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mardi 26 novembre 2013

Saga de la Croissance 0 - PIB et Croissance, Kezako ?

La croissance économique est l’augmentation régulière de la production d’une économie. Cette dernière se mesure généralement par le PIB, un indicateur monétaire quantitatif.

On attribue de nombreuses causes à et conséquences à la croissance, pouvant s’entretenir durablement dans un cercle vertueux : le libre échange, le progrès technique, l’emploi,…



Le PIB

Le PIB, c’est la somme des valeurs ajoutées (mesurées) du pays et il sert d’étalon de la production.
Voici deux petits schémas illustrant le calcul de la valeur ajoutée pour une entreprise puis la manière de mesurer le PIB pour un pays.



Il permet de mesurer la valeur des échanges marchands et des services publics : il ne mesure donc qu’une partie de la production économique.

Les services publics, services non marchands, sont inclus pour leurs coûts.

Toute production marchande sera bonne à prendre pour le PIB, y compris les externalités négatives comme les épidémies, la dépendance envers une substance, les catastrophes,…car elles permettent de créer de la production supplémentaire.

Par contre le travail domestique, l’auto-consommation des ménages (son potager,…), l’économie souterraine (travail au noir, activités illicites, cambriolages,…) sont mis dans le même panier si je puis dire : ils sont exclus du PIB. 




PIB et entropie

Pour J. Rifkin, il faudrait se placer du point de vue de la physique :
« Il [le PIB] mesure plutôt la valeur de l’énergie temporaire intégrée à des biens et services produits au prix de la diminution des réserves d’énergie disponibles et de l’augmentation des déchets entropiques »
En effet, l’énergie utilisée pour produire est définitivement perdue. La formule « tout se transforme, rien ne se perd » n’est pas tout à fait vrai. En réalité, lors d’une réaction il y a un dégagement d’énergie qui empêche de revenir en arrière ou alors en consommant plus d’énergie que la réaction en produit ; c’est ce qu’on appelle l’entropie. 




Calcul du Taux de Croissance

Le taux de croissance nominal se calcule de la manière suivante :

[(PIB finale) – (PIB initiale) / PIB initial]

C'est-à-dire pour 2013 : [(PIB de l’année 2013 – PIB de l’année 2012) / (PIB de l’année 2012)]

On obtient le taux de croissance réel en retranchant l’inflation (la hausse des prix) du taux de croissance nominal. En d’autres termes, la croissance réelle est la croissance de la production sans l’effet prix (pour isoler l’effet quantité).

mercredi 20 novembre 2013

Saga de la croissance 7 - Production, Consommation et Croissance

Ce septième épisode sur la Croissance se concentre sur la production et la consommation mais fera également office de conclusion de la Saga. Ne soyez donc pas étonnés si mes propos vont au-delà du titre de cet article.
Très prochainement, je m’attacherai à expliquer le calcul du PIB, sorte d’introduction (tardive) à la Saga.


Le PIB, comme son nom l’indique, est un indicateur focalisé sur [le produit de] la production : la production doit augmenter toujours et sans fin pour faire croître le PIB. Ce besoin de croissance [de la production] est l’objectif numéro de nos gouvernements pour créer des richesses, de l’emploi et de la confiance. Le système est imaginé comme un cercle vertueux où production et consommation entraînent l’un l’autre.

La croissance infinie de la Production et du PIB…
Mais de quelle production ? Pour quelle consommation ?
Est-ce vraiment une nécessité ? Est-ce possible ?
Ne devrait-on pas diriger nos efforts vers la croissance d’autres valeurs ?

 



La croissance du PIB, mais de quelle production ?

Le PIB sert à mesurer la valeur des échanges économiques et, disons le clairement, il montre ce qu’on lui demande. Il ne s’intéresse qu’à la production marchande (valorisée en valeur ajoutée) et aux services publics (valorisés par les coûts) sans intégrer les externalités positives ou négatives (impacts sociaux et environnementaux) ;  ce qui compte c’est la valeur ajoutée mesurée par la comptabilité. 

Peu importe la nature de cette production : matérielle, immatérielle, polluante, propre, innovante, réparatrice, utile, inutile…Dit autrement : toute production (marchande) est bonne pour le PIB.



La croissance infinie de la production : Est-ce une nécessité ?

Si la croissance (du PIB) est devenue la priorité nationale c’est parce que, d’une part, il s'agissait d’un indicateur pertinent à une époque (l'après-guerre) et, d’autre part, il donne une vision simpliste de la situation économique.

En suivant une politique volontaire de croissance, les politiques peuvent maintenir un taux de chômage acceptable socialement : entre le minimum possible (ou souhaitable : le NAIRU) et seuil du mécontentement social. Attention tout de même, l’épisode 5 de la saga a clairement montré que le lien entre croissance et emploi est assez ambigu : la croissance seule ne crée pas d’emploi. 

A vrai dire, la croissance, seule, ne provoque pas grand-chose. C’est un objectif de second rang.

Faudrait-il remettre l’humain avant la valeur ajoutée ? Oui, ce serait souhaitable.
De là à dire que la course au PIB ne devrait plus conduire nos politiques…il n’y a qu’un pas !



La croissance infinie de la production : consommation non-stop pour tous ?

Pour les pays pauvres ou émergents, il y a des besoins visibles. N’importe quel occidental voyageant dans les zones populaires de ces pays sera tenté d’identifier les manques ou améliorations possibles. Il est difficile de dire que la croissance de la production alimentaire ou d’équipements de base (réfrigérateur, téléphone,…) serait une mauvaise chose dans ce contexte. 

Pour autant, dans les pays développés, une partie significative de la population mange plus qu’à sa faim, peut se loger, bénéficie d’infrastructures de qualité et dispose d’un panel d’équipements facilitant la vie au quotidien. A titre d’information, j’ai illustré ci-dessous le taux d’équipement des français en 2007 :

Doit-on pousser les populations des pays développés à posséder encore plus qu’ils n’ont ? 

Le graphique suivant permet de comparer les PIB par tête de plus de 150 pays [ils ne sont pas tous indiqués en abscisse pour des raisons de lisibilité] dont, en surbrillance, le PIB allemand, américain et français :

Est-ce qu’il faudrait doubler puis tripler ces trois PIB pour être encore plus heureux ? Est-ce que tous les pays doivent converger vers le PIB par habitant américain? Voire plus ? 

Cela me semble utopique et pas forcément souhaitable. En fait, il me semble même malsain de ne se concentrer que sur la richesse des nations. Si élever le niveau de vie des pays semble positif, surtout pour les pays en développement, cela ne devrait être qu’un objectif secondaire. Les pays pétroliers sont, par exemple, immensément riches mais loin d’être des havres de paix pour la population.

Durant les journées de l’Economie (JECO 2013), un des intervenants s’est écrié ironiquement que [pour stimuler la demande de la zone euro,] nous n’avions pas à forcer les allemands à consommer autant que les américains. Si cet argument semble logique – les peuples sont libres en principe – pourquoi ne devrait-il pas s’appliquer à la croissance de la production ?
Pourquoi devrions-nous accroître sans cesse notre production ? Pourquoi se comparer aux modèles allemands ou américains dont on vante les taux de croissance ?



Le Paradoxe D’Easterlin

De nombreux travaux ont déjà souligné ce paradoxe. Richard Easterlin, économiste de renom, a clairement mis en évidence en 1974 qu’à partir d’un certain seuil de richesse, le développement économique (dans le sens de hausse du PIB) ne se traduisait pas nécessairement en amélioration du bien-être. Est-ce paradoxal ?
En réalité, ce n’est pas le fait de posséder toujours plus  qui nous rend heureux…c’est le fait de s’enrichir plus vite et posséder plus que notre voisin, que nos collègues et nos amis.

Les travaux, plus récents, de B. Stevenson et J. Wolfers tendent à prouver le contraire. Vous trouverez ci-dessous le graphique le plus connu de leur rapport : il montre une corrélation entre croissance du PIB et la satisfaction dans tous les pays :


Je crois que si qui résume la situation est le proverbe : « l’argent ne fait pas le bonheur mais il y contribue ». Si la corrélation croissance & satisfaction est difficilement contestable, ce qui m’interpelle, c’est l’écart de bien-être entre pays équivalents.  Encore une fois, cela démontre bien que la croissance ne fait pas tout.

D’ailleurs, on obtient une indication complémentaire: les Hommes ne sont jamais satisfaits et ne le seront probablement jamais. Voilà pourquoi la satisfaction devrait augmenter en présence de croissance.

Au passage, je me permets d’y ajouter ma patte : croiser le degré de richesse et le sentiment de bien-être me semble en fait réducteur. Il faudrait rajouter une troisième dimension : la liberté ou l’éducation pour mieux appréhender cette corrélation ; peut-être m'y attèlerais-je dans un futur proche.



La production : une marque de puissance

Pour se distinguer et montrer sa puissance, le binôme consommation-production est devenu un langage à part entière avec son vocabulaire, ses codes, ses marques,…C’est une réalité au niveau des individus mais aussi internationale :
  • Je consomme plus car je gagne mieux ma vie donc je suis meilleur que toi,
  • Mon entreprise crée plus de valeur ajoutée que la tienne, elle est donc meilleure que la tienne,
  • Le pays A dispose d’un PIB par tête supérieur au pays B, il est donc plus puissant et plus performant.
  • La rhétorique fait encore plus mal : celui qui crée moins de richesses est, au choix : fainéant, mauvais ou tricheur.

Thorstein Veblen théorisait déjà la consommation ostentatoire en 1900. 

En 1759, bien avant Veblen, Adam Smith résumait déjà bien cet état d’esprit dans son livre "Théorie des sentiments moraux" (moins connu que son autre œuvre "recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations") :
« C’est la vanité, non le bien-être qui nous intéresse »
C’est un sentiment humain que de se lasser rapidement de nos acquis et de tendre vers le mieux.  Ce qui m’inquiète, c’est que le "mieux" est devenu le "plus" – c'est-à-dire le quantitatif – et d'avoir exacerber l'aspect matériel sur le "lien social".



La croissance infinie de la production : est-ce possible ?

Commençons par un graphique : celui représentant le taux de croissance de la production mondiale entre 1913 et 2100 (scénario prévisionnel central).
 
Apparemment, on retombe à des taux de croissance faibles. Mais si je ne vous montre que ce graphique, je vous induits en erreur (c’était le but, je l’avoue).

Maintenant, jetez un œil sur ce deuxième graphique couvrant une période plus large : de l’an 0 à 2100 (la loupe cerne les dates du graphique précédent).

Vous comprenez alors que nous sommes dans une période de croissance extraordinaire par rapport à l’Histoire de l’humanité. Les révolutions industrielles ont permis de faire décoller la production à des niveaux jamais connus auparavant. On peut se demander, à juste titre, si cette euphorie de la production est un fait exceptionnel ou une nouvelle norme.

Pour Jeremy Rifkin, les deux précédentes révolutions industrielles expliquent leurs succès par la combinaison d’une avancée dans le domaine de l’information (télégraphe, téléphone,…) et de nouvelles sources d’énergie (machine à vapeur, pétrole,…). Pour éviter la décrue de la production (tel qu’illustrée par le scénario prévisionnel du graphique), une troisième révolution individuelle serait à portée de main, pour peu que l’on s’en donne les moyens : on parle de croissance verte.

L’avenir de la production dépendra des capacités des Hommes mais aussi des limites de la nature. En effet, si nous pouvons être optimistes sur l’intelligence humaine, les ressources naturelles, elles, sont limitées. Si tous les habitants du monde vivait à la française, il faudrait trois planètes Terre…Avec le mode de vie américain, il en faudrait six !

Est-ce que la troisième révolution industrielle permettra de créer de la croissance plus longtemps ?
Que se passerait-il en l’absence de troisième révolution industrielle avant l’épuisement des sources d’énergies traditionnelles ?
Est-ce que l’Économie de la connaissance et la production immatérielle viendra compenser cette limite naturelle ?
Difficile de répondre à ces questions.



Le PIB, un indicateur à visée performative

Le PIB est la transposition d’une vision monétaire du monde. La formule du PIB n’a rien d’une évidence naturelle : c’est une pure construction humaine. Mais le problème n’est pas là car, après tout, le PIB ne nous montre que ce que nous voulons voir.

Le vrai souci est que, aujourd’hui, il est devenu l’objectif principal à atteindre.
Quand on pense PIB ou production, on pense au progrès, aux avancées technologiques, aux créations d’emploi,…des termes positifs en somme. Si bien que cela devient une fin en soit. C’est pourquoi on parle d’indicateur performatif.

On en oublie que le PIB n’est qu’une comptabilisation de la valeur de biens et de services.
  • La croissance de n’importe quelle production n’est pas bonne.
  • La croissance d’une production dégradant les ressources naturelles n’est pas bonne.
  • La croissance de la production écartant le bien-être n’est pas une bonne chose.
  • La croissance de la production sans emploi n’apporte rien de bon.

Dans les pays développés, se concentrer uniquement sur la maximisation de la production n’offre plus le même intérêt que durant les trente glorieuses (ou une période de rattrapage).

Autant de raisons pour changer de fusil d’épaule et se fixer un nouveau cap. Gardons le PIB pour mesurer la valeur de la production mais sûrement pas pour piloter nos vies.

On pourrait attendre que les bienfaits d’une potentielle croissance puisse combler les maux de l’Économie, mais c’est tourner autour du pot. Le changement de paradigme, c’est maintenant car comme le dit Paul Ariès : « chanter la vie au présent » plutôt que d'attendre les lendemains qui chantent

vendredi 15 novembre 2013

Retour sur les JECO 2013

http://www.journeeseconomie.org/
Cette semaine, il n'y aura pas d'article sur la croissance (je réfléchis au 7e épisode de la saga).La (bonne) raison en est les JECO (Journées de l’Économie) à Lyon et où j'y passe le plus clair de mon temps en ce moment.

Ce n'est pas encore terminé mais je souhaite déjà faire un premier retour sur l'évènement. Les intervenants sont vraiment de qualité et les débats sont passionnants (avec une touche d'humour qui plus est!). "Reconstruire la Confiance" est le thème de ces JECO 2013.  

De nombreux économistes sont présents mais il est difficile de déterminer un consensus sur les solutions aux crises. 

Qu'ais-je noté jusqu'à présent :
- le fait que la gouvernance de l'Euro ne peut se faire par les règles. Un accord de croissance serait intéressant afin de stimuler la zone euro et de mener une politique industrielle digne de ce nom,
- la compétitivité coût et hors coût n'est pas satisfaisante en France. De ce fait, la marge des entreprises est trop faible, ce qui empêche tout investissement. Ce manque d'investissement provoquera des conséquences extrêmement négatives pour l'avenir de la France.
- les économistes hésitent entre choc de la demande ou de l'offre. Visiblement les deux sont en jeu en ce moment, et c'est pourquoi nous risquons la déflation.
- l’État doit effectuer des réformes. Réformes, réformes, réformes, D'accord...Mais de quoi? Aucun économistes n'a pu donner de réformes concrètes malgré l'insistance des médiateurs. Au mieux, on a pu entendre un besoin de réforme de l'enseignement et de la formation professionnelle (le mode de financement surtout) mais sans indication claire. Patrick Artus a même signalé que les économistes sont là juste pour signaler les problèmes mais en aucun cas donner les solutions ; implicitement, cela signifie que les solutions doivent être étudiées démocratiquement? Je le comprends comme cela en tout cas.
- de nombreux intervenants se plaignent du coût du travail et de la complexité du système administratif. Il faudrait flexibiliser le code du travail, faciliter les licenciements et baisser les cotisations sociales pour créer de l'emploi. Cela me semble quelque peu paradoxale dans la situation d'urgence dans laquelle nous sommes. L'autre solution serait d'exonérer totalement les salaires au SMIC (jusqu'à 1,1 ou 1,2 fois le SMIC) pour créer une vague d'embauche.
- les élus politiques présents ont souligné l'importance pour le secteur privé et public de travailler ensemble : cluster, Silicon Valley à la française, partenariat entre entreprises et universités,...
- le commerce mondial est complètement imbriqué. Nous dépendons des autres et ils dépendent de nous. La dernière étude de l'OCDE met en apparence le commerce internationale en valeur ajoutée (et non brute), ce qui intègre les biens intermédiaires. C'est la fin du "made in ____" et l'apogée du "made in world".
La mondialisation serait une force naturelle, imperturbable et contre laquelle il ne faut pas lutter. 

jeudi 7 novembre 2013

Saga de la croissance 6 - Histoire et Croissance

On dit que 1% ou 2% est un taux de croissance faible. On dit qu’il faut absolument dépasser les 2% de croissance pour sortir la tête de l’eau et créer des emplois (nets).
Ce qu’on ne dit pas, c’est que de tels taux de croissance sont des exceptions dans l’Histoire.
Que nous dit l’Histoire ? Que peut-on prévoir ?
 


La croissance décortiquée

Avant d’entrer dans le vif du sujet, je vous propose un petit retour sur l’article précédent :
Il faut savoir que le taux de croissance est composé de deux éléments :
     - Le taux d’évolution de la production par habitant,
     - Le taux d’accroissement de la population.
La logique est simple : si la population augmente, la production devrait augmenter mécaniquement toutes choses étant égales par ailleurs. S’il y a des gains de productivité, la production augmente aussi car avec la même durée du travail, on produit plus ! Et s’il y a des gains de productivité et que la population augmente, c’est le jackpot.



L’Histoire

Angus Maddison a accompli un travail extrêmement intéressant sur la reconstitution des comptes nationaux. On sait ainsi qu’entre l’an 1 et 1700, le taux de croissance annuel moyen était en dessous de 0,1% avant d’atteindre 1,6% (toujours en moyenne) jusqu’en 2012.
En reprenant les données passées et prévisionnelles de Thomas Piketty, nous pouvons retracer la croissance mondiale depuis l’an 1 jusqu’en 2100 (sur la base d’un scénario prévisionnel central).

Pour mieux comprendre ce qu’il en est, visuellement parlant, j’ai souhaité mettre en évidence la part de croissance du PIB dû à l’accroissement démographique et celle provenant des gains de productivité.


Ainsi, pendant près de 1800 ans, la croissance mondiale moyenne ne dépasse la barre du demi-point de croissance. Elle décollera, en premier lieu, grâce à l’accroissement de la population avant de bénéficier d’un deuxième coup d’accélérateur avec les gains de productivité : révolutions industrielles, reconstruction d’après-guerres et rattrapage de la frontière technologique.



L’avenir

Les prévisions du graphique ci-dessus ont été établies à partir du scénario central de Thomas Piketty. Lui-même pense que les prévisions sont optimistes et qu'à l'avenir la croissance ne devrait pas dépasser 1 – 1,5% par an (hors pays en situation de rattrapage). Pour Robert Gordon c’est pire : les Etats-Unis devraient obtenir un taux de croissance du PIB inférieur à 0,5% à partir de 2050…
Ce serait peu par rapport aux trente glorieuses, mais bien plus que durant le premier millénaire et la première partie du deuxième millénaire (cinq fois plus !).

Pourquoi prévoit-on un tel ralentissement ?
Tout simplement à cause des deux composantes de la croissance : la démographie et les gains de productivité. Reprenez le graphique et vous constaterez que ces deux composantes expliquent, chacune, environ la moitié de la croissance de la production.


1. Un faible taux d’accroissement de la population

La croissance de la population se répercute sur la production : c’est mécanique toutes choses étant égales par ailleurs, c'est-à-dire que le chômage est contenu (ou diminue), que le taux d’emploi reste stable (ou augmente) et que la durée du travail reste la même (ou augmente).

Là où cela devient intéressant est que la transition démographique (baisse de la mortalité et maîtrise des naissances) crée un équilibre. Cette stabilité au niveau mondial devrait intervenir dans le courant de ce siècle selon les prévisions de l’ONU (scénario central).


Avec un taux d’accroissement lent et une stabilisation entre 10 et 11 Milliards d’habitants, le premier accélérateur de croissance risque de s’éteindre à petit feu.
Bien sûr tout cela reste dans le cadre d’un scénario prévisionnel et rien n’est sûr en sciences humaines. Toutefois, sans tomber dans le malthusianisme, il semblerait la population mondiale tende vers cet équilibre comme on le constate déjà dans la plupart des pays avancés.

 

2. Des gains de productivité plus faibles qu’avant

Je n’aime pas jouer à l’apprenti-sorcier en Économie. Même les meilleurs économistes se trompent et c’est tout à fait normal : les sciences humaines n’ont rien de prévisibles. Cependant, pour faire avancer le débat, il faut tenter d’analyser la situation et en tirer des scénarios.
Pour certains économistes, la Science va permettre de créer une croissance forte à l’infinie et pour tous ; cela me semble très utopiste mais j’y reviendrais plus tard. D’autres économistes pensent que la hausse extraordinaire de la production par habitant risque de ralentir – cela me semble bien plus probable. Elle pourrait même baisser, tout en restant supérieure à ce qui était la norme durant la quasi-totalité des deux premiers millénaires.
Plusieurs explications à cela.
 
A) Les pays à forte croissance sont aujourd’hui les pays émergents qui sont en situation (transitoire) de rattrapage. Ils se hissent petit à petit sur la frontière technologique des pays avancés et cela explique ces taux de croissance exceptionnels. C’est par exemple ce phénomène de rattrapage qui a permis des taux de croissance de 4 ou 5% pendant les trente glorieuses.
Je ne dis pas qu’il s’agit d’un processus rapide : il reste encore beaucoup de chemin à parcourir mais il est évident que ce coup de fouet ne durera pas éternellement.

B) En second lieu, je souhaite mettre en évidence la part colossale que représentent les services dans notre économie. Les représentations graphiques ci-dessous permettent de comparer la situation dans les années 50 et celle d’aujourd’hui (pour la France).

 
Les services se taillent la part du lion en termes d’emploi et de création de richesses. Attention : il faut cependant noter qu’une partie de ses services sont une externalisation des activités autrefois industrielles (intérim, comptabilité,…).
Si je vous parle de la prédominance des services dans notre économie, c’est que ce secteur génère moins de gains de productivité que le secteur primaire ou secondaire. En effet, si les révolutions vertes (agricoles) et industrielles ont générées une croissance incroyable sur plusieurs années, on peut difficilement imaginer une révolution tertiaire. L’exemple le plus souvent utilisé est celui de la coupe de cheveux : elle nécessite autant de temps qu’il y a un siècle. 
Certains évoquent alors la révolution des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et des Communication) mais les gains de productivité escomptés ne sont pas au rendez-vous. L’informatique a changé nos modes de vie  mais n’a pas provoqué de boom de croissance. C’est là que les prophètes ont annoncé l’avènement d’une nouvelle ère : l’économie de la connaissance. L’idée est plaisante mais reste au niveau embryonnaire pour le moment (réduction des budgets de l’éducation,…). Prétexter un changement majeur dans l’économie est courant pour justifier tout et n’importe quoi.
Le plus inquiétant est que la recherche et le développement se concentre surtout dans l’industrie, secteur en crise en France.

C) Enfin, le dernier point est celui des limites de la Science. Je ne souhaite pas la dénigrer mais montrer qu’il vaut mieux ne pas tout miser dessus. L’optimiste est une bonne chose mais la croyance, presque religieuse, en est une autre : cette forme de positivisme laisse penser que la science serait l’unique source d’avenir et de bonheur. Bien qu’appréciant les nouvelles technologies, je ne crois qu’il est bon de leur vouer un culte. Pas pour ces raisons là en tout cas. Cela étant dit, je vais me concentrer sur du concret et ainsi éviter de m’enfoncer dans la discussion philosophique.
On peut commencer par la définition même de l’économie : « Science ayant pour objet l’étude de la production, de la répartition et de la consommation des biens ou services rares ». L’avenir technologique est limité par nos ressources naturelles, cela à moins d’inventer de nouvelles énergies propres et renouvelables à l’infini. Toujours dans cette optique, la croissance de la production se voudrait immatérielle dans une large proportion, ce qui n’est pas évident aujourd’hui.
De plus, on remarque que chaque avancée diminue la probabilité d’un risque (explosion, maladie,…) mais en augmente la gravité des conséquences (le secteur de l’énergie est criant en la matière) : risques humanitaires, catastrophes écologiques, pandémies,...représentent l’envers du décor.
Enfin, on peut y mettre les moyens mais les révolutions technologiques ne se décrètent pas ; il existe une forte part de hasard. L’humanité nous réserve bien des surprises, c’est pourquoi il est bon d’être positif sur nos capacités, mais il ne faut pas tomber dans l’excès.



1% de croissance, c’est déjà beaucoup

Une croissance qu’on considère faible aujourd’hui, disons 1% tous les ans, est déjà très rapide. Cela signifie un tiers de richesse supplémentaire en moins de trente ans, ce qui renouvelle déjà les modes de vie et l’économie dans son ensemble.

Et puis, en fonction des pays, de la culture, des politiques et de diverses variables, cette croissance n’apportera pas la même satisfaction. Plutôt que viser la croissance de la richesse (résumée au PIB), il vaudrait mieux viser la croissance du bonheur et l’épanouissement de tout un chacun.