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mercredi 22 janvier 2014

Le Pacte de Responsabilité

« Alléger les charges des entreprises pour plus d’embauches et de dialogue social ». C’est par ces termes que François Hollande a présenté le pacte de responsabilité. Après le choc de compétitivité I : les accords sur l’emploi, voici…le choc de compétitivité II : Le Pacte de Responsabilité.





Le Principe : Réduire les charges des entreprises par des économies

C’est ce que préconisait le rapport Gallois et que demande sans cesse le patronat : baisser les « charges » des entreprises. François Hollande souhaite baisser les cotisations sociales des entreprises de 30 à 35 milliards d’euros avant 2017 ; cela se ferait en supprimant les cotisations patronales relatives à la politique familiale.
Le président promet que les ménages ne devraient pas avoir à payer pour cette nouvelle exonération. La ministre de la santé promet même que, malgré ce remaniement, on ne touchera pas à la politique familiale. Le financement de cette nouvelle exonération proviendrait d’économies réalisées par l’État, en particulier par la réduction du nombre de régions. Il semble que la dette soit en option si François Hollande réussit à renégocier son engagement de réduction du déficit au niveau européen.

L’objectif du pacte de responsabilité serait de récompenser, ou du moins d’inciter, le dialogue social et les recrutements dans les entreprises. Autrement dit : dialoguer et embaucher, le gouvernement vous le rendra…
Il est même question d’aller plus loin dans la baisse de la fiscalité des entreprises en 2015.

En parallèle, on annonce ce qu’on pourrait appeler un choc de visibilité et de simplification…Décidément…




Les charges (sociales) des entreprises

Avant d’entrer dans le détail du pacte de responsabilité, je vous propose de s’arrêter un instant sur l’expression « charges des entreprises ». Elle a l’air limpide mais elle dissimule un débat qui déchire les économistes. En comptabilité, les charges, dans le sens général du terme, représentent les dépenses des entreprises.

Toutefois, d’un point de vue économique, il existe deux façons d’aborder les charges sociales patronales (ou cotisations patronales) :
  • Elles sont un coût pour l’entreprise au même titre que l’impôt sur les sociétés, la contribution sur la valeur ajoutée,…C’est mal car l’État ponctionne les marges de l’entreprise. C’est la version libérale.
  • Elles concernent le salarié et s’apparente à un salaire différé. Dans cette optique, c’est bien car le salarié en bénéficie indirectement et/ou en décalage. Disons que c’est du salaire non-visible.
Selon le point de vue adopté, la suppression de cotisations sociales patronales n’a donc pas la même portée. Doit-on parler de baisse des prélèvements, de baisse du coût du travail ou de baisse des salaires ? Probablement les trois.



Pas tout à fait 30 milliards

En réalité, le pacte de responsabilité n’apporte pas une bouffée de 30 (ou 35) milliards d’euros sur les cotisations familiales aux entreprises. Grâce à la réduction Fillon sur les bas salaires, les entreprises sont déjà exonérées de 20 milliards d’euros sur les 30 milliards de cotisations familiales (dans le privé).

Mais quelle est l’astuce alors ?
Dans les 30 milliards d’exonération annoncée, le CICE (Crédit Impôt Compétitivité Emploi) est déjà inclus dans cette enveloppe – il  représente la bagatelle de 20 milliards d’euros. Le Pacte de responsabilité porte ainsi sur les 10 milliards restants : ceux des cotisations familiales.
D’ailleurs, en 2016, les entreprises devront, chacune, choisir entre être exonérées de cotisations familiales ou bénéficier du CICE.



Des contreparties pour les entreprises ?

Pour l’instant aucunes contreparties tangibles. Un observatoire des contreparties a simplement été évoqué.
Le MEDEF (syndicat patronal des grandes entreprises) prévoit la création d’un million d’emplois d’ici à 2020 en échange d’exonérations mais son président refuse tout engagement chiffré. Ce dernier a juste souhaité une baisse supplémentaire de charges des entreprises en contrepartie d’une augmentation de TVA pour les consommateurs (de 20 à 23%), c'est-à-dire un nouveau transfert de charges des entreprises vers les ménages.



Les éléments qui clochent


Le million d’emplois

Pour l’instant il n’y a pas d'engagement et on pourrait clore le débat là-dessus.

Essayons quand même de nous baser sur le million d’emplois promis, juré, mais non craché, par le MEDEF. C’est une prévision (apparemment sans aucune étude à l’appui) que nous aurions un million d’emplois supplémentaires d’ici 2020 (soit 5 ou 6 ans) en échange de contreparties financières.

Arnaud Montebourg, le ministre du redressement productif, estime que c’est peu.  Et il a raison.

Jetez un œil sur le graphique suivant :
Vous pouvez constater que « 1 million d’emplois », c’est le nombre d’emplois créés entre 2000 et 2006, sans choc de compétitivité. C’est plus de 2 millions de nouveaux emplois entre 1997 et 2002…
Ainsi le rythme de croisière, hors crise et hors choc de compétitivité, c’est une création comprise entre 1 et 2 millions d’emploi en 5 ans.
Toutefois, même avec une carotte, le MEDEF ne veut pas signer pour la fourchette basse d’un million d’emplois.

Maintenant, remettons-nous en mémoire le montant du cadeau fiscal annoncé par le pacte de responsabilité : 30 milliards annuels. Admettons la création d’un million d’emplois…C’est en moyenne 30.000 euros d’exonérations par emploi (30 milliards divisés par 1 million) et par an.  Or…un SMIC super-brut (c'est-à-dire le salaire net, les cotisations sociales salariales et patronales) c’est environ 25 000 euros par an. Voyez-vous où je veux en venir ?
Je ne dis pas qu’il n’y aura que des embauches au SMIC mais simplement faire remarquer que le cadeau de l’État représente, à l’année, quelque chose comme 1,2 millions de salariés payés au SMIC (toutes charges incluses). Et encore, le MEDEF annonce 1 million d'emplois en échange de 100 milliards d'exonérations (et non 30) soit une subvention de 100 000 euros par emploi !

Pour ces deux raisons, on peut penser que le million d’emplois, prévu à la louche et sans engagement, ne tient pas debout. D’une part, la prévision est faible compte tenu de la création « naturelle » d’emploi en période hors crise et hors choc, et d’autre part, la frilosité du MEDEF inspire autant confiance que la baisse de la TVA dans la restauration a été créatrice d’emplois…

Et puis de quels emplois parlons-nous ? Emplois stables ou précaires ? Emplois qualifiés ou non qualifiés ? Emplois à temps plein ou à temps partiel ? On nage dans l’obscurité…

Enfin, les entreprises sont en sureffectifs et veulent reconstituer leurs marges. Dans une situation où la demande est faible, voire nulle, une baisse de coût ne créera pas systématiquement d'emplois : pourquoi embaucher sans débouchés ? Mais pas de précipitations, ce point sera introduit dans le paragraphe suivant et vu plus en détails dans l'article suivant !


La baisse des charges pour tous

La justification d’une baisse des charges des entreprises est que leurs marges seraient au plus bas.
La cause ? Les prélèvements obligatoires d’un État gaspilleur.

Ce constat n’est pas tout à fait vrai mais compte tenu de la complexité du sujet, je l’aborderai la prochaine fois.

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