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lundi 12 octobre 2009

La réforme des collectivités territoriales


I. Le contexte
La France possède les records européens
- Du nombre d’élu par habitant : 1 élu/185 habitant,
- Du nombre de collectivité territoriale par habitant : 0,6 collectivité pour 1.000 habitants.
- Du nombre de commune : Environ 50% des communes de l’UE sont en France (36.000 communes). De ce fait, la majorité des communes sont très peu peuplés : 94,5% ont moins de 5.000 habitants, 55% ont moins de 500 habitants.

Deux constats :
1e constat : Ce mille-feuille administratif offre peu de réactivité, car chaque décision doit être validée par l’échelon supérieure. On observe même des fonctions en doublon (exemple : le développement économique à l’échelle régionale et départementale) et des aberrations incompréhensibles (exemple : le département s’occupe des collèges et la région des lycées).

2e constat : Un des objectifs des élus est de se montrer actif via des constructions, des projets, etc…D’où l’important endettement de certaines collectivités territoriales.


Conséquences directes :
  • Une faible marge de manœuvre avec des dotations et des budgets faibles à cause de la présence d’une multitude d’intermédiaires, de frais de gestion élevés et de l’entrecroisement des compétences.
  • La hausse des inégalités avec les régions pauvres ou peu peuplées qui ont des charges fixes très élevés mais peu de dotations.
  • Des difficultés croissantes des régions françaises pour rivaliser avec celles des autres Etats Membres. On le remarque particulièrement au niveau des campus et des centres universitaires.
  • Une certaine opacité : les collectivités territoriales sont coincées entre autonomie et suprématie de l’Etat.
Face à une administration coûteuse et peu réactive, des réformes ont été jugées nécessaires.



II. Le besoin de réforme
Eric Woerth fut un des pionniers et proposa de supprimer les départements. Les conseillers généraux (ou autrement dit 1/3 des sénateurs) s’y opposèrent vivement.

La mission fut alors confiée au comité d’Edouard Balladur.

1. Le rapport Balladur
Le rapport est tombé le 5 mars 2009 et propose 20 mesures dont la mesure phare est la fusion des départements et des régions sur la base du volontariat (sur 5 ans).

Il sera aussi possible de fusionner deux départements ou deux régions.

Ces propositions devraient réduire d’un tiers les effectifs des exécutifs intercommunaux et faire passer l’effectif d’élus régionaux et départementaux de 6.000 à 3.000 : ce seront les mêmes représentants qui siègeront au conseil général et au conseil régional.

Il est également proposé un renforcement des anciennes mesures et une nouvelle organisation : intercommunalités, métropoles, communautés de commune,…




2. Les échelons

a. Intercommunalité : L'intercommunalité est le regroupement de communes ou de municipalités dans une structure légale en vue de coopération dans un ou plusieurs domaines (eau, ordures, urbanisme…). L’objectif à atteindre est, à terme, que les intercommunalités se transforment en communes de plein exercice, ce qui permettrait à la France de compter des communes fortes, en nombre raisonnable. Il convient que les communes qui ne sont membres ni d’une communauté urbaine, ni d’une communauté d’agglomération ni d’une communauté de communes rejoignent, avant 2014, la forme de groupement correspondant à l’importance de leur population.

b. Communauté de commune : La communauté de communes est un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) regroupant plusieurs communes, sans seuil minimum de population (contrairement aux intercommunalités). Elle a pour objet d'associer des communes au sein d'un espace de solidarité, en vue de l'élaboration d'un projet commun de développement et d'aménagement de l'espace.
Il est proposé qu’avant 2014, tous les SIVOM (syndicat intercommunal à vocation multiple) et SIVU (syndicat intercommunal à vocation unique) puissent s’élargir, lorsque leur périmètre correspond à celui d’un groupement de communes.
Les communautés d’agglomération (au moins 50.000 habitants) sont une autre forme de coopération intercommunale, qui concerne surtout les transports en commun.

c. Métropole (ex-communauté urbaine): Elle remplacera le département dans les agglomérations de plus 500.000 habitants, qui seraient alors des collectivités territoriales à statut particulier (compétences communales et départementales). Il est proposé de créer avant 2014, un premier groupe de métropoles (Lyon, Lille, Marseille, Bordeaux, Toulouse, Nantes, Nice, Strasbourg, Rouen, Toulon et Rennes). Cette formule pourra être élargie à certaines intercommunalités, sur la base du volontariat.


3. La clause de compétence générale
Nouvelle règle du jeu : la clause de compétence générale, autrefois généralisée à toutes les collectivités, sera désormais exclusive aux communes. Elle permet d’élargir son champ de compétence légal, s’il est estimé être dans l’intérêt public, local ou départemental.


4. Les réformes financières
- La taxe professionnelle, dîtes « taxe imbécile » car taxant les investissements, va être supprimée le 1e janvier 2010. Elle était versée aux collectivités territoriales et représentaient un peu plus de 40 % de leurs budgets.
Elle sera remplacée en grande partie par la cotisation économique territoriale, assise sur le foncier et sur la valeur ajoutée. La partie sur le foncier irait aux communes et la partie sur la valeur ajoutée irait aux départements et régions.
- De nouvelles taxes versées aux collectivités pourraient voir le jour : taxes sur les antennes de téléphonie mobile (taxe pylône IFER), taxe sur les éoliennes…
- Des taxes versées à l’Etat pourraient être transférées aux collectivités.

Même si certaines personnalités pensent ces réformes inutiles d’un point de vue financier, la majorité s’accordent à dire que ces réformes pourraient permettre de faire économiser 17 milliards d’euros à l’Etat par an.



III. Les critiques
Les objectifs du comité Balladur sont de rendre l’administration plus réactive, plus efficace, plus lisible et moins coûteuse : c'est-à-dire plus compétitive.

Cependant, plusieurs protestations ont été évoquées ; si certaines sont pertinentes, d’autres ressemblent davantage à de la manipulation, légitimée par la peur de perdre son poste.


1. Les compétences
Certains contestataires affirment qu’aucune vraie modification n’a été apportée à la répartition des compétences. Par exemple, supprimer la clause de compétence générale et regrouper conseil général et conseil régional pourraient affaiblir les collectivités et créer une confusion.

On ne connaît d’ailleurs toujours pas le mode d’élection des futurs conseillers territoriaux.

Mais ne nous emballons pas. Les champs de compétences ne sont pas encore définis mais sont bien prévus. Le comité Balladur n’a pas voulu prendre position sur ce point mais précise bien que le gouvernement devra bien réviser l’attribution des compétences et supprimer les doublons.


2. L’autonomie financière
On observe un vrai paradoxe : les collectivités vont se voir confier plus de responsabilités et de pouvoir, mais ne verront aucun progrès sur leurs autonomies financières. Dans le rapport, il est question d’une sorte de plafond d’autonomie financière et d’une règlementation plus stricte des pouvoirs d’imposition des collectivités.

Aujourd’hui, près de 45% du budget des régions provient des dotations de l’Etat et de nombreux élus craignent que le remplacement de la taxe professionnelle par « des dotations budgétaires et par le transfert aux collectivités d'impôts économiques » ne soit pas suffisant. (cf. 4. les réformes financières). En effet, si on en croit les dernières estimations, l'autonomie des recettes pour:
- Les régions passeraient de 54,3% (2008) à 49,7% (après réforme),
- Les départements passeraient de 66,4% (2008) à 62,9% (après réforme).

Pourtant, ne faudrait-il pas aller au bout de la décentralisation et respecter le principe constitutionnel d’autonomie ?

Malgré ces craintes, on peut imaginer que la réforme ira vers plus d’autonomie financière:

« La réforme des finances locales sera néanmoins menée au même rythme que celle des collectivités, avec pour objectifs la "garantie de l'autonomie financière des collectivités locales", une plus grande "responsabilité dans l'évolution des dépenses", une réduction des "gaspillages", et "l'indispensable modernisation de la fiscalité locale pour la vitalité de notre économie". »
Il serait intéressant d’en profiter pour moderniser les impôts, d’une part pour financer directement les collectivités, d’autre part pour les rendre plus équitables.


3. Le dispositif de péréquation
Aucun mécanisme n’a été annoncé pour assurer l’égalité entre les régions. On peut espérer que les fusions de départements riches et pauvres permettront une meilleure répartition mais rien ne le garantit. Le président du Sénat a recommandé une répartition des nouveaux impôts selon des critères fiscaux et la réalité démographique, pour ne pas rendre les collectivités pauvres,encore plus pauvres.


4. Fausse décentralisation ?
Certains vont plus loin. Ils parlent de ré-féodalisation des liens sociaux (Alain Supiot, docteur d’Etat en droit) ou de destructions des contre-pouvoirs (Jean-Paul Huchon, homme politique, président du conseil régional Ile de France). Ces réformes seraient une fausse décentralisation : elles éloigneraient les élus des citoyens (par exemple en réduisant de moitié le nombre d’élus régionaux et département ou encore selon les raisons évoquées ci-dessus).

Il serait également question d’une transformation des entreprises privées en décideurs (via les Partenariat Public Privée).



IV. Conclusion
Ces propositions risquent bien de chambouler notre administration. D’un coté, elle va permettre de réaliser des économies et de créer des synergies ; d’un autre, elle va créer des mécontents : principalement ceux qui perdront leur place.

Il s’agit d’une réforme que M. Sarkozy tient à cœur et qui sera mise en place.
Toutes les modalités ne sont pas encore clairement établies mais elles sont actuellement étudiées lors des conseils des ministres.

On remarque une opposition, particulièrement chez les élus et la gauche, mais il semble indéniable que cette réforme apportera plus d’efficacité et des économies.

Le projet sera présenté en conseil des ministres le mercredi 21 octobre avant de passer au Sénat avant la fin de l'année. La réforme des collectivités territoriales prévues à la base pour la fin 2009, n’aboutira vraisemblablement pas avant les élections régionales de 2010.

  • Edit 07/12/09: L'agence de notation Moody's prévoit qu'en raison de la suppression de la taxe professionnelle, les collectivités territoriales (en particulier les régions) vont voir leurs finances se dégradées.

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