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lundi 12 décembre 2011

Acte 2 - La Crise de l'Euro

Un an et demi après mon dernier article sur la crise grecque, je reviens sur le sujet. Les diverses mesures prises (Fond de Stabilité, Rachat de dettes par la BCE sur le « marché de l’occasion »,…) n’ont pas été suffisantes pour rassurer les marchés.
Et aujourd’hui, le manque d’avancée politique a incontestablement entraîné dans sa tourmente tous les autres partenaires européens. Même le couple franco-allemand est menacé par une moins bonne note des agences de notation. Pour les spécialistes, la France a déjà perdu son AAA : la preuve en est son taux d’emprunt qui s’éloigne de plus en plus du taux allemand.

Quel est l'avenir de la zone Euro : Un peu d'Europe? Beaucoup d'Europe? de l'Europe passionnément? Pas d'Europe?















L’Euro et l’accélération des divergences


Avant l’Euro, les stratégies et politiques des européens étaient différentes voire à l’opposé pour certains. De nombreuses spécialistes estimaient que la disparition des risques de change, la libre circulation et la tombée des frontières (commerciales) allaient créer un modèle européen de croissance et de développement. A la clé : une moyennisation des niveaux de vie par le haut.

Avec l’Euro, c’est tout le contraire qui s’est passé : les divergences sont encore plus fortes ! Ce n’est pas évident mais la disparition des risques a accrue la spécialisation de chaque pays de l’Union. Les entreprises n’ont plus de barrière pour s’implanter là où la productivité de leur secteur est maximale.    
     Au nord, l’industrie de pointe. Au sud, les services et l’industrie milieu/bas de gamme.
     Au nord, les excédents : les fourmis et au sud, les déficits courants : les cigales.

Pendant longtemps j’ai cru, comme d’autres, que l’accélération de la désindustrialisation en Europe du sud était surtout un mauvais choix de politiques : « est-ce que tout cela ne viendrait pas des déséquilibres entre pays dans un monde mondialisé? », « Comment est-ce que le système peut fonctionner quand des pays accumulent indéfiniment des excédents incroyables et que d'autres en font tout autant avec les déficits ?».
 Aujourd’hui, je suis plus modéré et la raison est simple : une union monétaire a surtout de fortes chances d’aggraver les divergences nationales/régionales. Au-delà du politique et de la libre circulation du travail, il suffit de regarder le cas des Etats-Unis : malgré le fédéralisme, tous les Etats ont de fortes spécialisations primaires, secondaires et/ou tertiaires.

Cela ne dédouane toutefois pas entièrement les politiques.

 

Une perte de confiance dans l’avenir de la zone Euro

Pour de multiples raisons, les marchés ont perdu confiance en l’Euro.
En grande partie on retrouve le paradoxe dans lequel se trouve l’Union Européenne : l’austérité à marche forcée d’un côté, une croissance faible et fragile de l’autre.
Alors que les perspectives de croissance permettant d’augmenter les recettes et de permettre les remboursements sont déjà très fragiles, les dirigeants européens doivent serrer la vis en même temps pour limiter les déficits. Le risque qui en découle est une récession demandant plus d’austérité, donc moins de croissance,…et ainsi de suite.

On peut se pencher sur les détails de ce paradoxe à travers la situation politique globale, la comptabilité nationale mais également trois variables parmi tant d’autres : l’autoréalisation sur les marchés, le % de la dette détenue par les non-résidents et la possibilité de se financer par la création monétaire.

Le mimétisme sur les marchés avait déjà été abordé dans un article précédent. Il suffit de croire qu’un évènement improbable puisse se produire pour qu’ils se produisent.
Les agences de notation, outre le problème d'impartialité et de nécessité (on peut se demander si elles sont légitimes et utiles pour noter des Etats souverains), c'est surtout les notes auto-réalisatrices qui sont terribles. Je m'explique. Si pour n'importe quelle raison, une agence de notation (surtout Moody's en ce moment) "attaque" un pays et bien ces prévisions vont se réaliser automatiquement : certains fonds ne pourront plus acheter de la dette, la demande va donc baisser automatiquement, les intérêts vont augmenter,...Enfin bref, c'est un cercle vicieux.
Quand on sait qu'ils n'ont rien pu voir sur Lehman Brothers une semaine avant sa faillite, comment peuvent-elles avoir un tel pouvoir et une telle légitimité ? C'est absurde.

L'autre point est le % de dette publique détenu par les non-résidents. Prenons le Japon et ses 200% de dettes publiques (ramené au PIB). Il ne se porte pas mal sur les marchés financiers car 95% de cette dette est détenue par les japonais. Le Royaume-Uni et l'Allemagne ne sont pas trop mal lotis non plus ; a contrario de l'Irlande, l'Espagne, la Grèce, la France,... 

Si les "marchés financiers" attaquent l'UE aujourd'hui et moins le Royaume-Uni ou les US, c'est bien parce que les États-membres ne peuvent pas se re-financer par la création monétaire auprès de la Banque Centrale Européenne (substitut des banques des banques nationales). C’est l’une des failles de la zone Euro, doublée d’un manque de solidarité et/ou de fédéralisme.


Le rôle de la BCE et la politique monétaire

La Banque Centrale Européenne (BCE), dont la mission quasi-exclusive est la stabilité des prix, se trouve actuellement dans un flou institutionnel. Pour lutter contre l’inflation, elle avait relevé ces taux avant de les rebaisser face aux besoins de l’économie (1% aujourd’hui).
Le rôle de la BCE a été maintes fois remis sur le tapis.

Dans la plupart des Banques Centrales dans le monde, on leur confie de la stabilité des prix…mais également de la croissance. 
La BCE est ainsi un modèle unique en son genre car on lui demande de mener une politique monétaire d’une main de fer, sans tenir compte de la croissance et l’emploi. Un des leviers de la politique économie a ainsi été transféré à cette institution indépendante sans aucun compte à rendre. 

Sans la création monétaire et la dévaluation, à long terme, deux solutions sont possibles pour des européens en perte de vitesse :
  •  Une sortie par le haut en visant le marché du luxe, de la technologie de pointe, l’innovation, le haut de gamme,…
  • Une sortie par le bas, via la rigueur, l’austérité, le dépouillement de l’Etat et de la protection sociale,…
Ces deux solutions peuvent même se cumuler, d’une part, si les cas sont isolés (le pire étant le cas d’une sortie par le bas généralisé, ce qui est suicidaire car favorisant une lutte au moins disant) et, d’autre part, si le contexte le permet : des marchés européens et mondiaux dynamiques,  une industrie suffisamment forte, une volonté politique et citoyenne.
Des pays comme la Suède, l’Allemagne ont su prendre les devants au bon moment et cumuler les avantages et inconvénients des deux sorties.
Toutefois, aujourd’hui la conjoncture ne s’y prête plus et laisse peu de portes entrouvertes.


Les nouveaux scénarios

En quelques mots l'euro a des avantages : il a favorisé les échanges et les voyages, fait baisser les taux d'intérêt (en moyenne), permis de rivaliser avec le dollar, fait disparaître les coûts de transaction (de devises),... Il devait en théorie apporter une homogénéisation des politiques économiques et apporter plus de cohésion. Cela n’a pas été le cas.
Mais il serait bien dommage d’abandonner cette aventure maintenant comme le font de nombreux dirigeants en parlant de revenir aux monnaies nationales, d'expulser les mauvais élèves, de punir les fautifs...

1.     Attendre

C’est l’action privilégiée en ce moment. Comme personne n’est d’accord sur ce qu’il faut faire et ce qui est possible de faire, les dirigeants politiques font « durer le plaisir ». Cela peut sans doute tenir quelques mois encore mais tôt ou tard, on risque de se retrouver pied au mur.

2.     Le Fédéralisme

L'Euro en tant que monnaie est incomplète: une solution à la crise de l’Euro, serait justement plus d’Europe. Une Europe avec des liens plus forts, plus solidaires,…Une sorte de fédération des Etats Européens Unis.
Les modalités seraient à définir : un Gouvernement Economique Européen, une BCE aux missions élargies, une garantie solidaire des dettes européennes,…
Les barrières sont très nombreuses à un tel scénario : les Etats n’ont pas vraiment envie d’abandonner leur souveraineté, les fourmis veulent sanctionner et encore moins contribuer pour les cigales, la démondialisation séduit les individus, les extrémismes montent,…Et surtout la peur que cette solution ne fonctionne pas et entraînerait tous les autres !

3.     Le Retour aux Monnaies Nationales

Le retour aux monnaies nationales impliquerait renouement avec les difficultés entre devises.
Avec l'euro, seules des cures d'austérité sur les populations permettent d'obtenir un avantage compétitif : regardez l'Allemagne et ses coupes dans les années 2000 en matière de protection sociale appauvrissant les salariés mais améliorant son cout du travail vis à vis des européens. Le retour aux francs et aux monnaies nationales, c'est le retour des dévaluations compétitives et des crises type 1993.

Le retour au Franc, c'est automatiquement des taux d'intérêt plus élevés: l'argent pour investir devient plus cher vis à vis de l'Allemagne en particulier avec les conséquences qui en découleront sur le dynamisme du pays. 

C'est un retour à une France seule au milieu des grands pays de ce monde.

La dette resterait soit libellée en euros avec des conséquences catastrophiques sur le coût de la dette et sur les ménages (cout des importations dont le pétrole qui serait démultiplié) soit libellé en Euro-Francs à des taux impossibles. La France hormis quelques niches telles que l'aérospatial n'y gagneraient pas tant que ça au niveau des exportations.
Voilà pour les conséquences.

Sur les modalités, rien n'est prévu dans la constitution de l'UE. Tout reste à créer.
Il y aurait tout un processus démocratique plutôt long et complexe avant de recréer les pièces et billets, reconfigurer les caisses, guichets, ordinateurs, logiciels, comptabilités,...

A voir aussi comment gérer le changement de monnaie car tous les épargnants seraient tentés de retirer l'intégralité de leurs économies pour les mettre à l'étranger avant dévaluation.

Et puis comment se financeront des pays si les financements extérieurs aux Etats se raréfient.

"Certaines entreprises opérant au niveau international indiquent qu’une implosion de l’euro serait une mauvaise nouvelle mais pas une catastrophe", indiquait un célèbre quotidien britannique. De nombreuses grandes entreprises se sont préparées à ce scénario.