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dimanche 6 mai 2012

Les chantiers du prochain président

Si quelques secteurs comme l'aéronautique, le fret, les énergies fossiles ou le luxe ne sont pas en berne, de nombreux autres sont en difficulté : l'industrie en général (textile, automobile, imprimerie,...), l'immobilier,...
Quand on sait que les projections du gouvernement sur-estiment la croissance française, ce ne sera pas un cadeau pour le prochain quinquennat.


Du coup, le prochain président aura certains "chantiers" à redresser. En voici quelques uns ci-dessous :

Chantier 1 : l'industrie

La part de l'industrie dans le PIB chute depuis plusieurs années : il représente aujourd'hui 10% de la valeur ajoutée contre 20% en 2006. La France est au même niveau que la Grèce ou que le Royaume-Uni (qui compense en partie avec le hub financier de la City).

 Selon le patronat, cette chute serait principalement du au coût du travail : il faudrait ainsi diminuer les charges patronales, assouplir ou supprimer le SMIC,...Je pense que ce raisonnement ne s'attache pas suffisamment à l'origine du problème : en réalité on devrait plutôt regarder d'abord la disparition et les spécialisations de l'industrie française.  
En effet, hormis quelques niches, l'industrie française est positionnée sur le moyen de gamme ; or les puissances émergentes deviennent de plus en plus efficaces dans cette tranche.
Et puis si l'industrie était prospère en France, j'imagine bien qu'il n'y aurait pas tant de revendications pour attaquer le coût du travail. 
 Le manque de compétitivité hors-coût est également mis en avant (qualité, délai, innovation, recherche,...). Le lien est d'ailleurs très souvent fait entre cette faiblesse et nos PME trop petites.

Que faire?
Plusieurs propositions ont été mises en avant par les différents candidats :

  • Créer le label " fabriqué en France " : cela s'assimilerait plutôt à du marketing politique. Sans compter la confusion que cela entraînerait chez les français avec les autres labels, on peut penser que les consommateurs privilégieront le porte-monnaie lors des périodes difficiles. Enfin, la plupart des produits de consommation courante ne sont plus fabriquée en France, ce qui met en doute la pertinence d'un tel projet.
  • Assouplir les règles européennes de la concurrence pour que les États puissent aider leurs entreprises nationales en cas de besoin.
  • Créer un "Buy European Act" sur le modèle américain afin de favoriser les échanges européens vis-à-vis des échanges extra-européens. Sans aller jusqu'à la démondialisation, il peut paraître cohérent de soutenir l'économie européenne quand elle est en difficulté. Malheureusement, il faut savoir que le plus gros de notre déficit commercial provient de nos voisins européens (dont l'Allemagne). En l'état, cela ne changerait donc quasiment rien à la situation et pourrait même créer des complications dans notre politique étrangère. Cette mesure ne serait pertinente que s'il y avait un vrai projet de gouvernance économique à l'échelle européenne.
  • Favoriser les PME soit par la fiscalité des entreprises, soit par des aides (en particulier en renforçant les dispositifs existants tels que le Fonds Stratégique d'Investissement, le prêt Oseo ou en créant d'autres).
  • Simplifier le Crédit Impôt Recherche (CIR) qui profite aujourd'hui principalement aux grandes entreprises.
  • Permettre à l’État de planifier certains projets d'avenir (chantier 6) où le privé serait frileux.

 

Chantier 2 : l'immobilier 

Le rabotement du dispositif Scellier a porté un sacré coup l'immobilier neuf. 
Toutefois les revenus à défiscaliser ne sont pas en crise : tous les promoteurs et ceux qui commercialisaient ce genre de biens immobiliers arrivent à trouver des preneurs avant les baisses des "cadeaux fiscaux". Même dans certains coins sans avenir...
Une fois l'aubaine passé, l'argent va ailleurs. Pour l'instant, il y a un ralentissement du nombre de projets immobiliers mais cela risque de s'accélérer de plus en plus compte tenu des prochains rabotages à venir.
Dans le même temps, on restreint les aides type Prêt à Taux Zéro et autres dérivés aux personnes voulant accéder à la propriété...
Cela rappelle étrangement la prime à la casse, c'est à dire une anticipation des achats suite à l'effet d'aubaine que ces exonérations fiscales entraînent.

 
Sur le marché de la location, les personnes doivent utiliser une part significative de leur revenu pour avoir un toit : il y consacrent en moyenne plus d'un tiers. C'est facile, tout le monde autour de moi est endetté ou locataire à plus de 30% du revenu du ménage. Dans les années 70, c'était moitié moins.
Pire : plus le ménage est modeste et plus cette proportion est importante.
En rajoutant les charges incompressibles (téléphone, électricité, internet,...) représentant un bon tiers elles-aussi, le seuil de solvabilité se rapprochent dangereusement.

 
Que faire?
Certains candidats proposent de mieux encadrer les loyers. Reste à en voir les modalités.

D'autres solutions existent en complément de celle là:
  • Inciter ou obliger les collectivités à respecter la loi Solidarité et renouvellements urbain (SRU) : 800 de nos communes doivent disposer de 20% de logements sociaux. La moitié d'entre elles n'en ont jamais construit.
  • Pénaliser davantage les logements et terrains vacants,
  • Pénaliser les locataires de logements sociaux (HLM en particulier) ne respectant plus les critères de base. De même, dans les différents types d'aides au logement, 82% des ménages seraient éligibles au PLS ; est-ce juste et sensé?
  • Améliorer les dispositifs d'aide aux locataires. Sans les aides au logement, de nombreuses personnes ne pourraient avoir un toit. Toutefois, il n'est pas normal que ces aides se transforment en subventions permettant d'établir des loyers plus élevés que la logique le permettrait. Dans le cadre du dépôt de garantie à l'emménagement et du garant. Par exemple, l'accès au FSL (Fonds de solidarité pour le Logement) devient extrêmement difficile, ce qui met en danger les plus fragiles financièrement.
  • La politique du "tous propriétaires" n'est pas cohérente avec la conjoncture. L'accès à la propriété lie pied et mains les salariés alors qu'il y a un besoin de mobilité pour effacer les différences régionales de chômage. Évidemment, une France où tout le monde serait propriétaire paraît enchanteur mais c'est en réalité du populisme plus qu'autre chose. 


Chantier 3 : la gestion de la dette publique

La dette publique a augmenté chez quasiment tous les pays développés depuis les années 1980 : États-Unis, Allemagne, Japon,...La connivence politique-économie et le clientélisme n'y sont pas étrangers. Ce n'est pas tant les aides qui ont augmenté mais surtout les les cadeaux fiscaux.
Pourtant tous ne sont pas dans la panade aujourd'hui. L'une des raisons principales est que les autres pays empruntent auprès de leurs banques centrales nationales (FED, Bank of England,...) pendant que nous le pouvons pas (art. 101 et 105 du traité de Maastricht) : notre dette souveraine peut ainsi être considérée comme risquée vis-à-vis des autres pays du monde.
La preuve en est : l'Espagne ou l'Irlande sont loin d'avoir utiliser du déficit à tout va et sont pourtant dans une sacré galère. 

Il faut regarder cela comme un ensemble, comme un système. L'UE s'est mise elle même en danger en continuant la politique du chacun pour soi tout en abandonnant sa monnaie à une banque centrale indépendante et en se livrant aux marchés. 
 
La France étant dépendante à 2/3 des acteurs étrangers, une des solutions seraient de se tourner vers les français.
  •  Utiliser le livret A : la Caisse des Consignations et Dépôts ne puise que 65% des livrets A (pour le financement des logements sociaux principalement) ; les 35% restants sont captés par les banques mêmes pour prêter aux PME/TPE.
     
  • Lever des emprunts auprès des français : n'oublions que les 3/4 de l'épargne total est détenu par les 20% les plus aisés : forcément, les plus modestes auront tendance à tout dépenser pour vivre. Il faudrait donc bien réfléchir sur les modalités d'un tel emprunt car, pour l’État, cela pourrait revenir à transférer l'emprise des marchés aux ménages les plus aisés: je vous laisse imaginer la pression pour leur dérouler le tapis rouge avec des cadeaux fiscaux à clé.
La dette publique française est détenue par environ 65% d'investisseurs étrangers (environ car il y a débat sur la question à cause des intermédiaires et des sociétés écran). Le principe de re-nationaliser" notre dette serait une bonne chose mais ne doit pas se faire n'importe comment: certains évoquent l'emprunt forcé gratuit, d'autres les instruments financiers,...A voir.
Autrement, on pourrait utiliser une solution alternative qui serait de pénaliser l'épargne trop importante par exemple en baissant les taux de rémunération des livrets ou encore en les taxant davantage: cela augmenterait la consommation des français, ce qui créerait de la croissance et entraînerait des rentrées fiscales.
Un des risques de cette stratégie est qu'une partie de cette croissance profitera à nos partenaires commerciaux : Allemagne, Italie, Espagne,...



Chantier 4 : les Banques

Même si les banques ont remboursé la majorité de leurs prêts rubis sur ongle, elles empruntent malgré tout à 1% auprès de notre Banque Centrale Européenne pour déterminer ensuite, elles-mêmes, le taux à prêter en retour aux États et aux acteurs de l'économie -voire ne pas prêter.
Et encore ici, j'occulte le renflouement de Dexia, la création du SFEF (Société de Financement de l’Économie Française) qui alimente les banques, le détournement du livret A,...
Qu'on se le dise: tout cela est et était indispensable car la santé des banques influe directement sur l'économie, sur notre capacité d'emprunt et sur les notes des agences de notation. 

 Ce qui n'empêche pour certains de considérer la monnaie comme un bien publique. De ce fait, le pouvoir des banques seraient trop forts sur ce bien commun (création monétaire).

 Certains évoquent ainsi la séparation des banques d'affaires et des banques de dépôts (pour limiter la garantie des États et les risques systémiques), d'autres la présence de l’État dans les hautes sphères des banques, la création de fonds d'État (pour contourner l'interdiction de créer de la monnaie nationalement par la Banque de France)...
 


 Chantier 5 : Pas moins d’État mais un meilleur État

Sur le financement des dépenses de fonctionnement de l’État, il faudra tôt ou tard résoudre le problème du déficit des dépenses de fonctionnement : moins de dépenses et/ou plus d'impôts. 
Une des clés serait la rationalisation de l’État. 
État est important mais il est vrai que certains des organismes d’État (ou associé) sont de véritables freins pour l'économie. Ce n'est pas tant le montant des charges mais la bureaucratie que cela représente pour les entreprises : je pourrais citer l'URSSAF, les organismes de prévoyance, les organismes de financements, Pôle Emploi,...une horreur pour le privé tellement il y a redondance et absence de volonté de résoudre efficacement les problèmes.
Un véritable frein à la création d'entreprise sans compter les effets de seuil (passage de 9 à 10 salariés, de 49 à 50,...) qui représentent une telle paperasse qu'il est compréhensible de voir certaines TPE/PME freiner leur développement.
  

Chantier 6 : Croissance ou austérité?

Le plan de relance français couplé à de l'austérité n'a pas été particulièrement efficace, d'autant plus qu'il se conjuguait à des baisses d'impôts pas vraiment appropriées à ce moment là.
Sur le plan de relance même : d'un coté, je ne suis pas sûr que les bons secteurs aient été aidés, de l'autre, le plan de relance de N. Sarkozy est finalement peu conséquent : le gros de l'aide provient des mécanismes stabilisateurs (automatiques) existants depuis des décennies:
baisse de l'activité des entreprises + chômage + appauvrissement
= baisse des impôts (IS, IRPP,...) + augmentation des aides de l’État (allocation chômage, RSA, Subventions,...).
La "Ri-lance", non coordonnée avec les autres États-Membres de surcroît, n'a pas fait long feu.  

 La France est ainsi entre le marteau (assainir les dépenses publiques) et l'enclume (éviter une chute trop importante de la croissance voire une récession). Il ne sera pas facile de trouver le juste milieu.

Préparer l'avenir : les grands travaux, l'éducation et la formation

Si la plupart des grands travaux ne peuvent être initiés que par les États, c'est qu'ils sont extrêmement couteux et peu rentables au démarrage. Les acteurs du privé préfèreront toujours les solutions moins complexes et plus rapides.
Pourtant à long terme et moyen terme, ces grands travaux et grandes dépenses apportent un plus au dynamisme d'une économie. Regardez le grand emprunt et sa ventilation part exemple.
Toutefois, il est dommage que les États abandonnent les perles qui en découlent au privé dès qu'elles deviennent des Cash machine...Cela favorise plutôt le développement de l'économie de rentier. Évidemment certains indiqueront que ce sera moins de dettes à supporter par les générations futures. Mais il n'est pas dit que la situation sera meilleure qu'avec un bon investissement sur l'avenir. 


L'éducation et la formation devrait faire partie des priorités : elle doit être accessible à tous et il faut absolument éviter une rupture de l'ascenseur social.
La crise affectant les dettes publiques et menaçant nos (bonnes) capacités d'emprunt, qui sait comment cela affectera l'avenir de la France?



Chantier 7 : Rétablir l'égalité et simplifier la fiscalité

 Plus que jamais, il y a un désir d'égalité. 
La fiscalité devrait être un outil au service de l'égalité sans devenir excessive ou trop complexe. Il faut ainsi la simplifier ce qui permettrait par ailleurs d'établir des projections plus facilement.
A ce sujet, je recommande chaudement le livre "Pour une Réforme Fiscale" de Thomas Piketty, Camille Landais et Emmanuel Saez.

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