vision différente du
développement. Toutefois, il est possible d’extraire un socle commun : la
santé, l’éducation, l’espérance de vie, la liberté d’expression, l’égalité
homme-femme, etc… Tout cela se révèle être un amas d’éléments abstraits et
difficilement chiffrables (le « Doux ») ; il faut donc effectuer
des choix qui ne sont pas sans importance sur le résultat.
Doit-on y inclure des valeurs telles l’égalité des sexes ou du niveau
de démocratie ? En fait, il existe derrière la notion de développement,
une pesanteur culturelle qui oblige à choisir un dénominateur commun peu poussé.
C’est pourquoi, les indicateurs de développement dégagent tous une vision
globale mais tronquée.
Il existe de nombreux indicateurs, comme toujours, mais pour des
raisons de simplicité, je n’évoquerai que l’IDH (Indicateur de Développement
Humain).
L'IDH
L’IDH n’est pas un indicateur parfait (mais en existe-t-il en Economie ?)
mais il permet d’avoir un aperçu rapide du développement dans le monde.
L’IDH est un indicateur composite : il synthétise des indicateurs
liés à l’espérance de vie, le niveau d’éducation et le revenu par habitant.
Il débute à 0 (développement faible) et va jusqu’à 1 (développement
maximal), ce qui permet d’établir des comparaisons entre pays.
Le schéma ci-dessous me paraît plutôt clair pour illustrer les
différentes composantes de l’IDH :
L’IDH en Action
Qui sont les champions de l’IDH ? Le haut du classement (ici les
20 premiers) est composé quasi-exclusivement de pays dits riches ou développés,
avec une forte représentation des pays nordiques.
Le nuage de points ci-dessous permet de mettre en évidence le lien qui
existe entre le PIB par tête et l’IDH. La courbe de tendance (en vert) indique
très clairement qu’il existe une forte corrélation entre les deux. Le principe
serait le suivant : plus un pays est riche (en PIB), plus il est développé (en
termes d’IDH).
Ce n’est en soit pas étonnant car le PIB (Produit Intérieur Brut) est
une notion très proche du RNB (Revenu National Brut), indicateur entrant dans
la composition de l’IDH.
J’ouvre une –brève– parenthèse technique pour ceux qui le
souhaitent : [le RNB est égal à la somme du PIB et du solde des revenus
extérieurs (avec l’étranger). Or, le solde des flux primaires avec le reste du
monde étant généralement faible, RNB et PIB sont souvent proches.]
Il est donc logique de
trouver une corrélation entre les deux car l’IDH est un indicateur composite intégrant
une variante du PIB. Evidemment, les autres indicateurs entrants dans le calcul
de l’IDH (ceux de la santé, de l’éducation,…) pourraient changer la donne mais
ce n’est apparemment pas le cas quand on regarde ce nuage de points.
Toujours sur ce graphique, on peut noter l’existence de quelques extra-terrestres
comme le Qatar, le Luxembourg, le Koweït,… : ce sont soit des paradis
fiscaux, soit des pays pétroliers.
Cela me permet de vous faire remarquer que l’IDH n’intègre pas de
notions d’égalité entre sexes, de répartition des revenus ou encore de
pauvreté. Ainsi, les revenus (anormalement) élevés de ces pays permettent de
les faire grimper dans le classement et d’en oublier qu’on mesure le
développement.
Les limites du lien Croissance-Développement
Croissance = Développement ?
La première limite de ce lien se trouve dans la définition même du
développement.
Si je vous dis que la croissance seule ne permet d’entraîner un développement
vertueux, il faudrait avant tout être d’accord sur la notion de développement.
Prenons le cas du Qatar ou du Koweït. Malgré des revenus extrêmement
importants à l’échelle du pays (d’où un IDH élevé), peut-on dire que nous avons
affaire à des nations modèles ?
L’IDH donne une vision pondérée de l’éducation, du revenu et de la
santé. Un revenu élevé peut permettre d’écraser les deux autres composantes (éducation,
santé) et d’élever l’IDH. Cela pose problème car aucune indication n’est donnée
sur sa répartition ; les pays pétroliers, très présents dans le haut du
classement de l’IDH, sont des modèles d’inégalités avant d’être des modèles de
développement. Seuls quelques individus profitent des bienfaits de la
croissance pendant que la population vit très difficilement.
Cela dit, on retrouve ce problème dans tous les indicateurs uniques
fonctionnant sur un système de moyennes.
Enfin, l’IDH ne prend pas en compte de critères écologiques ou de
soutenabilité. Un pays qui détruirait son patrimoine naturel (en polluant par
exemple), peut voir son IDH exploser alors que l’avenir de la nation est en
danger.
Croissance = Développement pour toujours ?
Cela nous amène à la deuxième limite du lien entre croissance et
développement : la croissance n’enclenche pas nécessairement de
développement vertueux. L’inverse paraît plus crédible.
Le graphique ci-dessous met en parallèle le taux de croissance de
l’économie française (PIB) et celui de son IDH. Je reconnais que la série est
courte mais je ne dispose malheureusement pas d’autres données.
Vous admettrez que la corrélation entre les deux n’est pas évidente ici.
On peut en déduire que la croissance du PIB ne permet de développer une nation
que sous certaines conditions.
Et encore, vous n’avez pas tout vu. Vous trouverez ci-après la mise en
parallèle de l’IDH et de la croissance du PIB (par habitant) pour différents
pays (choisis au hasard, sur différents continents et avec des modèles
économiques/politiques différents).
Aucune tendance ne semble sortir du lot.
Le développement, tout comme la croissance d’ailleurs, ne se décrète
pas, mais une chose les relie : le contexte institutionnel. Les politiques ont
un rôle essentiel dans le développement. Dit autrement, c’est le cadre
institutionnel qui enclenche et canalise aussi bien croissance que
développement.
Bien que la croissance permette de générer des revenus supplémentaires,
seuls un gouvernement progressiste permettra de mettre en œuvre une politique
de développement.
Imaginez un pays au revenu élevé mais où une élite s’accaparerait le
produit de la croissance et ferait tout pour asseoir leur pouvoir. Il peut y
avoir développement, mais pour autant il faudrait se pencher sur le pourquoi du
comment. Chose que l’IDH ne permettra de faire (ou même de constater !).
A l’inverse, un pays avec peu
de croissance mais où les fruits de cette dernière sont répartis de manière
efficace engendreront des améliorations des conditions de vie.
Construire son propre indicateur
Le site internet du PNUD offre la possibilité de construire soi-même
son indicateur. C’est par ici :
Vous trouverez le mien ci-dessous où j’ai intégré différentes données
supplémentaires (inégalités, égalité des sexes,…) et volontairement minoré le
poids des revenus par habitants pour éviter l’effet « paradis
fiscal ». Les pays nordiques sont clairement devant avec cet indicateur « personnel ».
PS : J’aurais bien voulu y intégrer la notion de bien-être ou de
soutenabilité mais ce n’est malheureusement pas possible.
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