Faisons un petit tour d’horizon de quelques tours
de passe-passe puis décryptons-les !
Les amortissements et provisions
Je ne rentrerais pas trop dans les détails de ces
opérations car un cours de comptabilité risquerait de ne pas vous passionner.
Sachez simplement que les provisions correspondent
à des pertes ou des charges prévisibles par l’entreprise : par exemple les
provisions pour créances douteuses (si vous pensez que tel client risque
fortement de ne pas vous payer), les amortissements de vos machines (elles s’usent),…Ces
charges et pertes prévisibles peuvent être imputées comptablement et
diminueront le résultat imposable (l’assiette de l’impôt sur les sociétés).
Pour les amortissements « classiques »,
on applique une formule (méthodes linéaire ou dégressive) et ils doivent être
économiquement justifiables. Toutefois, il existe des amortissements plus
libres tels que l’amortissement dérogatoire qui a pour objectif de faire
baisser temporairement le bénéfice imposable.
Les provisions sont quant à elles moins encadrées
même si elles doivent être justifiables en cas de contrôle. Mais comme partout,
on peut facilement produire des chiffres afin de justifier la finalité.
Bon, cela étant dit, les amortissements et les
provisions, bien connus des comptables, ne sont qu’une solution temporaire. Bien
utilisés, ils permettent de diminuer légalement le bénéfice imposable mais on est
très vite limité dans le temps et dans les montants.
Le CIR
Le Crédit Impôt Recherche, basé sur les coûts de recherche
et développement, permet de réduire directement l’impôt des sociétés. Le
gouvernement a mis en place cette niche fiscale afin de favoriser les
investissements en innovation et ainsi d’améliorer la compétitivité des
entreprises françaises. Un objectif louable à première vue.
Le problème est qu’il est complexe à maîtriser mais,
dans le même temps, représente un véritable fourre-tout. Le rapport Alain
Clayes (député) déclare ouvertement que son efficacité est incertaine et qu’il
est sciemment utilisé en tant qu’outil d’optimisation fiscale.
Les intérêts d’emprunt
Une entreprise qui emprunte une somme auprès d’un
établissement de crédit, enregistrera les dits intérêts en tant que charge dans
la comptabilité. Autrement dit, les intérêts d’emprunt réduisent le bénéfice
imposable. OK, c’est un coup de pouce pour favoriser l’emprunt bancaire, l’investissement et la croissance des
entreprises, il n’y a a priori pas de mal à ça !
Pourtant une multinationale peut utiliser ce cadeau
comme un don des dieux : la technique du prêt financier. Pour cela la
maison-mère, idéalement installée dans un paradis fiscal, va prêter de l’argent
à sa filiale française. Il existe plusieurs manières de prêter cette somme en
interne mais l’une des plus ingénieuses est l’obligation convertible. Cette
dernière oblige la filiale française à payer en échange des intérêts
(déductibles des impôts donc) à la maison-mère et, en plus, les obligations se
transforment en actions obligeant ensuite la filiale à payer des dividendes
à sa maison-mère. Et comme la maison-mère est dans un territoire « tolérant »
sur les dividendes, ils seront certainement peu ou prou imposés. Une pierre,
deux coups !
La variante s’appelle capitalisation fine ou
sous-capitalisation : dans ce cas, la filiale française est créée mais est
volontairement privée de moyens suffisants pour démarrer. Cela justifiera l’emprunt
auprès de la maison-mère ou d’un établissement bancaire situé à l’étranger. La
base imposable en France sera amputée des intérêts d’emprunt et le
remboursement de l’emprunt, tiré des bénéfices de la filiale française, partira
dans les caisses de la maison-mère, sous des cieux « plus cléments ».
La manipulation des prix de transfert
C’est une technique assez ancienne et qui est très
connue dans le milieu. Le prix de transfert est au cœur du système de
facturation entre entités d’une entreprise multi-filiales.
Exemple : vous possédez une entreprise au
Bengladesh fabriquant du tissu, une autre en Inde assemblant les tissus et une
dernière en France qui reçoit les vêtements assemblés prêt à vendre à des
grossistes. Votre entreprise au Bengladesh va vendre ses tissus à votre
entreprise indienne qui elle-même revendra les habits à votre entreprise en France.
Si vous êtes réglo, vous vendrez chaque élément à son prix de marché ;
chaque pays concerné engrangera sa part de taxes et tout le monde est content.
Maintenant, imaginez que vous voulez éviter de
payer des impôts en France et préférez en payer la majeure partie en Inde qui
est plus favorable fiscalement. Et bien, il suffit simplement de surfacturer la
vente des vêtements indiens à l’entreprise française. Ainsi, l’entreprise
française récupérera des vêtements bien plus chers et réalisera un bénéfice
plus faible voire nulle. Pendant ce temps, l’entreprise indienne augmente sa
marge et vous votre porte-monnaie car vous payez moins d’impôt au final.
J’ai schématisé le processus mais globalement c’est
cela.
Plus une entreprise possèdera d’activité au niveau
mondial et d’entités dans différents pays et mieux cela marchera. Il est conseillé
de créer des entités intermédiaires, inutiles opérationnellement parlant, pour
opacifier le montage et tirer profit des fiscalités de chaque pays.
Si l’activité est trop faible ou trop concentrée, l’administration
fiscale aura plus de facilités à démonter les pans de la structure et
le fait que les prix ne soient pas justifiés. Mais en même temps, cette
manipulation des prix de transferts qui est une fraude fiscale contient
forcément une part de risque !
Les contrats de façonnage
Comme son nom l’indique, cette technique consiste à
transformer un pays en façonneur et de délocaliser les profits à l’étranger.
Impossible ?
Il suffit pour cela de ne localiser que des centres
de production (usines,…) en France tandis que le siège social se trouve à l’étranger.
Les entités françaises agissant alors comme une sorte de sous-traitant, ne
produisent donc que des coûts (on parle de centre de coûts) : salaires,
achats de matières premières,…Ce sera l’entité située à l’étranger qui
effectuera (officiellement) la distribution des produits finis. Le bénéfice est
donc localisé et imposé à l’étranger.
Le Double Irlandais à la sauce hollandaise
En lisant ce sous-titre, on pourrait croire à une
recette de cuisine. Et effectivement, on n’en est pas loin.
Ces deux techniques, liées l’une à l’autre, sont un
savant mélange des contrats de façonnage et des prix de transfert avec une
pincée d’optimisation des paradis fiscaux.
La technique consiste à localiser l’activité en Irlande
car le taux d’imposition officiel des entreprises y est relativement bas :
12,5%. Ce n’est pas pour rien que les multinationales implantent souvent leur
maison-mère en Irlande – Rien à voir avec la verdure des prés irlandais. Mais ne s’arrêtons
pas en bon chemin : 12,5% c’est encore trop.
On peut créer une autre entité dans un paradis
fiscal encore plus favorable, les Bermudes ou les îles Caïman par exemple, qui
possède des actifs intangibles de préférences tels que les brevets et les
droits d’utilisation de la marque du groupe. La maison-mère irlandaise devra
donc payer des royalties à cette entité pour exercer son activité. Et sous les
cocotiers, la taxe sur ce genre de profit est nulle ou presque. C’est le double
Irlandais.
Le problème c’est que l’Irlande taxe les dividendes
sortants du pays…sauf s’ils sont en direction d’un pays de l’Union Européenne.
La plupart des pays européens pratique le prélèvement à la source en cas de
transfert sous les cocotiers. C’est là qu’intervient la "sauce hollandaise".
Les Pays-Bas, pays européen, ne pratique pas les
prélèvements à la source quand l’argent part aux Bermudes.
Vous voyez sans doute où je veux en venir.
Je résume :
1 L’activité
mondiale ou régionale (souvent l’Europe) est centralisée en Irlande,
2 Une
part des bénéfices est payée en Irlande mais la plupart est due à l’entité aux
Bermudes (par exemple) au titre des droits intellectuels ou en conséquence d’un
contrat de façonnage.
3 L’argent part non taxé vers les Pays-Bas afin que l’Irlande ne les taxe pas,
4 Après
son arrivée aux Pays-Bas, cet argent repart, sans prélèvement à la source, pour
payer la redevance aux Bermudes.
Pfiiiou, j’espère que c’est clair pour vous.
J’ai simplifié au maximum mais vous vous rendez
sans doute compte de la complexité d’un tel montage. A démonter c’est encore
pire et il n’est pas étonnant que l’administration fiscale ait tant de mal à
percer au grand jour ce genre d’abus.
L’arbitrage
Encore une fois, il s’agit de faire remonter les
bénéfices dans des territoires fiscalement plus favorables.
La technique consiste à organiser un faux conflit
entre une entité située en France et une entité offshore. On peut réutiliser et
démultiplier l’effet du double irlandais de cette manière : imaginez un
différent sur l’utilisation abusive (ou non déclaré) de la marque !
Le différend se règle par arbitrage (la procédure
est bien plus rapide que devant un tribunal).
La première perd et doit verser des pénalités à la
seconde.
L’entité française déduira le montant des pénalités
de sa base imposable en France (et oui, c’est une charge donc un coût pour l’entreprise)
et versera la somme à l’entité offshore qui récupère gentiment le bénéfice
ainsi déguisé.
1 commentaire:
Mon entreprise dont je tairais le nom pratique l optimisation fiscale; du coup depuis sa création en France en 2007 elle ne paie aucune taxe sur les bénéfices, pour un CA annuel de 200mE, tout remonte dans une holding en hollande justement ensuite est ce qu il y a des transferts vers les îles caïmans , ca je ne peux le savoir de là où je suis...Comment faire pour le savoir justement...Et ce que ce genre d information apparaît dans le bilan annuel du Groupe ?
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