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mardi 25 juin 2013

Les Techniques d'Optimisation Fiscale des Entreprises

Il existe de nombreux moyens, plus ou moins légaux, de minorer l’impôt des sociétés. Ces techniques sont souvent complexes à mettre en place et requièrent l’appui de fiscalistes et d’experts en la matière.
Faisons un petit tour d’horizon de quelques tours de passe-passe puis décryptons-les !




Les amortissements et provisions

Je ne rentrerais pas trop dans les détails de ces opérations car un cours de comptabilité risquerait de ne pas vous passionner.
Sachez simplement que les provisions correspondent à des pertes ou des charges prévisibles par l’entreprise : par exemple les provisions pour créances douteuses (si vous pensez que tel client risque fortement de ne pas vous payer), les amortissements de vos machines (elles s’usent),…Ces charges et pertes prévisibles peuvent être imputées comptablement et diminueront le résultat imposable (l’assiette de l’impôt sur les sociétés).

Pour les amortissements « classiques », on applique une formule (méthodes linéaire ou dégressive) et ils doivent être économiquement justifiables. Toutefois, il existe des amortissements plus libres tels que l’amortissement dérogatoire qui a pour objectif de faire baisser temporairement le bénéfice imposable.

Les provisions sont quant à elles moins encadrées même si elles doivent être justifiables en cas de contrôle. Mais comme partout, on peut facilement produire des chiffres afin de justifier la finalité.

Bon, cela étant dit, les amortissements et les provisions, bien connus des comptables, ne sont qu’une solution temporaire. Bien utilisés, ils permettent de diminuer légalement le bénéfice imposable mais on est très vite limité dans le temps et dans les montants.



Le CIR

Le Crédit Impôt Recherche, basé sur les coûts de recherche et développement, permet de réduire directement l’impôt des sociétés. Le gouvernement a mis en place cette niche fiscale afin de favoriser les investissements en innovation et ainsi d’améliorer la compétitivité des entreprises françaises. Un objectif louable à première vue.

Le problème est qu’il est complexe à maîtriser mais, dans le même temps, représente un véritable fourre-tout. Le rapport Alain Clayes (député) déclare ouvertement que son efficacité est incertaine et qu’il est sciemment utilisé en tant qu’outil d’optimisation fiscale.



Les intérêts d’emprunt

Une entreprise qui emprunte une somme auprès d’un établissement de crédit, enregistrera les dits intérêts en tant que charge dans la comptabilité. Autrement dit, les intérêts d’emprunt réduisent le bénéfice imposable. OK, c’est un coup de pouce pour favoriser l’emprunt bancaire,  l’investissement et la croissance des entreprises, il n’y a a priori pas de mal à ça !

Pourtant une multinationale peut utiliser ce cadeau comme un don des dieux : la technique du prêt financier. Pour cela la maison-mère, idéalement installée dans un paradis fiscal, va prêter de l’argent à sa filiale française. Il existe plusieurs manières de prêter cette somme en interne mais l’une des plus ingénieuses est l’obligation convertible. Cette dernière oblige la filiale française à payer en échange des intérêts (déductibles des impôts donc) à la maison-mère et, en plus, les obligations se transforment en actions obligeant ensuite la filiale à payer des dividendes à sa maison-mère. Et comme la maison-mère est dans un territoire « tolérant » sur les dividendes, ils seront certainement peu ou prou imposés. Une pierre, deux coups !

La variante s’appelle capitalisation fine ou sous-capitalisation : dans ce cas, la filiale française est créée mais est volontairement privée de moyens suffisants pour démarrer. Cela justifiera l’emprunt auprès de la maison-mère ou d’un établissement bancaire situé à l’étranger. La base imposable en France sera amputée des intérêts d’emprunt et le remboursement de l’emprunt, tiré des bénéfices de la filiale française, partira dans les caisses de la maison-mère, sous des cieux « plus cléments ».



La manipulation des prix de transfert

C’est une technique assez ancienne et qui est très connue dans le milieu. Le prix de transfert est au cœur du système de facturation entre entités d’une entreprise multi-filiales.

Exemple : vous possédez une entreprise au Bengladesh fabriquant du tissu, une autre en Inde assemblant les tissus et une dernière en France qui reçoit les vêtements assemblés prêt à vendre à des grossistes. Votre entreprise au Bengladesh va vendre ses tissus à votre entreprise indienne qui elle-même revendra les habits à votre entreprise en France. Si vous êtes réglo, vous vendrez chaque élément à son prix de marché ; chaque pays concerné engrangera sa part de taxes et tout le monde est content.
Maintenant, imaginez que vous voulez éviter de payer des impôts en France et préférez en payer la majeure partie en Inde qui est plus favorable fiscalement. Et bien, il suffit simplement de surfacturer la vente des vêtements indiens à l’entreprise française. Ainsi, l’entreprise française récupérera des vêtements bien plus chers et réalisera un bénéfice plus faible voire nulle. Pendant ce temps, l’entreprise indienne augmente sa marge et vous votre porte-monnaie car vous payez moins d’impôt au final.

J’ai schématisé le processus mais globalement c’est cela.
Plus une entreprise possèdera d’activité au niveau mondial et d’entités dans différents pays et mieux cela marchera. Il est conseillé de créer des entités intermédiaires, inutiles opérationnellement parlant, pour opacifier le montage et tirer profit des fiscalités de chaque pays.
Si l’activité est trop faible ou trop concentrée, l’administration fiscale aura plus de facilités à démonter les pans de la structure et le fait que les prix ne soient pas justifiés. Mais en même temps, cette manipulation des prix de transferts qui est une fraude fiscale contient forcément une part de risque !



Les contrats de façonnage

Comme son nom l’indique, cette technique consiste à transformer un pays en façonneur et de délocaliser les profits à l’étranger. Impossible ?
Il suffit pour cela de ne localiser que des centres de production (usines,…) en France tandis que le siège social se trouve à l’étranger. Les entités françaises agissant alors comme une sorte de sous-traitant, ne produisent donc que des coûts (on parle de centre de coûts) : salaires, achats de matières premières,…Ce sera l’entité située à l’étranger qui effectuera (officiellement) la distribution des produits finis. Le bénéfice est donc localisé et imposé à l’étranger.



Le Double Irlandais à la sauce hollandaise

En lisant ce sous-titre, on pourrait croire à une recette de cuisine. Et effectivement, on n’en est pas loin.
Ces deux techniques, liées l’une à l’autre, sont un savant mélange des contrats de façonnage et des prix de transfert avec une pincée d’optimisation des paradis fiscaux.

La technique consiste à localiser l’activité en Irlande car le taux d’imposition officiel des entreprises y est relativement bas : 12,5%. Ce n’est pas pour rien que les multinationales implantent souvent leur maison-mère en Irlande – Rien à voir avec la verdure des prés irlandais. Mais ne s’arrêtons pas en bon chemin : 12,5% c’est encore trop.
On peut créer une autre entité dans un paradis fiscal encore plus favorable, les Bermudes ou les îles Caïman par exemple, qui possède des actifs intangibles de préférences tels que les brevets et les droits d’utilisation de la marque du groupe. La maison-mère irlandaise devra donc payer des royalties à cette entité pour exercer son activité. Et sous les cocotiers, la taxe sur ce genre de profit est nulle ou presque. C’est le double Irlandais.

Le problème c’est que l’Irlande taxe les dividendes sortants du pays…sauf s’ils sont en direction d’un pays de l’Union Européenne. La plupart des pays européens pratique le prélèvement à la source en cas de transfert sous les cocotiers. C’est là qu’intervient la "sauce hollandaise".
Les Pays-Bas, pays européen, ne pratique pas les prélèvements à la source quand l’argent part aux Bermudes.
Vous voyez sans doute où je veux en venir.

Je résume :
1   L’activité mondiale ou régionale (souvent l’Europe) est centralisée en Irlande,
2  Une part des bénéfices est payée en Irlande mais la plupart est due à l’entité aux Bermudes (par exemple) au titre des droits intellectuels ou en conséquence d’un contrat de façonnage.
3  L’argent part non taxé vers les Pays-Bas afin que l’Irlande ne les taxe pas,
4  Après son arrivée aux Pays-Bas, cet argent repart, sans prélèvement à la source, pour payer la redevance aux Bermudes.

Pfiiiou, j’espère que c’est clair pour vous.
J’ai simplifié au maximum mais vous vous rendez sans doute compte de la complexité d’un tel montage. A démonter c’est encore pire et il n’est pas étonnant que l’administration fiscale ait tant de mal à percer au grand jour ce genre d’abus.



L’arbitrage

Encore une fois, il s’agit de faire remonter les bénéfices dans des territoires fiscalement plus favorables.
La technique consiste à organiser un faux conflit entre une entité située en France et une entité offshore. On peut réutiliser et démultiplier l’effet du double irlandais de cette manière : imaginez un différent sur l’utilisation abusive (ou non déclaré) de la marque !
Le différend se règle par arbitrage (la procédure est bien plus rapide que devant un tribunal).
La première perd et doit verser des pénalités à la seconde.
L’entité française déduira le montant des pénalités de sa base imposable en France (et oui, c’est une charge donc un coût pour l’entreprise) et versera la somme à l’entité offshore qui récupère gentiment le bénéfice ainsi déguisé.

jeudi 6 juin 2013

L’Etat de la France : Entre recommandations européennes et besoin d’investissement

C’est la douche froide pour notre patrie. 

La Commission Européenne trouve que la France n’en fait pas assez et lui demande de corriger les directions prises dans six domaines :
  • Réduire le déficit public et réformer les retraites,
  • Réformer le marché du travail et mettre en application l’Accord National Interprofessionnel,
  • Faire baisser le coût du travail et les charges sociales des employeurs. La commission ajoute que l’augmentation récente du SMIC a été une très mauvaise chose,
  • Libéraliser les services (énergies, transport,…) et les professions réglementées,
  • Améliorer la compétitivité des Entreprises,
  • Réformer et simplifier la fiscalité.

Si certaines « recommandations sont louables (en fonction de ce qu'on comprend par "réformer"), d'autres sont assez discutables sachant les difficultés dans lesquelles sont une majorité de français. Elles sont encore plus discutables quand on songe à l’avenir de la France que ce soit à court, moyen et long terme.
Le manque de démocratie au sein de la commission et les conflits d’intérêt (ou capitalisme de connivence) n’y sont sans doute pas étrangers.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, faisons un rapide état de la France.



L’Etat de France

Il y a bientôt 4 ans, j’ai écrit un article intitulé « La Reprise de l’Economie ? » où j’y évoquais la possibilité d’une économie en W. Cela n’a pas loupé.

Faisons le lien en reprenant les 5 indicateurs de l’article (j’ai remplacé « industries » par « investissements ») et en y ajoutant 2 autres composantes.


  • Le prix de l’Immobilier stagne mais les ventes chutent (-20% au premier trimestre 2013 depuis un an),
  • En termes de confiance, le moral des ménages se détériorent encore (environ -5% entre avril et mai 2013) et l’indicateur du climat des affaires (confiance des chefs d’entreprises) en fait tout autant (-4,5% entre janvier mai 2013).
  • Les investissements baissent (-0,8% au premier trimestre 2013),
  • La consommation recule (-0,1% pour le premier trimestre 2013): la situation économique morose et la baisse du pouvoir d’achat (-0,9% en 2012) sont sans doute en cause. Pour la petite histoire, la consommation d’énergie est une des seules composantes tirant la consommation…
  • Le déficit de la balance commerciale se creuse (+3% au premier trimestre 2013) : les exportations chutent plus vite que les importations,
  • Le chômage augmente (+0,2%) et s’établit à 10,4% des actifs (catégorie A),
  • Tout cela contribue au prolongement de la récession (-0,2% de croissance au premier trimestre 2013).

La demande et l’offre sont les cotés pile et face d’une même pièce. Les deux étant affectés, la France et l’Europe risque de s’enfoncer durablement dans la crise.

Bon, une fois cela dit, il est important de rappeler que nous ne sommes pas au plus bas et qu’il est possible d’inverser la tendance à moyen terme. Les français estiment, paradoxalement à tout cela qu’ils sont heureux à plus de 80% et précisent qu’en France, nous sommes bien mieux lotis qu’ailleurs. Comme quoi notre système peut rendre optimiste.



Le remède de cheval des « spécialistes » à la sauce « Consensus de Washington »

Les « experts » demandent, d’un coté, aux entreprises de licencier pour augmenter leurs profits et délocaliser pour capter la demande des pays à croissance et, d’un autre coté, au gouvernement de privatiser les services publics, de baisser les charges des entreprises, de baisser les impôts, d’augmenter les taxes sur la consommation (pour les particuliers), de diminuer le nombre de fonctionnaires et de durcir les conditions des retraites.

Une recette totalement indigeste pour la majorité de la population. Ce Gloubiboulga ressemble, à s’y méprendre, au Consensus de Washington.


Le Consensus de Washington, c’est quoi ?

Il s’agit d’un surnom de la « Politique d’Ajustement Structurel » qui est sensé sauver les pays lourdement endettés et les délivrer de la mauvaise dette publique. Elle se caractérise par trois opérations simultanées : libéralisation, privatisation et déréglementation.

Ces outils favorisent la compression des salaires, des dépenses publiques, des dépenses sociales et des subventions afin de rendre le pays plus compétitif vis-à-vis des autres pays. Mécaniquement, cela favorise les exportations au détriment de la consommation intérieure et des exportations.

On pourrait le paraphraser de la manière suivante : on appauvrit le pays pour mieux le placer dans le commercial international avec comme hypothèse sous-jacente que les autres pays s’enrichissent dans le même temps. Or cette dernière hypothèse n’est pas vérifiée dans la conjoncture actuelle : la majorité des pays européens appliquent des politiques d’ajustement structurel.

A ce petit jeu, les recommandations de la Commission Européenne risquent de provoquer un ajustement permanent de la zone Euro. Aux dernières nouvelles, le FMI a reconnu que le plan grec a provoqué de nombreux échecs (erreurs de diagnostic, erreurs de méthodologie, mauvaises "recommandations") mais les institutions européennes continuent de faire l'autruche.



Les investissements des entreprises, une des clés de sortie de la crise ?

Il est un indicateur que j’ai volontairement omis : le taux de marge des entreprises. Même s’il a plutôt stagné depuis 2 décennies et qu’il est assez bas en ce moment,  nous sommes heureusement loin du plancher du début des années 80.
Cela dit un point est frappant dans le comportement des entreprises : de manière générale, le taux d’investissement des entreprises baisse. Les impôts et la conjoncture influence les entreprises mais on ne peut pas ignorer cette chute sur la durée. Les économistes évoquent de plus en plus l’augmentation du coût du capital comme frein et cause principale de ce désinvestissement.

Le dernier magazine d’Alternatives Économiques présente les chiffres suivants :
De ce point de vue, les données sont éloquentes : à la fin des années 1980, les entreprises redistribuaient environ 30 % de leurs ressources financières (excédent net d'exploitation et dividendes reçus) ; aujourd'hui, c'est 80 % !

Cela pose la question de l’avenir de nos entreprises réduisant leurs investissements. Espérons que le Crédit Impôt Recherche permettra de stimuler l’investissement et la recherche de nos entreprises (et que cela ne soit pas juste un effet d’aubaine).


Les investissements d’aujourd’hui sont les investissements de demain et une des clés pour sortir de cette crise. Voilà le genre de recommandation que devrait donner la Commission.
La compétitivité hors-coûts est aussi une piste pertinente pour rétablir la santé de nos entreprises et l’Etat doit intervenir dans ce domaine en cas de faiblesse. Si la politique économique est bien coordonnée, la demande et l’offre repartiront de concert.