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samedi 29 mars 2014

Les révolutions industrielles : Présentation et Historique

Les réflexions sur la révolution industrielle provoquent souvent un débat sur sa définition même, ses origines et ses conséquences. De plus en plus, les économistes essaient d’en trouver la recette pour conseiller les politiques et parfois se vantent d’avoir découvert les prémices d’un nouvel âge d’or (à tort ?).


Dans cet article, je vais vous présenter le concept de révolution industrielle ainsi qu’un bref historique. Cela ouvrira alors les portes d’un prochain article sur ce que nombreux appellent déjà la 3e révolution industrielle.




Révolution Industrielle ?

On parle de révolution industrielle lors du basculement majeur d’une société vers l’industrie. Les répercussions vont alors bien au-delà de l’innovation technique. C’est pourquoi les révolutions sont donc technologiques, mais aussi économiques, financières et sociales.

Il est intéressant de noter que les précédentes révolutions industrielles ont un terrain commun : le déversement d’emploi – principalement du secteur agricole vers le secteur industriel – et un couple [(nouvelle forme d’énergie-moteur)/(nouveau système d’information-transport)].

La nouvelle forme d’énergie-moteur (moteur à vapeur, moteur à explosion,…) génère une succession d’innovations révolutionnaires au quotidien. Ces évolutions technologiques bouleversent les mœurs, l’organisation du travail, les manières d’échanger et de consommer, nos habitudes alimentaires, nos façons de communiquer et de se déplacer.
Enfin, les innovations doivent créer une forme auto-entretenue de gains de productivité sans quoi la révolution industrielle s’éteindrait comme un pétard mouillé.


Contrairement à ce que laisse supposer le terme « révolution », elles s’inscrivent dans la durée : les mutations sociales et économiques prennent du temps.

La définition même de l’expression « Révolution Industrielle » fait débat et certains estiment que la plupart des pays ont en réalité subi une « simple » industrialisation. Mais laissons de coté ce débat technique afin de jeter un œil sur les deux grandes révolutions industrielles.



La 1e Révolution Industrielle

La première révolution industrielle se préparait depuis plusieurs décennies avec la révolution verte et le développement des ateliers. Elle débute vers la fin du XVIIIe siècle avec des innovations majeures : la machine à vapeur permettant l’apparition des chemins de fer, le métier à tisser et l’amélioration des techniques de métallurgie.

Imageons un peu cette idée.
L’Angleterre dispose d’une avance technologique et démographique dans un contexte d’exode rural (« l’armée de réserve industrielle » selon les termes de Marx) : nous avons ici la poudre prête à exploser.
L’amorce, c’est la machine à vapeur de James Watt qui va permettre de décupler les forces en présence tout en permettant une myriade d’innovation dans le textile, l’extraction de minerai, les brasseries, la métallurgie, la chimie, la fabrication du verre, la construction navale et enfin l’apparition du chemin de fer. 

Cette première révolution industrielle s’explique donc par un contexte social bouillonnant et des innovations en entraînant d’autres à travers un couple [nouvelle énergie-moteur / nouveau moyen de transport et d’information]. La machine à vapeur devient le cœur des ateliers et la locomotive facilite les échanges de cette production accrue.

C’est le passage d’une économie rurale à une économie artisanale.



La 2e Révolution Industrielle

La deuxième révolution industrielle commence dans la deuxième moitié du XIXe siècle avec ses grappes d'innovations : la chimie, l’électricité, le télégraphe, l’énergie du pétrole permettant la création du moteur à explosion et les engrais chimiques. 

Ces innovations vont permettre un nouvel exode rural et une myriade d’innovations en chaine. De plus, avec les progrès du moteur à explosion et de l’électricité, il a fallu complètement revoir l’organisation du travail qui se veut désormais scientifique (l’OST de Taylor).

C’est le passage d’une économie artisanale à une économie industrielle.




Les deux révolutions industrielles constituent bien une association entre une nouvelle forme d'énergie/moteur décuplant les forces – mais aussi la consommation de ressources – et de nouveaux systèmes de transport et d'information.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Sommes-nous au cœur d’une 3e révolution industrielle ou seulement l’orée de cette dernière ? Quelles sont les grandes théories à ce sujet ? Quels sont les faits ?
C’est ce que nous verrons la semaine prochaine.

mercredi 12 mars 2014

Les paradis fiscaux passés au peigne fin

« La richesse cachée des nations » (Gabriel Zucman), « Ces 600 milliards qui manquent à la France » (Antoine Peillon), « la grande évasion : le vrai scandale des paradis fiscaux » (Xavier Harel) ou encore « le capital au XXIe siècle » (Thomas Piketty) sont quelques exemples de livres m’ayant fortement inspiré.

Le thème récurrent ? Les paradis fiscaux, l’optimisation fiscale, la fraude fiscale, le manque à gagner des États-nations, les inégalités galopantes,…

Aujourd’hui, je vais tenter de dresser une cartographie des patrimoines étrangers dans les paradis fiscaux. Il ne s’agit pas de vous parler des techniques d’optimisation fiscale (il y a déjà un article sur le sujet, si le courage vous en dit : ici) mais des masses monétaires en jeu, des fausses bonnes raisons du dumping fiscal et de la prétendue fin des paradis fiscaux annoncée au G20 en 2009.




Les montants en jeu

D’après les calculs de Gabriel Zucman, entre 10 et 11% du patrimoine mondial serait détenu dans les milieux offshores. Cela représente un stock d’environ 8 000 milliards d’euros – bien que ce montant prête à caution – de patrimoine étranger caché dans les banques offshore.
A titre de comparaison, le PIB annuel, c'est-à-dire la richesse créée par an, de la France est de 2 739 milliards d’euros en 2013…Retenez simplement l’ordre de grandeur car si le PIB est un flux (il se créé tout le temps), le patrimoine est un stock.

Sur ces 8 000 milliards d’euros, la majeure partie est investie en titres financiers (actions, obligations, SICAV,…). En effet, les rendements des titres financiers sont, en moyenne, plus élevés que la plupart des autres placements, y compris les investissements productifs. De plus, il est plus simple de les transférer et de les dissimuler. Bref, que demande le peuple ?
Le graphique suivant porte sur le partage approximatif de ce patrimoine caché dans les paradis fiscaux :




La Suisse, coffre-fort de l’Europe

La moitié du patrimoine français situé dans les banques offshores, se trouve en Suisse. On approche ainsi les 175 milliards d’euros, d’origine française (sur 350 milliards), tapis dans les montagnes helvètes. D’ailleurs, tous les journaux ont relevé l’information selon laquelle « 80% des 15 813 fraudeurs du fisc français ayant demandé la régularisation de leur situation avaient un compte en Suisse ».

La situation présentée dans le graphique suivant n’a donc rien de surprenant:


Tout cela est assez étonnant dans les faits car le G20 concluait que c’était la « fin du secret bancaire ». Or, Gabriel Zucman souligne que les fortunes étrangères en Suisse « ont augmenté de 14% » et, même de 25% tous paradis fiscaux confondus. Dans une fiction on pourrait en rire mais la réalité est malheureusement terrible : il s’agit d’autant de recettes à déduire du budget des États-souverains.

Voilà qui ne favorise ni la réduction des inégalités, ni la baisse des déficits budgétaires.
De plus, comment demander aux classes modestes et moyennes de payer des impôts de plus en plus lourds quand les plus aisés peuvent décider du montant à régler (ou à ne pas régler justement) ?



Une fraude insupportable

La fraude des ultra-riches couterait 130 milliards d’euros dans le monde (fraude à l’IRPP, à l’ISF et aux droits de succession). Attention : dans ce montant, on omet de comptabiliser les revenus tirés des activités illégales (à la base) et la perte due à la baisse des taux d’imposition (bah oui, il faut se rendre « attractif » quand il y a du dumping fiscal).

Pour l’Europe, cette fraude représente 50 milliards de recettes en moins.

La France s’y taille la part du lion avec 17 milliards d’euros par an :


Pour information en France, en 2013 :
  • Les recettes en matière d’Impôt sur le Revenu (IRPP) étaient de 67 milliards ; l’évasion fiscale augmente donc les besoins de l’État de 9 milliards.
  • L’ISF devrait atteindre difficilement les 4 milliards de recettes (on parle de 4,3), alors que 4 milliards d’ISF sont omis des déclarations tous les ans…

Ces montants sont scandaleux alors que l’on oblige les français à se serrer la ceinture. Je les trouve encore plus scandaleux quand le gouvernement se demande comment réduire le déficit budgétaire…



La lutte contre les paradis fiscaux en Europe : des paroles mais peu de résultats…

Plusieurs mécanismes ont été mis en avant pour justifier la « fin des paradis fiscaux » mais qu’en est-il ?

Au niveau national, on peut tirer les enseignements de l’enquête d’Antoine Peillon auprès d’un « infiltré » de la DCRI (le FBI français), et plus particulièrement de la sous-direction K5  « en charge des sections bancaires et fiscales ». Son livre intitulé « les 600 milliards qui manquent à la France » nous révèle que cette division peut user de son influence pour mettre certaines affaires au secret durant le temps nécessaire de la prescription (3 ans en général). Ces mises au secret ne concernent pas les affaires de Monsieur Toutlemonde, cela va de soi…

Au niveau international, le premier mécanisme me venant en tête est l’assistance mutuelle en matière fiscale : concrètement les États doivent collaborer pour empêcher les fraudes en échangeant des données, en transmettant certaines informations au fisc, etc… C’est beau sur le papier mais il s’agit d’une simple « déclaration de bonnes intentions ». Rien n’empêche d’omettre certaines informations, de ne pas faire d’efforts pour identifier les détenteurs des comptes ou de compter sur la bonne foi.

La deuxième initiative est européenne : il s’agit de la fameuse directive épargne (de son doux nom Directive 2003/48/CE). Elle devait permettre d’imposer les individus dans le (vrai) pays du résident et non celui où est enregistré le(s) compte(s). Encore une fois, cela ne permet pas de conclure que les paradis fiscaux ont disparu de l’Union Européenne.
Premièrement, la directive épargne ne cible que les intérêts des comptes et ne s’attaque donc pas aux revenus des titres financiers. Or, comme l’atteste premier graphique, la majorité des sommes détenues dans les paradis fiscaux sont investies en actions : les revenus sont alors des dividendes et non des intérêts...
Deuxièmement, les paradis fiscaux que sont le Luxembourg et l’Autriche disposent de dérogations. Même la Suisse a pu négocier l’accord correspondant et tous les sites internet suisses de gestion de patrimoine s’en vantent : « les détenteurs non-résidents de comptes suisses sont toujours protégés par le secret bancaire ! »
Enfin, pour être concerné il faut que le compte soit ouvert à son nom. Les comptes détenus par des sociétés écrans, des trusts, des fondations et autres coquilles vides, sont exclus de cette forme de contrôle. La directive est entrée en vigueur en 2005 et il est assez remarquable de constater comment cette mesure avait été anticipée ; jetez donc un œil sur le nombre de comptes suisses détenus en mains propres avant et après le vote de la directive :




En conclusion, les paradis fiscaux ne se sont jamais mieux portés. Le secret bancaire a encore de merveilleux (sic) jours devant lui.
Certains experts affirment qu’il s’agit d’une concurrence saine permettant de promouvoir la liberté des capitaux. On ne peut que difficilement être d’accord avec cela. Gabriel Zucman considère l’évasion fiscale, à juste titre, comme une externalité négative et du « vol pur et simple de nations ». En période de crise et de resserrement budgétaire, il serait temps de récupérer ce qui revient de droit aux États souverains. Après tout, il s'agit de mesures anti-concurrentielles pouvant donc donné lieu à des rétorsions commerciales...alors utilisons-les ! La France n'est pas le seul pays perdant à ce petit jeu !

La passerelle entre le secret bancaire et les subventions déguisées devrait être reconnue par les institutions internationales comme le FMI, l’OCDE ou l’OMC. C’est alors que de vraies mesures pourraient être établies pour lutter contre ce fléau qu’est l’évasion fiscale en suivant, par exemple, le plan d’action décrit dans « la richesse cachée des nations » de Gabriel Zucman :
  1. Créer un cadastre financier du monde : les titres financiers puis les dérivés,
  2. Instaurer l’échange international et automatique de données,
  3. Réformer l’impôt : impôt mondial sur les sociétés et sur le patrimoine.

mercredi 5 mars 2014

Le coût du capital

Un des objectifs sous-jacents de notre mondialisation est d’augmenter le retour sur investissement/placement. De fait, le capitalisme, dans sa forme mondialisée, suppose que des acteurs économiques multiples bien informés puissent avoir la possibilité de se déplacer en fonction des opportunités ; autrement dit, il faut pouvoir entrer et sortir à tout moment. Cela fonctionne très bien pour le capital financier excepté dans les cas du recyclage de l’argent sale (Paul Ariès parlait de 40% de l’argent en circulation) et des délits financiers.

Il me semble que la combinaison de notre mondialisation et du capitalisme a modifié l’essence-même du capital...C’est ce que nous allons voir.




Attirer et conserver les capitaux

La mondialisation de la finance tend à mettre en concurrence les rentabilités (et le retour sur investissement) des sociétés cotées. C’est encore plus vrai quand une partie significative des apporteurs de capitaux ne sont pas des résidents du pays, comme dans le cas des entreprises du CAC40 : les non-résidents possèdent près de la moitié de la capitalisation boursière (selon la  Banque de France). Les conséquences sont nettes et sans bavures : malgré la mauvaise santé de l’Économie française et de son appareil productif, les sociétés non financières ont versé (SNF), en dividendes, la part la plus importante jamais mesurée de la valeur ajoutée (VAB), c'est-à-dire en proportion des richesses qu’elles avaient créées.
Ce lourd tribut est le prix à payer pour conserver des capitaux volatils, ce qui en vient à supprimer la notion de risque dans le capitalisme.



Risques et Capital

L’apport de capital permet d’obtenir un pouvoir dans l’entreprise mais aussi d’être en droit de réclamer une partie des bénéfices. Car oui, entrer dans le capital présente initialement un risque : celui de perdre ses billes, ou du moins une partie, quand l’entreprise ou son marché ne va pas bien. Cette prise de risque est inhérente à l’entrepreneuriat ; on crée de l’activité en espérant ressortir gagnant (financièrement, socialement, spirituellement,…). Il est donc normal de rétribuer les apporteurs de capitaux quand l’entreprise marche mais aussi de serrer la ceinture pendant la tempête.

Ce n’est pourtant pas ce qu’il s’est passé au cours de la crise actuelle. La plupart des entreprises cotées ont choisi de réduire leurs investissements, de licencier mais aussi de geler salaires, promotions, embauches et mutations pour mieux « fidéliser » les apporteurs de capitaux : versement de dividendes, rachat d’actions pour augmenter le cours,…

Les gérants de fonds d’investissements pensent que le CAC40 devrait retrouver son niveau de 2008 dans le courant de l’année 2014. D’ailleurs, voilà comment se portent le CAC40 (France) et le S&P500 (États-Unis) après le soubresaut de 2008-2009 :






Le (sur-)coût du capital

Des chercheurs de l’université de Lille I se sont récemment penchés sur le coût du capital. A partir d'un modèle prenant en compte les risques, ils en ont conclu qu’une centaine de milliards d’euros de dividendes (94,7 milliards) n’auraient pas de justifications en France. Cela signifie que le surcoût du capital serait compris entre 50 et 70% du vrai coût (les chercheurs privilégient la fourchette haute de 70%). 
Ce surcoût est d’autant plus douloureux lorsque les taux d’intérêt bancaires sont bas, comme en ce moment. Ce "malus" affecte directement nos investissements d’aujourd’hui, c'est-à-dire les emplois et profits de demain. Quand tout le monde semble se battre pour la compétitivité, c’est un comble...


Mais ce surcoût n’est pas que financier. Les actualités montrent que la liberté et la fierté ont un prix. Les journalistes de Libération ou les salariés de Goodyear en ont fait les frais.

Ainsi, Bruno Ledoux, actionnaire principal de Libération, n’a pas mâché ses mots lorsqu’ils jugent les journalistes dudit journal de « ringards » pour lesquels « tous les français […] raquent». La rédaction de Libération se demande même : « Dans les mains de qui sommes-nous tombés ? ».

Maurice M. Taylor Jr, PDF de Titan et potentiel repreneur de Goodyear Amiens-Nord, ne s’est pas non plus retenu dans sa lettre à Arnaud Montebourg quand il ironisait avec «Titan va acheter une usine de fabrication de pneus chinoise ou indienne, payer ses salariés moins d'un euro de l'heure et exporter tous les pneus en France. Vous pouvez garder vos soi-disant ouvriers. Titan n'est nullement intéressé par l'usine d'Amiens-Nord. »



L’argent-roi donne le pouvoir de dominer, de mépriser et souvent de contraindre. C’est ça aussi le surcoût du capital : celui d’un pouvoir qui n’a de limite que le compte en banque. La fin du capitalisme ne viendra peut-être pas de la lutte des classes comme le pensait Marx, mais plutôt de son absence de limites qui pousse au court-termisme et à l’immobilisme. Tous les coups sont permis…

Il serait erroné de croire que tout est dû aux apporteurs de capitaux qu'on mélange de plus en plus avec les entrepreneurs. Les vrais entrepreneurs sont d'une autre trempe : ils prennent des risques, innovent, sont au cœur de l’action et savent créer une synergie avec leurs équipes.

Enfin, quand on regarde l’histoire du capital, on se rend compte que ce dernier a toujours été présent. Ce n'est donc pas lui qui est à l'origine des révolutions industrielles : en réalité, ce sont les nouvelles formes d’énergie. Le voilà le secret des révolutions industrielles et des pics de croissance ! Mais ce genre d’innovation ne se décrète malheureusement pas. Même avec tous les capitaux du monde.