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samedi 17 octobre 2009

La baisse de la TVA dans la restauration


En France, chaque jour, quelques 5 millions de repas sont pris dans le secteur de la restauration : à 40% dans la restauration commerciale et à 60% dans la restauration collective. Elle représenté environ 200.000 entreprises, dont plus de 90% emploient moins de 10 salariés.

Depuis le 1e juillet 2009, la nourriture consommée dans les restaurants est universellement taxée à 5,5%. Ce cadeau fiscal, autrefois réservé à la restauration rapide, est aujourd’hui généralisé à tous les restaurateurs et coûtera environ 2,5 milliards d’euros à l’Etat.
La mise en place de cette mesure, promise par Jacques Chirac et attendue depuis 14 ans, a été très critiquée étant donné le contexte et le fait que ce secteur n’est pas menacé par les délocalisations.

En échange du gain (hausse de la marge de profit et augmentation potentielle de la demande), le gouvernement a demandé en échange 3 évolutions, sans donner d’encadrement précis. La profession a alors pris des engagements plus ou moins précis via le contrat d’avenir :



A cette époque, 70% des restaurateurs déclaraient être prêt à baisser les prix.



1. La baisse des prix
Le prix est un des freins le plus important dans le secteur. Pour compenser la baisse de la demande, les prix dans la restauration ont augmenté plus vite que les prix à la consommation durant la période 1996-2006 (+14% pour les prix à la consommation contre +22% pour les prix dans la restauration).
Ainsi, une baisse des prix pourrait stimuler la demande (-10% de fréquentation au 1e trimestre) et rendre les restaurants plus compétitifs. La profession s’était engagée à répercuter une partie de la baisse sur les prix d’au moins 7 produits.

Pour certains, il serait encore trop tôt pour s’exprimer sur le sujet. Pourtant depuis le 1e juillet, le constat est le suivant :
- La baisse moyenne depuis le 1e juillet 2009 est d’environ -1,45% alors que les professionnels et le gouvernement estiment qu’elles devraient atteindre au moins 3%,
- Un manque de lisibilité (prix barrés, astérisques, logos, listes…),
- La baisse des prix a aussi entraîné une baisse des quantités.
- Un restaurateur sur trois ne joue pas le jeu (entre 30 et 40%) :




Analyse:
Pourquoi un tel constat ?
On peut expliquer cette « mauvaise volonté » pour plusieurs raisons :
- La principale cause est le saupoudrage et manque d’encadrement. Les pouvoirs publics ne donnent aucune directive concernant les prix et même si la profession a pris des engagements, ils restent d’ordres volontaires.
- Cette baisse de la TVA n’a pas été demandée par les consommateurs. Elle a été à la demande des restaurateurs : cela s’apparente à une forme de victoire et donc une raison de ne pas répercuter la baisse de la TVA sur les prix,
- Les restaurateurs traditionnels, principalement indépendants, avaient un sentiment d’injustice face à la restauration rapide (5,5% de TVA).
- La baisse des prix est une condition ajoutée récemment (il y a moins d’un an). Auparavant, il n’était pas question de pouvoir d’achat.
- Il existe aussi un problème de compréhension car beaucoup de restaurateurs ont des difficultés en comptabilité et en gestion (beaucoup de TPE).
- En temps de crise et de baisse de la demande, ce cadeau fiscal s’apparente à une bouffée d’oxygène.

La première cause, aggravée par toutes les autres, nous permet d’arriver à la situation actuelle.


En allant plus loin, on peut apporter deux remarques du point de vie des autres acteurs :
- 1e remarque pour la clientèle individuelle : La baisse des prix va principalement profiter aux plus riches : les 10% les plus riches dépensent dix fois plus en restauration que les 10% les plus pauvres. Selon une étude, la baisse des prix profiterait environ six fois plus aux 10% de Français les plus riches qu'aux 10% les plus pauvres.

- 2e remarque pour la clientèle d’entreprise : ¼ des repas sont des repas d’affaires. Or une baisse de la TVA, sans répercussion totale sur les prix, entraîne une hausse du prix HT. Or il s’agit de TVA déductible (TVA à payer par l’entreprise = TVA collectée sur les ventes – TVA déductible sur les achats et certains frais).
En résume pour un même repas, le coût pour l’entreprise sera plus élevé après la baisse de la TVA. Pour les sceptiques et les non-matheux, voici un exemple simple pour un repas d’affaires de 100€ avant et après réforme (hypothèse de baisse du prix affiché de 5%) :

- 3e remarque sur le budget de l'Etat : Nous sommes loin de cette baisse des prix de 5% ou même de 3%. Si les restaurateurs utilisent ce cadeau fiscal pour augmenter leur rentabilité, l'Etat ne récupérera en théorie qu'un tiers de ce profit supplémentaire (taux d'impôts sur les sociétés: 1/3).



2. Embauche et conditions de travail
La France est l’un des pays où le service n’est plus à la hauteur des attentes. Il y a un besoin incontestable d’un meilleur service mais cela semble difficile quand on sait que 60% des salariés du secteur sont au SMIC.

Pour se faire, il faudrait déjà une meilleure rémunération et offrir plus de formation. Afin d’aider financièrement les restaurateurs sur ce point, le gouvernement leur propose d’utiliser une partie du bénéfice tirée de la baisse de la TVA.
Des négociations syndicales auront lieu avant la fin de l’année concernant la révision des salaires; on en saura plus à ce moment.

Un autre engagement pris par la profession était de créer 40.000 emplois sur 2 ans. Or selon le Conseil des Prélèvements Obligatoires (CPO), la baisse de la TVA ne devrait permettre de créer que 6.000 emplois à long terme.

Il faut souligner que la baisse de la TVA dans la restauration a été accompagnée par la suppression de l'aide à l'emploi dans le secteur de l'hôtellerie-restauration (prime Sarkozy), dont bénéficiaient 70% des restaurateurs (aide forfaitaire par salariés dans la restauration. Il s’agit une prime pour l’employeur d’environ 180€ par mois et par salariés au SMIC). Elle représentait environ 600 millions d'euros.
Avant la baisse de la TVA, cette prime Sarkozy a d’ailleurs eu une conséquence très étrange : la baisse de la productivité.
Cela semble incohérent sauf dans l’hypothèse où l’ancien taux de productivité était faussé : auparavant, une partie du travail n’était pas déclarée et donc non inclue dans le calcul de la productivité. Or la prime Sarkozy a facilité la déclaration d’une partie de ces travailleurs, qui n’entrait pas en compte dans le précédent calcul.


3. Investissements et modernisation
Le comportement des consommateurs a évolué vers un besoin de ré-assurance, vers les formules “tout compris”. De même, le cadre devient primordial : on ne vient plus au restaurant simplement pour manger.

Pour que l’offre colle aux nouvelles attentes, il faut investir et moderniser les établissements. C’est la troisième demande l’Etat.

En plus de ce cadeau fiscal, un fonds permettant aux professionnels d’obtenir des prêts à faible taux devrait être opérationnel début 2010.


Conclusion


Si ces retombées semblent aujourd’hui illusoires, elles mettent en évidence le fait que cette baisse de la TVA est avant tout un outil politique.
Il fallait s’attendre à un tel constat en demandant de faire mieux sur la base du volontariat.

En effet, il est difficile de rendre cette mesure efficace alors que l’offre est extrêmement variée et que le contexte ne s’y prête pas.

Au final, d’un coté, cela exacerbe les contribuables (qui vont bouder les restaurants), mais d’un autre coté, c’est une sorte de récompense des restaurateurs, après 14 années d’attente.

Trois mois après la baisse de la TVA, les restaurateurs, montrés du doigt et surmédiatisés, sont plus que jamais dans le collimateur :
- Les associations de consommateurs, déplorant le manque de transparence et de lisibilité, poussent le gouvernement à intervenir.
C’est le cas de la CLCV qui demande à l’Etat d’encadrer ce cadeau et de par exemple imposer une baisse de 5% sur tous les prix.
- Une majorité de députés serait favorable à un moratoire sur la baisse de la TVA,
- Même si les syndicats sont très peu représentés dans ce secteur, cela ne les empêche pas d’être mécontent.

Le 14 octobre 20009, Hervé Novelli, secrétaire d'Etat au commerce, a indiqué qu'un comité de suivi se réunirait le 15 décembre, pou en tirer les leçons et toutes les conséquences.

  • Edit 02/12/09 : 3 syndicats de salarié sur 5 ont rejetés la proposition des organisations patronales pour une hausse des salaires (+6% en moyenne, rajout de 2 jours fériés, mise en place d'une mutuelle de santé, apparition d'une prime TVA sous conditions de 2% du salaire annuel par salarié). En simplifiant le problème, les syndicats salariés souhaitent que cette fameuse prime TVA soient versées sans conditions.
  • Edit 16/12/09 : Selon l'INSEE, les prix dans les restaurants sont repartis à la hausse  depuis octobre (+0,1% en octobre et +0,1% en novembre) soit une baisse de 1,41% depuis juillet (contre une attente d'au moins 3%). 
  • Dans les cafés, on retrouve la même tendance (+0,1% en novembre par rapport à octobre) soit une baisse totale de 0,95% depuis juillet.
  • Quant à l'accord social, certains points pourraient devenir réalité comme la "prime TVA" de 500€ si le salarié justifie 4 mois d'ancienneté, la révision de la grille salariale (minimum +1% pour le premier niveau), la mutuelle de santé et les 2 jours fériés. Toutefois, certains syndicats patronaux importants refusent ces révisions jugées trop coûteuses...

lundi 12 octobre 2009

LA PAC illustrée par la crise du lait

(Petite explication: les exemples de la crise du lait sont écrits en violet.)

En 1960, la sécurité alimentaire européenne n’est autonome qu’à 80%. En moins de 10 ans, l'autonomie alimentaire européenne a dépassée les 100%

Depuis 30 ans, la plupart des filières agricoles actuelles subissent une crise sans précédent.
Pour mieux comprendre les enjeux du secteur laitier, il est important de savoir qu’aujourd’hui, la France est le 2e producteur européen de lait et l’un des plus gros exportateurs. Les exportations de lait représentent 16% des exportations agricoles françaises et génèrent un solde positif de 3,5 milliards d’euros.


I. Historique


1962: L’Union Européenne (à 6) n’est pas autonome et doit moderniser son agriculture. Elle met en place la PAC, Politique Agricole Commune, en garantissant des prix élevés et en protégeant la production intérieure, via des droits de douanes
Les objectifs de la PAC sont :
- D’accroître la productivité de l’agriculture ;
- D’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole ;
- De stabiliser les marchés ;
- De garantir la sécurité des approvisionnements ;
- D’assurer des prix raisonnables aux consommateurs.

Pour restructurer le secteur du lait, l’UE décide d’intervenir sur le marché par l’administration des prix :

Le Conseil des Ministres fixe des prix indicatifs de vente de lait, c'est-à-dire un prix de vente minimum et garanti pour les producteurs de lait:
  • Toute importation de lait se verra taxer jusqu’à atteindre le prix indicatif ; le lait importé ne peut donc pas concurrencer le lait français.
  • Si le marché ne peut absorber tout le lait et que le prix-producteur risque de passer en deçà du prix indicatif, l’Etat doit acheter l’excédent pour faire remonter les cours. Cette excédent est alors stocké en attendant soit d’être revendu à l’étranger (donc un lait subventionné), soit en cas de besoin de lait et lorsque le prix du marché devient supérieur au prix d’intervention.
  • Chaque année, le prix indicatif est rediscuté par le conseil et revu à la hausse.
  • Des actions stimulent la demande de lait, aussi bien interne qu’externe.

Années 1970 : La sécurité alimentaire est atteinte en Europe grâce au productivisme, à l’intensification des exploitations et aux progrès techniques.


Années 1980 : Les dépenses de l’Etat s’envolent.
Au vue de ces prix garantis, les producteurs de lait augmentent drastiquement leur production. L’Etat doit racheter des quantités importantes, qu’il ne peut stocker, et doit alors les écouler (à perte).
On parle des montagnes de beurre ou des lacs de lait quasiment donnés.
On commence aussi à se poser des questions sur l’environnement, la qualité des sols et la pollution des eaux (par les nitrates notamment).


1984 : Les coûts deviennent trop élevés pour l’Etat et l’UE décide de réformer la PAC :
C’est l’apparition des fameux quotas laitiers (QL): Chaque producteur se voit imposer un quota de production de lait au-delà duquel les pénalités deviennent vite dissuasives.
De nombreux producteurs de lait souhaitent se reconvertir, vers les céréales par exemple, et reçoivent des primes de cessation versées par l’Etat.

Années 1990 : La crise de la vache folle et les problèmes environnementaux remettent en cause notre confiance dans le modèle agricole. On parle de crise d’identité des agriculteurs.


1994 : Les accords de Marrakech du GATT (ex-OMC) obligent les Etats-Membre à libéraliser le marché.


2003 : Les pressions de l’OMC, le coût de la PAC (environ 50% du budget européen) et l’adhésion des pays de l’Europe de l’est (qui ont besoin d’un soutien financier) ont raison de l’UE. Elle prend la décision de libéraliser le marché mais souhaite garantir un revenu suffisant aux producteurs.
Il est donc décider, via la 3e réforme de la PAC, de :
- Supprimer progressivement les quotas, en les augmentant chaque année,
- Soutenir le développement rural,
- Les prix garantis sont baissés, les subventions sont découplées de la production et imposent de respecter une sorte de charte environnementale.
Ainsi, il est décidé de verser une prime laitière aux producteurs, les Droits de Paiement Unique (DPU), déconnectée de la production.
Constat : Seul 1% des terres seront contrôlées. Finalement, ce mode de subvention profite avant tout aux grandes exploitations et entraîne un productivisme forcené, au détriment de l’environnement.


2005 : le premier ministre de l’Australie dénonce les subventions de l’UE. Il estime qu’une vache européenne reçoit en moyenne 2,2$ de subventions par jour, ce qui est inacceptable quand on sait que plus d’un milliard d’individus ne gagnent même pas 1$ par jour.


2007: La crise est là.
Suite à la spéculation sur les produits agricoles, les prix augmentent et deviennent incontrôlable. L’UE décide de re-nationaliser une partie de la politique agricole et d’augmenter les quotas pour faire diminuer les prix.
Les producteurs de lait profitent de l’envolée des prix, parfois de 50%, et empochent en même temps les DPU.
La concurrence devient importante, car de nombreux pays européens encouragent leurs exportations (Pays-Bas, Allemagne, l’Europe de l’Est…) et le lait en poudre à bas prix, néo-zélandais en particulier, fait également son entrée.
Les stocks augmentent en même temps que la spéculation diminue.


2008 :
Pour toutes ces raisons, les prix du lait chutent brutalement.
Comme les prix de vente deviennent inférieurs aux coûts de revient, l’UE décide également de subventionner, en partie, les producteurs de lait par des restitutions, c'est-à-dire en compensant les pertes des producteurs par des aides.
Pour respecter son engagement envers l’OMC, l’UE décide de stopper les quotas laitiers progressivement et définitivement en 2015.
Certains interprètent cette stratégie comme une volonté d’éjecter les faibles du marché et de ne conserver que les meilleurs, cela afin de préparer les agriculteurs à la future suppression des quotas.


2009 :
La recommandation des prix interprofessionnels de la CNIEL, sorte d’accord sur les prix du lait, prend fin. Cet accord peut être perçu comme un système d’entente illicite et anticoncurrentiel sur le marché.
Il semble toujours nécessaire de réguler l’agriculture européenne.



II. Les solutions proposées

  • Récemment, il a été proposé de taxer très fortement les éleveurs qui dépasseraient les quotas et d’utiliser les bénéfices pour subventionner les producteurs souhaitant se reconvertir. Cette opération serait donc transparente pour le budget de l’Etat, déplacerait le centre du problème et redonnerait une forme de pouvoir aux Etats-membres. Cela pourrait être une des solutions.
  • De nombreux experts invoquent la nécessité d’un nouvel accord interprofessionnel sur les prix, les quantités et la durée entre les producteurs, les transformateurs mais aussi les distributeurs. Cela semble très difficilement négociable. Par exemple, dans le secteur laitier, il y a plus de 10.000 producteurs, une dizaine de transformateurs (dont, en France, 2 des 3 plus grandes firmes mondiales : Danone et Lactalis) et quelques distributeurs. Et puis, est-ce juste de maintenir les prix artificiellement ?
  • D’autres voudraient simplement lisser les prix, car trop fluctuants, en utilisant le stockage temporaire et/ou en utilisant les DPU pour compenser les pertes-fluctuations, donc en les couplant avec la production.
  • La France a également proposée un système d’assurance pour compenser ces flottements.


III. Analyse
Dans le secteur de l’agriculture en France, nous sommes passés par l’emploi de plus de 40% de la population active dans les années 40, à moins de 3% aujourd’hui.

Si on a voulu protéger notre agriculture, c’était pour une bonne cause : nous rendre autonome. Mais on peut se demander si aujourd’hui c’est encore valable après plus de 50 ans de subventions et de protectionnisme ?


1. Pourquoi les quotas ?
Il semble évident qu’en France, la principale raison a été de permettre l’élevage et la production dans toutes nos régions.
La France n’était pas le seul pays favorable aux quotas mais cette fuite en avant n’est plus possible. En effet, contrairement au secteur vinicole, de nombreux pays veulent défendre leurs intérêts et ne souhaite pas le retour au quota.
Il faut savoir que même au plus haut des quotas, plus de 70% des pays de l’UE ne les atteignaient pas.
De plus, pour pouvoir revenir au prix d’avant crise, il faudrait diminuer les quotas d’au moins 7%; ce qui n’est pas imaginable.
En tout état de cause, ce système est tellement opaque (achat/revente de quotas, subventions, quotas, transformation, distribution, règlementation,…) qu’il est impossible de mesurer l’influence de l’Etat.


2. Les vraies causes du problème
On pourrait en citer plusieurs mais en voici quelques unes :
- Une situation d'oligopole des distributeurs et des transformateurs,
- La compétitivité de notre agriculture,
- Le sentiment français de responsabilité dans la défense de nos campagnes et de leur mode de vie

Ces deux dernières causes sont plus ou moins liées. En effet, celui qui devra céder sa place sera le moins compétitif : le petit producteur. Or il représente un mode de vie traditionnel en France, si ce n’est pas l’image même du français moyen. Difficile d’abandonner notre campagne, notre terre et nos traditions.

Lors d'une interview de M. Sarkozy:
"l'agriculture et la ruralité sont de éléments de notre identité nationale".

De l’autre coté, les plus compétitifs, ce sont souvent les gros producteurs et les firmes multinationales qui mécanisent et réalisent des économies d’échelle, au détriment de la qualité et des traditions.

Or si on se veut sympathisant des agriculteurs, on privilégie quand même les produits les moins chers. C’est un paradoxe mais cela montre bien qu’il faut réformer ce marché.


3. Une alternative dans la qualité et le localisme?
Si le petit producteur veut survivre, il doit se recentrer là où il est attendu : les labels (bio…), la demande locale, les produits de qualité et frais…Bref, là où il est compétitif.
Par exemple, en France, on produit en masse du lait UHT, de longue conservation, prêt pour l’exportation. Cela concerne aussi les petits producteurs, comme s’ils pouvaient concurrencer les gros producteurs. La PAC a rendu cela possible mais c’est de plus en plus difficile.

Certains producteurs ont alors décidé de vendre directement leur lait aux consommateurs, sur le marché ou via des distributeurs automatiques.
Conséquence ? Les liens sociaux sont renoués, les prix sont gagnants-gagnants, le lait est meilleur et c’est éco-responsable.
C’est une alternative très intéressante qui répond mieux aux nouveaux besoins (redécouvrir le terroir, prise de conscience environnementale, volonté de prendre soin de son corps, recommandations des diététiciens et des pouvoirs publics…).
Pourquoi ne pas aller dans ce sens, par exemple en développant davantage les AMAP (Association pour le Maintien de la Culture Paysanne) ou les CSA (Community Supported Agriculture), c'est à dire des partenariats de proximité entre agriculteur et mangeurs ?
En septembre, la Fédération nationale des producteurs laitiers, a créé le label «Eleveurs laitiers de France». Ce logo garantit un aliment «produit, collecté et transformé en France» et concernerait le lait le moins cher. Cela serait une solution au paradoxe de sympathie française et offre un coté rassurant (vis-à-vis des crises sanitaires).
Toutefois, attention à la profusion de label qui pourrait embrouiller les consommateurs (« lait de haute altitude », «éleveurs de France», «bio», «Oui aux petits producteurs», «le lait d’ici», «AB», «bio européen», «logo citoyen»…).


IV. Conclusion et ouverture
Le contexte et la société évolue avec le temps. Les solutions doivent donc évoluer en conséquent. L’évolution de la PAC est une question épineuse et concerne notre modèle agricole dans son ensemble.

D'un coté, la PAC, avec ses quotas et ses subventions, a incontestablement aidée l'UE à devenir autonome et à rendre son agriculture performante. En dix ans, nous sommes passés d’une autonomie de 80% à 100% et plus.
Les régulations nous protègent des fluctuations des prix, comme la récente spéculation sur les céréales et permettent à une majorité de producteurs de vivre.
Enfin au niveau internationale, la concurrence n’est pas équitable avec ou sans l’UE ; nos concurrents sont les pays émergents autonomes (qui ont des salaires très bas) et les autres pays de l'OCDE qui subventionnent à tout va.

D'un autre coté, l'OMC voudrait que la PAC disparaisse pour libéraliser le secteur et s'ouvrir à la concurrence. Il faut avouer que les prix actuels sont artificiels et pourraient être plus bas.
Sans remise en question de l’agriculture traditionnelle, cela pourrait finir en uniformisation (mort des traditions pour l’industrie), en perte d'autonomie alimentaire et en crise environnementale.
Pour revenir à la crise du lait, les estimations annoncent que sur les 120.000 producteurs de lait en 2000, ils ne seront plus que 70.000 en 2010.
On pourrait aussi évoquer la mise en péril des producteurs des pays en développement, concurrencés par nos produits super-subventionnés. Disposant d’une faible marge de manœuvre à l'investissement, au progrès et aux nouvelles techniques, ils ne peuvent pas faire le poids.
On en arrive à des aberrations comme en Afrique, où les céréales africaines sont substituées par le riz thaï.
Au final ces pays deviennent dépendants de nos produits et ne peuvent devenir autonomes. En cas de crise et de hausse des prix, c'est la catastrophe: famines, augmentation des importations, inversement de la balance commerciale... avec des conséquences, comme en 2007 avec les émeutes contre la faim.

Une étude récente mettait en avant que les revenus de l’agriculture française sont constitués à 77% de subventions politiques, dont 55% déconnectés de la production.
Notre modèle agricole est-il soutenable et acceptable ?


En résumé, c'est la survie d’un modèle, pas forcément légitime, contre les lois du marché. Un vrai dilemme mais un vrai besoin de réforme car notre société évolue.
Faut-il continuer à tout subventionner alors qu’il y aura toujours un producteur dans le monde qui produira pour moins cher ?
Il faut remettre en question notre mode de production/distribution et répondre aux nouveaux besoins. Comme l'a récemment dit M. Sarkozy, il faudra considérer les agriculteurs comme des entrepreneurs.

On en saura plus dans les mois à venir lors de la révision de la PAC applicable en 2013.
  •  Edit 20/10/2009: Les producteurs français ont obtenus une aide européenne de 50 millions d'euros, soit 17% de l'enveloppe totale destinée aux producteurs de lait européens (420 millions d'euros).
  • Edit 28/10/2009: Nicolas Sarkozy a annoncé plusieurs mesures (encore en vérification à Bruxelles): des prêts bancaires (à taux réduits) et une subvention exceptionnelle totale de 650 millions d'euros.


La réforme des collectivités territoriales


I. Le contexte
La France possède les records européens
- Du nombre d’élu par habitant : 1 élu/185 habitant,
- Du nombre de collectivité territoriale par habitant : 0,6 collectivité pour 1.000 habitants.
- Du nombre de commune : Environ 50% des communes de l’UE sont en France (36.000 communes). De ce fait, la majorité des communes sont très peu peuplés : 94,5% ont moins de 5.000 habitants, 55% ont moins de 500 habitants.

Deux constats :
1e constat : Ce mille-feuille administratif offre peu de réactivité, car chaque décision doit être validée par l’échelon supérieure. On observe même des fonctions en doublon (exemple : le développement économique à l’échelle régionale et départementale) et des aberrations incompréhensibles (exemple : le département s’occupe des collèges et la région des lycées).

2e constat : Un des objectifs des élus est de se montrer actif via des constructions, des projets, etc…D’où l’important endettement de certaines collectivités territoriales.


Conséquences directes :
  • Une faible marge de manœuvre avec des dotations et des budgets faibles à cause de la présence d’une multitude d’intermédiaires, de frais de gestion élevés et de l’entrecroisement des compétences.
  • La hausse des inégalités avec les régions pauvres ou peu peuplées qui ont des charges fixes très élevés mais peu de dotations.
  • Des difficultés croissantes des régions françaises pour rivaliser avec celles des autres Etats Membres. On le remarque particulièrement au niveau des campus et des centres universitaires.
  • Une certaine opacité : les collectivités territoriales sont coincées entre autonomie et suprématie de l’Etat.
Face à une administration coûteuse et peu réactive, des réformes ont été jugées nécessaires.



II. Le besoin de réforme
Eric Woerth fut un des pionniers et proposa de supprimer les départements. Les conseillers généraux (ou autrement dit 1/3 des sénateurs) s’y opposèrent vivement.

La mission fut alors confiée au comité d’Edouard Balladur.

1. Le rapport Balladur
Le rapport est tombé le 5 mars 2009 et propose 20 mesures dont la mesure phare est la fusion des départements et des régions sur la base du volontariat (sur 5 ans).

Il sera aussi possible de fusionner deux départements ou deux régions.

Ces propositions devraient réduire d’un tiers les effectifs des exécutifs intercommunaux et faire passer l’effectif d’élus régionaux et départementaux de 6.000 à 3.000 : ce seront les mêmes représentants qui siègeront au conseil général et au conseil régional.

Il est également proposé un renforcement des anciennes mesures et une nouvelle organisation : intercommunalités, métropoles, communautés de commune,…




2. Les échelons

a. Intercommunalité : L'intercommunalité est le regroupement de communes ou de municipalités dans une structure légale en vue de coopération dans un ou plusieurs domaines (eau, ordures, urbanisme…). L’objectif à atteindre est, à terme, que les intercommunalités se transforment en communes de plein exercice, ce qui permettrait à la France de compter des communes fortes, en nombre raisonnable. Il convient que les communes qui ne sont membres ni d’une communauté urbaine, ni d’une communauté d’agglomération ni d’une communauté de communes rejoignent, avant 2014, la forme de groupement correspondant à l’importance de leur population.

b. Communauté de commune : La communauté de communes est un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) regroupant plusieurs communes, sans seuil minimum de population (contrairement aux intercommunalités). Elle a pour objet d'associer des communes au sein d'un espace de solidarité, en vue de l'élaboration d'un projet commun de développement et d'aménagement de l'espace.
Il est proposé qu’avant 2014, tous les SIVOM (syndicat intercommunal à vocation multiple) et SIVU (syndicat intercommunal à vocation unique) puissent s’élargir, lorsque leur périmètre correspond à celui d’un groupement de communes.
Les communautés d’agglomération (au moins 50.000 habitants) sont une autre forme de coopération intercommunale, qui concerne surtout les transports en commun.

c. Métropole (ex-communauté urbaine): Elle remplacera le département dans les agglomérations de plus 500.000 habitants, qui seraient alors des collectivités territoriales à statut particulier (compétences communales et départementales). Il est proposé de créer avant 2014, un premier groupe de métropoles (Lyon, Lille, Marseille, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Nice, Strasbourg, Rouen, Toulon et Rennes). Cette formule pourra être élargie à certaines intercommunalités, sur la base du volontariat.


3. La clause de compétence générale
Nouvelle règle du jeu : la clause de compétence générale, autrefois généralisée à toutes les collectivités, sera désormais exclusive aux communes. Elle permet d’élargir son champ de compétence légal, s’il est estimé être dans l’intérêt public, local ou départemental.


4. Les réformes financières
- La taxe professionnelle, dîtes « taxe imbécile » car taxant les investissements, va être supprimée le 1e janvier 2010. Elle était versée aux collectivités territoriales et représentaient un peu plus de 40 % de leurs budgets.
Elle sera remplacée en grande partie par la cotisation économique territoriale, assise sur le foncier et sur la valeur ajoutée. La partie sur le foncier irait aux communes et la partie sur la valeur ajoutée irait aux départements et régions.
- De nouvelles taxes versées aux collectivités pourraient voir le jour : taxes sur les antennes de téléphonie mobile (taxe pylône IFER), taxe sur les éoliennes…
- Des taxes versées à l’Etat pourraient être transférées aux collectivités.

Même si certaines personnalités pensent ces réformes inutiles d’un point de vue financier, la majorité s’accordent à dire que ces réformes pourraient permettre de faire économiser 17 milliards d’euros à l’Etat par an.



III. Les critiques
Les objectifs du comité Balladur sont de rendre l’administration plus réactive, plus efficace, plus lisible et moins coûteuse : c'est-à-dire plus compétitive.

Cependant, plusieurs protestations ont été évoquées ; si certaines sont pertinentes, d’autres ressemblent davantage à de la manipulation, légitimée par la peur de perdre son poste.


1. Les compétences
Certains contestataires affirment qu’aucune vraie modification n’a été apportée à la répartition des compétences. Par exemple, supprimer la clause de compétence générale et regrouper conseil général et conseil régional pourraient affaiblir les collectivités et créer une confusion.

On ne connaît d’ailleurs toujours pas le mode d’élection des futurs conseillers territoriaux.

Mais ne nous emballons pas. Les champs de compétences ne sont pas encore définis mais sont bien prévus. Le comité Balladur n’a pas voulu prendre position sur ce point mais précise bien que le gouvernement devra bien réviser l’attribution des compétences et supprimer les doublons.


2. L’autonomie financière
On observe un vrai paradoxe : les collectivités vont se voir confier plus de responsabilités et de pouvoir, mais ne verront aucun progrès sur leurs autonomies financières. Dans le rapport, il est question d’une sorte de plafond d’autonomie financière et d’une règlementation plus stricte des pouvoirs d’imposition des collectivités.

Aujourd’hui, près de 45% du budget des régions provient des dotations de l’Etat et de nombreux élus craignent que le remplacement de la taxe professionnelle par « des dotations budgétaires et par le transfert aux collectivités d'impôts économiques » ne soit pas suffisant. (cf. 4. les réformes financières). En effet, si on en croit les dernières estimations, l'autonomie des recettes pour:
- Les régions passeraient de 54,3% (2008) à 49,7% (après réforme),
- Les départements passeraient de 66,4% (2008) à 62,9% (après réforme).

Pourtant, ne faudrait-il pas aller au bout de la décentralisation et respecter le principe constitutionnel d’autonomie ?

Malgré ces craintes, on peut imaginer que la réforme ira vers plus d’autonomie financière:

« La réforme des finances locales sera néanmoins menée au même rythme que celle des collectivités, avec pour objectifs la "garantie de l'autonomie financière des collectivités locales", une plus grande "responsabilité dans l'évolution des dépenses", une réduction des "gaspillages", et "l'indispensable modernisation de la fiscalité locale pour la vitalité de notre économie". »
Il serait intéressant d’en profiter pour moderniser les impôts, d’une part pour financer directement les collectivités, d’autre part pour les rendre plus équitables.


3. Le dispositif de péréquation
Aucun mécanisme n’a été annoncé pour assurer l’égalité entre les régions. On peut espérer que les fusions de départements riches et pauvres permettront une meilleure répartition mais rien ne le garantit. Le président du Sénat a recommandé une répartition des nouveaux impôts selon des critères fiscaux et la réalité démographique, pour ne pas rendre les collectivités pauvres,encore plus pauvres.


4. Fausse décentralisation ?
Certains vont plus loin. Ils parlent de ré-féodalisation des liens sociaux (Alain Supiot, docteur d’Etat en droit) ou de destructions des contre-pouvoirs (Jean-Paul Huchon, homme politique, président du conseil régional Ile de France). Ces réformes seraient une fausse décentralisation : elles éloigneraient les élus des citoyens (par exemple en réduisant de moitié le nombre d’élus régionaux et département ou encore selon les raisons évoquées ci-dessus).

Il serait également question d’une transformation des entreprises privées en décideurs (via les Partenariat Public Privée).



IV. Conclusion
Ces propositions risquent bien de chambouler notre administration. D’un coté, elle va permettre de réaliser des économies et de créer des synergies ; d’un autre, elle va créer des mécontents : principalement ceux qui perdront leur place.

Il s’agit d’une réforme que M. Sarkozy tient à cœur et qui sera mise en place.
Toutes les modalités ne sont pas encore clairement établies mais elles sont actuellement étudiées lors des conseils des ministres.

On remarque une opposition, particulièrement chez les élus et la gauche, mais il semble indéniable que cette réforme apportera plus d’efficacité et des économies.

Le projet sera présenté en conseil des ministres le mercredi 21 octobre avant de passer au Sénat avant la fin de l'année. La réforme des collectivités territoriales prévues à la base pour la fin 2009, n’aboutira vraisemblablement pas avant les élections régionales de 2010.

  • Edit 07/12/09: L'agence de notation Moody's prévoit qu'en raison de la suppression de la taxe professionnelle, les collectivités territoriales (en particulier les régions) vont voir leurs finances se dégradées.

vendredi 2 octobre 2009

La reprise de l’économie?


Selon l’OCDE, 85% des pays ont été en récession. Même si la crise est toujours là, il semblerait que nous avons atteint le plancher et que le pire est derrière nous.

La confiance revient si l’on en croit l’embellie des niveaux des marchés mondiaux depuis quelques semaines. Cela vient sans doute des signaux positifs révélés par la plupart des organisations monétaires mondiales qui ont rehaussé leurs prévisions en conséquent.

Ainsi le FMI a modifié ses prévisions à la hausse :
- Pour 2009 (-1,4%) contre (-1,3) auparavant,
- Pour 2010 +2,9% contre +2,5% auparavant.

L’OCDE également concernant les prévisions 2009 de certains pays (hormis l’UK par exemple):
- le Japon (-5,6%) contre (-6,8%) auparavant,
- l’Allemagne (-4,8%) contre (-6,1%) auparavant,
- la France (-2,1%) contre (-3%) auparavant.

D’ailleurs, on pourrait aussi se pencher sur les indicateurs composites de l’OCDE du mois de juillet 2009 (analysé en septembre 2009) qui permettent d’évaluer la santé économique et les perspectives de cycle de croissance :
- L’indicateur composite avancé pour la zone OCDE a augmenté en juillet 2009 mais reste inférieur au niveau de juillet 2008.
- On envisage dans certains pays une possible expansion : c’est le cas de l’Italie et de la France ; et une reprise pour la plupart des autres pays (avec quelques creux possibles, pour le Brésil par exemple).

La reprise est proche, si elle n’a pas déjà commencé.



Pourquoi parle-t-on de reprise ?
On retrouve plusieurs éléments fortifiants comme les plans de relance (qui vont bientôt arriver à leurs termes), ou les taux directeurs peu élevés ou encore les répercussions sur les prix (à la baisse) qui stimulent la consommation et la croissance.

Que remarque-t-on de concrètement positif dans le monde?


- En général, le crédit redevient plus accessible,
- La consommation des ménages repart ; via l'augmentation des dépenses de consommation et, cela, sans hausse substantielle des revenus,
- L’immobilier montre des signaux positifs ; avec par exemple la hausse des promesses de ventes de logement ou, plus récemment aux US, le retour des permis de construire,
- Les industries redémarrent ; grâce en particulier aux primes à la casse),
- La confiance revient: on le remarque via les hausses des bourses et le renouement des banques avec le profit.



La reprise, une illusion ?
L’OCDE pense que nous sommes sur la bonne voie même si le modèle de l'économie en W reste possible.

Le point le plus effrayant reste celui du chômage.
Pour l’instant, l’impact sur le chômage est relativement faible. Mais le chômage n’a pas encore atteint son plancher. Ainsi en 2009, l’Europe et les US vont sans doute dépasser les 10% de chômage, avant d’atteindre 11% en 2011 (selon les dernières estimations). On ne peut espérer une baisse du chômage qu’à partir de 2011-2012.
Certains pays sont d'ores et déjà particulièrement touchés: c’est le cas de l’Espagne (estimation Q4 2010 : 19,8%) et de l’Irlande (estimation Q4 2010 : 15,1%).

Les banques montrent des chiffres positifs car elles profitent des prêts à bas intérêt tout en augmentant le prix de leurs produits financiers.
Les signes positifs récents de l’économie risquent de pousser les banques centrales à prochainement augmenter les intérêts. La plupart des économistes pensent que les taux resteront inchangés jusqu’au premier semestre 2010, c'est-à-dire la période de résorption du chômage. La FED a implicitement confirmé que le taux directeurs US n’allait pas changer tout de suite. Mais cela ne pourra pas durer, en particulier à cause du risque d’inflation.
En résumé, nous avons, d’un coté, des intérêts faibles (banques centrales), de l’autre, une hausse des marges et des intérêts perçus (les banques). Au final, ce sont les clients et le marché qui financent et permettent cette reprise. On peut se demander si cette forme de spéculation ne pourrait pas pénaliser les autres secteurs.
Enfin, on estime que les banques européennes cachent encore 750 milliards de dollars d’actif pourris qui seront vraisemblablement dépréciés courant 2009-2010.
En France, on peut encore rajouter la moitié des LBO consentis par les banques (Leverage Buy Out: de façon simple, c’est l’achat à crédit d’entreprise où l’emprunt est remboursé sur le profit de l’entreprise acquise). Ils représentent environ 30 milliards d’euros d’en-cours considérés comme perdus.

Suite aux plans de relances, les déficits publics ont été très importants et pourraient devenir critiques pour certains pays. A terme, certains économistes pensent que cela pourrait créer de l’inflation mais la majorité juge ce risque comme minime.
En tout cas, les impôts vont très certainement être revus à la hausse d’ici quelques années pour permettre de compenser ces déficits.
En France, on peut se demander si cela se produira avant ou après les élections de 2012?
En Allemagne, on s’attend très prochainement à la mise en place d'une politique d’austérité pour gagner en compétitivité. C’est une des raisons expliquant pourquoi le gouvernement a déjà inscrit dans la constitution une limite maximale de déficit de 0,35% en 2016.
En Espagne, on annonce déjà des restrictions budgétaires.

La banque mondiale a montré son inquiétude entre la fin des effets des plans de relances et les politiques d’austérité qui montrent le bout de leur nez. Même le président de la banque centrale allemande craint le retour du bâton et annonce qu'un retour au niveau de 2008 n'arrivera pas avant 2013.

Enfin la prime à la casse française, incroyable dopant de l’industrie (au moins à moitié responsable du rebond de l'industrie), est prévue d’être abandonnée en 2011 tandis qu'elle est déjà terminée aux US et bientôt arrivée à terme en Allemagne.
Le bonus-malus écologique va lui aussi être restreint dès 2010. Tout ceci fera certainement chuter les ventes puis la production de voiture (et à fortiori celui du secteur des carrossiers, de la sidérurgie…).
Une des conséquences de la crise est l’effondrement de la rentabilité des entreprises type industrielles où l’on n’espère pas de rétablissement avant début 2010.


On remarque aussi une hausse du niveau d’épargne alors que le chômage augmente et que les salaires sont plus ou moins gelés ; ce qui pourrait à terme freiner la consommation.
Les investissements des ménages et des entreprises ne sont plus au rendez-vous, que ce soit un fait volontaire ou suite au durcissement des conditions de crédit.
Le prix du pétrole va bientôt augmenter, ce qui aura des effets sur le pouvoir d'achat des ménages.
Il semblerait que les ménages ne pourront donc pas prendre le relai après la fin des programmes de relance.


Les pays du Sud et de l’Europe de l’Est ont particulièrement souffert et ce n’est pas fini. On peut noter deux principales causes : la baisse de la demande des pays importateurs et les rapatriements de capitaux.
Ces fragilités ont été mises en avant par la Banque Mondiale.

L’Asie n'a pas trainé pendant la crise et réalise un redémarrage fulgurant. Bien sûr, cela risque d’entrainer une hausse des prix des matières premières et les pays de l’OCDE risquent d’avoir une belle surprise cet hiver lorsque la production repartira.
Cela dit, un des risques asiatiques mis en avant pourrait être son attractivité même. En effet, à cause de la hausse des intérêts et de leur forte rentabilité, des transferts de capitaux massifs vers l'Asie pourraient entraîner une inflation galopante. Reste à savoir comment les États asiatiques pourraient gérer ce problème s’il devait se présenter.



Quand sort-on de la crise ?
Certains penchent pour le retour à la croissance dès le 1e trimestre positif, d'autres lorsque les marchés financiers repassent au vert, d’autres dès le retour à l’emploi,…Bref, la question est délicate.

Et le G20 de Pittsburgh? Tous les pays sont d’accord sur les points à débattre, mais ne les placent pas au même niveau. Et pour cause, nous n’avons pas tous les mêmes problèmes, ni les mêmes économies et encore moins les mêmes besoins.
Entre le détournement du G20 vers le dossier iranien et les discordances de base, c'est une vraie usine à gaz.

Il reste actuellement des risques comme celui des cartes de crédits, de l’immobilier commercial aux US ou encore des LBO. Toutefois, il faut avouer que les derniers signes sont très encourageants et espérons cela continuera.
  • Joseph E. Stiglitz, prix Nobel d’économie, pense que d’ici quatre ans, nous nous serons remis.
  • Daniel Cohen, éminent économiste français, a annoncé que cette crise n'est pas la dernière mais juste la première du XXIe siècle.
  • Thomas Palley estime qu'il existe des signes forts d'un probable deuxième plongeon: Destruction d'emploi, chute des ventes automobiles (fin de la prime à la casse), des modèles économétriques discutables (pensée unique), une augmentation de l'épargne pour rembourser ses dettes (désendettement), la future contraction des dépenses publiques et le déficit commercial.

De La Taxe Carbone


Pour diviser par quatre ses émissions de GES (Gaz à Effet de Serre) d’ici 2050, il semble indispensable de faire évoluer les modes de vie des français.

La commission Rocard a alors travaillé sur les moyens à mettre en œuvre pour forcer ce changement de comportement.

Une des solutions proposée a été la contribution climat-énergie (CCE), plus communément appelée taxe carbone. En théorie, elle concernera les entreprises et les ménages.
En parlant de taxe, il faut savoir que la France fait partie des plus laxistes en matière de taxes environnementales : elles sont en recul depuis 1996 et ne représentent que 2,1% du PIB, contre 2,7% dans l’UE.

Il a été décidé de ne taxer que les énergies fossiles (gaz, pétrole,…) et d’exclure à la fois les secteurs soumis au permis d’émission carbone (sidérurgie,…) et une partie du secteur agricole.

Concrètement, l’Etat fixera le prix du CO², ce qui pour conséquence un ajustement des émissions de GES. Le prix annoncé de la tonne carbone sera de 17€ par tonne, ce qui fera augmenter les prix :
- Du pétrole, entre 4 et 5 centimes par litre,
- Du gaz, d’environ 0,4 centime par KWh,
- Du fioul de chauffage, de 4,5 centimes par litre.



Plusieurs critiques ont été émises :

1. CCE ?
On assimile souvent la CCE française à la CCE du Grenelle de l’environnement. Or le gouvernement a adapté cette dernière. On peut noter deux différences majeures : le taux de taxation proposé est trop faible et il va peser plus lourd sur les petits ménages.

Selon Alternatives Économiques:
Les 35% des ménages les plus pauvres dépensent en proportion deux fois plus pour l’énergie, que les 5% des ménages les plus riches.
La taxe carbone et "l'Ecolo-Sarkozysme" porte donc des valeurs différentes comme :
- La Croissance durable,
- L'incitation (et non la contrainte),
- Le choix du nucléaire.


2.
Les cibles
En lisant le rapport de la commission Rocard, il semble évident que les principales cibles sont les ménages avec pour objectif la diminution de la consommation importée et la stimulation des entreprises.
A ce sujet, il existe une étude de Cambridge qui montre que dans les pays ayant appliqués une telle mesure, cela avait permis de relancer la croissance et d’améliorer la compétitivité des entreprises. Ce qui semble normal quand, par exemple, en Suède, les consommateurs contribuent 2,5 fois plus que les entreprises (grâce à la diminution des cotisations sociales).
C'est un simple transfert de fiscalité des entreprises vers les consommateurs/ménages.

Il reste encore la question de l’adoucissement de la taxe carbone sur le secteur agricole, qui représente environ 15% des émissions de GES en France et où les comportements devraient pourtant évoluer sur plusieurs points.

Une des interprétations de cette taxe dite 100% écolo, est celle d’un transfert de charge des entreprises vers les ménages.
Ne serait-ce pas une tromperie recouverte d’un vernis vert ?


3. La redistribution
Dès février 2010, elle sera intégralement redistribuée aux ménages, via un possible chèque «vert», et aux entreprises, via des crédits d'impôt (et la disparition de la taxe d’apprentissage).

Les députés, de la commission des finances de l'Assemblée, ont récemment décidé d'augmenter les compensations pour les ménages habitant en montagne ou étant mal desservis par les transports en commun.
Ils ont également remis à l'ordre du jour la taxe sur les sacs plastiques dans les caisses.

Bref entre un taux d’imposition très faible et une redistribution intégrale, on peut se demander si la taxe carbone va vraiment influencer le comportement des ménages et inciter les entreprises à innover et à se perfectionner.


4. Une taxe supplémentaire efficace ?
La taxe carbone va s’ajouter à la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers (TIPP), rendant une essence déjà chère, encore plus chère. A titre de comparaison, la taxe carbone fera augmenter le prix au litre de 4 centimes, contre 60 centimes pour la TIPP.
Aucune étude sérieuse n’a révélé que le principe d’élasticité des prixen la matière est efficace (élasticité des prix: rapport prix-consommation ; si les prix augmentent, la consommation doit normalement diminuer). On pourrait comparer la taxe carbone à la taxe sur les cigarettes : en augmentant les taxes sur les cigarettes de 10%, on observe un retour à la consommation antérieure en 8 mois. Quid de la taxe carbone?

Et puis, les entreprises vont vraisemblablement répercuter la taxe carbone sur les prix, là où le consommateur captif ne pourra rien faire.
Exemple: Admettons que le boulanger répercute 4 centimes sur sa baguette, que pourra faire le consommateur lambda ?
Ou encore, comment les locataires, se chauffant aux énergies fossiles, feront-t-ils pour modifier leurs comportements?


On peut se demander si le but de cette taxe n’est d’appauvrir les ménages pour qu’ils consomment moins et donc polluent moins.


5. La taxe carbone sera-t-elle indexée sur l’indice des prix ?
Si oui, on en arrive à deux constats:

1e constat: Augmentation des prix à cause de la taxe carbone :
Puis hausse du niveau des retraites (car indexée aussi sur les prix)
Puis hausse des dépenses de la sécurité sociale
Puis hausse des dépenses de l’Etat.

2e constat: Augmentation du prix du fioul à cause de la taxe carbone :
Puis hausse des loyers en France (car indexé sur l’indice des prix): double taxation.


6. La remise en question de l’automobile
Reste encore à régler deux problèmes liés à l’automobile:
Un d’ordre culturel : la voiture est un symbole profondément ancré en France ;
Et un autre d’ordre technique : il n’y a pas vraiment d’alternatives proposée. La voiture propre (électrique ?) n’est pas encore accessible au grand public. Certes il existe des transports en commun en ville, mais cela ne concerne pas tout le monde, surtout depuis le phénomène d’étalement urbain.


Même si la fiscalité n’est pas le meilleur outil pour modifier les comportements, il faut avouer que ne rien faire serait pire. La taxe carbone, bonne ou mauvaise, part d'un effort collectif pour tenter d'améliorer la situation.
Est-ce qu'elle sera efficace ? C'est une autre paire de manche. On estime que les émissions de GES vont baisser mais c'est surtout les défis futurs qu'il faudra surveiller:
Bref, comment faire progresser cette taxe et quels autres moyens mettre en œuvre pour changer les comportements?