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jeudi 5 septembre 2013

France - Une accalmie économique en trompe l'oeil



Économie

Au 2e trimestre 2013, les chiffres (prévisionnels car ils peuvent être révisés) pour la croissance française annoncent un +0,5%. L’OCDE, dans la foulée, a même relevé les prévisions de croissance pour 2013 à +0,3% !

Est-ce une bonne nouvelle ? Oui, c’est évident. Toutefois il faut minorer cette joie dès qu’on entre dans la composition de ce demi-point :
  • La moitié est due au re-stockage des entreprises : dans l’attente d’un redressement, elles se sont retrouvé avec un stock dans le rouge et doivent maintenant compenser.
  • L’autre vient d’une consommation intérieure tirée par les mauvaises conditions météorologiques : les français ont fait tourné le compteur d’électricité, consommant plus d’énergie qu’à l’habitude et sans rechigner sur le reste.

Ces deux bonus tirant les chiffres vers le haut ne se reproduiront plus tant pour l’un que pour l’autre. Tout au plus la consommation va tenir bon jusqu’à la fin de l’année, par anticipation de la hausse de la fiscalité à partir de 2014 (TVA entre autres).

Cela dit, il semblerait que l’accalmie, d’un point de vue purement économique (les chiffres dirait-on) n’est plus très loin.



Chômage

Si économiquement, les nuages gris disparaissent petit à petit, niveau chômage, le compte n’est pas bon : les chômeurs sont plus nombreux mais le gouvernement tempère en disant que la courbe du chômage augmente moins vite. Pourquoi ?
A l’instar des chiffres de la croissance, il s’agit d’une joie en demi-ton quand on y regarde de plus près. Ce ralentissement du chômage provient principalement :
  • De la hausse des CDD de moins d’un mois qu’on peut lier avec le restockage des entreprises et les remplacements pendant les congés d’été,
  • De l’augmentation du nombre des chômeurs de longue durée,
  • Des emplois aidés sachant que les finances publiques sont dans le rouge,
  • Des nombreuses radiations, ou autrement dit, l’abandon de la population de s’insérer dans le monde du travail et la perte d’espoir.
  • D’un récent changement des questionnaires de l’INSEE sur le calcul du chômage, créant une marge d’erreur de 0,3% et faisant baisser artificiellement les chiffres.



Le problème du chômage en France, ce serait les français même !

Dans une récente émission de C dans l’air, un des spécialistes de l’économie et de la finance, résume le problème du chômage en France en quelques idées-clés :
  • En France, nous aurions accepté l’idée du chômage comme normal,
  • Les français ne sont pas enclins aux changements en matière de travail et de protection sociale (traduction : ils ne veulent pas lâcher leurs avantages et acquis sociaux).
  • Les français bougent très peu en France.
La solution serait un mix de baisse des salaires/cotisations et d’allégements du droit de travail sur le modèle des lois Hartz allemande (j’extrapole : suppression du SMIC pour favoriser les petits jobs peu payés, mesures drastiques portant sur les allocations chômage et les modalités d’accès, faciliter le travail à temps très partiel, donner la priorité aux besoins de l’entreprise sur les aspirations des salariés,…).


La France serait-elle un enfer du monde du travail et des employeurs ? Des salariés fainéants, demandant trop aux créateurs d’emplois et ne souhaitant aucun changement, qu’ils soient géographiques, financiers ou juridiques ? Non, non et non.

D’une part, les français sont plutôt sédentaires, c’est vrai, mais ils savent aussi se bouger quand il le faut. Le baromètre de la vie des apprentis a récemment souligné que 6 apprentis sur 10 n’hésiteraient pas à changer de région s’il le fallait. On peut certes penser que les apprentis sont souvent jeunes et avec peu d’attache familial ; les autres sont sans doute moins enclins à la mobilité géographique, mais quand même…Il est aussi légitime d’aspirer à un peu de stabilité et de sécurité.

D’autre part, ce concept du modèle allemand adapté à la France repose sur le court terme et certainement pas sur le long terme comme je l’ai indiqué à plusieurs reprises sur ce blog : en réalité on appauvrit le pays car les gens sont moins payés, consomment moins, s’investissent moins dans leur travail, ont des emplois à temps (très) partiel non volontaires,…La France ce n’est pas l’Allemagne et l’Allemagne a elle aussi d’autres problèmes.
On peut aussi poser le débat de jusqu’où aller ? Faut-il aller jusqu’aux petits boulots à 4 euros de l’heure tels qu’on en voit en Allemagne ? Faut-il laisser l’offre et la demande s’affronter quitte à ce que certains travaillent au taux horaire chinois? Tant qu’à faire, l’ancienne présidente du MEDEF indiquait même « La vie est précaire, l’amour est précaire, pourquoi le travail ne serait pas précaire ?"



Des solutions théoriques

Ce postulat (« libérons, flexibilisons et précarisons le travail pour la majorité ») est un pur débat d’économiste qui résume le problème à une offre et une demande : en gros, en baissant le coût du travail (les salaires disons le clairement) et en émiettant la législation du travail, on favorise l’offre en espérant que les entreprises embaucheront à foison. Est-ce préférable d’embaucher à n’importe condition ou de rester au chômage ? La bonne solution est un équilibre entre les deux et non pas une flexibilité à tout prix ou une croyance absolue dans les lois du marché.

Cette libéralisation du travail omet que les entreprises n’embauchent pas parce qu’un « salarié ne coûte pas cher » mais surtout qu’elle en a besoin. S’il n’y a pas de marché derrière, c’est juste un effet d’aubaine comme je l’ai déjà expliqué pour la prime versée lors de l’embauche de jeunes, l’été dernier.

Une telle recommandation repose sur le fait que les bénéfices d’une telle politique du « moins médisant que moi, tu meurs » soient réinvesties efficacement. Et que tout serait réglé.
Les arguments allant à l’encontre d’une telle thèse sont nombreux. La preuve en est dans l’augmentation très prononcée des hauts revenus (en 2010 : +4,7% pour les 1% les plus aisés et même +11,3% pour les 0,01%) tandis que les autres stagnent ou baissent. Si la consommation est affectée, il y a moins de débouché et les entreprises auront besoin de moins de personnel. Cette accumulation n’empêche même pas l’investissement d’être au point mort…
L’économiste Tomas Sedlacek résume très bien cette course à l’accumulation sans croissance et sans limite dans son livre « l’économie du bien et du mal » : 
« Ce que désire par-dessus tout l’individu normal, ce n’est pas la satisfaction des besoins qu’il éprouve, mais des besoins plus nombreux et meilleurs. »

De plus cette flexibilité est uniquement portée sur le coût du travail (combien coûte un salarié pour son employeur) alors qu’il devrait y avoir aussi débat sur la qualité (formation, études,…) et sur l’environnement (infrastructures, échanges université-entreprise, échanges public-privé, intelligence économique…).

Et puis, rappelons quand même que le gouvernement a déjà créé un dispositif pour alléger le coût du travail : le crédit impôt compétitivité. Certes il est compliqué, à la française dirait certains, mais il est là et il favorise les investissements.

Enfin, si la solution de la déflation salariale est tant portée par certains économistes/financiers, c’est que nous sommes soumis à la monnaie unique : on ne peut pas dévaluer. A partir de là, soit on vise la coordination et l’efficacité tous ensemble, soit on la joue solo avec la carte de la déflation salariale. Or cette dernière stratégie ne fonctionne pas si tout le monde le fait ! Bah oui, qui consomme, si tout le monde se serre la ceinture en prévision que le voisin consomme à sa place ?!


La vraie solution, on la connaît : la formation et l’investissement. Mais cela coûte beaucoup d’argent.
Et quand je dis cela, c’est surtout vrai pour les PME car l’Etat n’a plus vraiment les moyens d’une telle politique et les grandes entreprises sont dans la course aux réductions de coûts et aux délocalisations.

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