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lundi 25 mai 2009

Morale et Spéculation

Qu’est-ce que la spéculation ? C’est une activité d’anticipation de l’évolution des prix. L’objectif est évidemment d’acheter un certain produit pour le revendre ultérieurement ou inversement de revendre et de le racheter plus tard. Le but est évidemment d'obtenir une plus-value


1. Fonctionnement

La majorité des transactions se font de cette manière et celles-ci se révèlent indispensables au bon fonctionnement des entreprises. Donc la spéculation est essentielle. S’assurer contre les dettes c’est bien ; mais certains ont utilisés les règles du jeu à mauvais escient. Ainsi la spéculation pour gagner de l'argent purement en est une possibilité. Certes cela créé de la liquidité, je dirais même de façon trop liquide. La liquidité est utile aux entreprises quand elles émettent des nouvelles actions/obligations sur le premier marché. Si le second marché est liquide alors les actions pourront partir à un prix raisonnable, ou du moins à un prix attendu à l'entreprise. Si le marché n'est pas liquide, alors les actions vont se "négocier". Ainsi il faut un juste milieu.

Globalement, on pourrait évoquer le marché des dérivés et les CDS (Credit Default Swap) qui servent à protéger un créditeur contre le risque de défaut de paiement (ou l'augmentation d'un cours en général, chez les dérivés). Par exemple, si mon débiteur ne peut plus payer, l’assureur contrepartie du CDS va me reprendre la créance à sa valeur initiale et tout faire pour la recouvrer.
Bref ce sont des contrats risqués ; les CDS s’utilisent aussi bien pour se protéger contre le risque de défaut d’une entreprise du CAC40 que pour s’assurer contre le défaut de paiement d’un Etat. Ces CDS sont (malheureusement) cessibles et je vous laisse deviner la suite grâce à (à cause de ?) la titrisation….


2. Théorie
Pour ma part, la spéculation peut être bonne, si elle vise le long terme et un développement durable (bref respecter le principe de prévoyance)…Mes propos peuvent faire sourire quand les actionnaires demandent en général un taux de rentabilité de 15% tout de suite (pas toujours obtenu ou alors compensé par un crédit de l'entreprise pour payer les actionnaires), alors que la croissance mondiale n’est que de 4%...A partir de là, deux possibilités :
  • Soit nous sommes dans une nouvelle économie (où l’économie réelle est différente de l’économie de marché) ; ce que je ne crois pas. Il faudrait, si cette hypothèse se révèle vraie, prendre de plus en plus de risques, les relativiser, développer des mécanismes plus opaques, etc…
  • Soit il va falloir changer. Effectivement s’ils ne font qu’un, on ne pourra pas continuer à réinvestir de moins en moins les profits de l'économie de marché dans l'économie réelle (en passant par des paradis fiscaux au passage) et à les renvoyer dans l'économie de marché.
Évidemment, d'un point de vue globale, certains vont obtenir un retour plus élevé que la croissance globale, et d'autres vont perdre leur mise. En théorie, c'est un jeu à valeur nul ou, du moins, qui ne dépassera pas la croissance globale.
Maintenant, si on regarde l’indice des prix des marchandises depuis un ou deux siècles, on se rend compte que les spéculations excessives existent depuis longtemps et qu’à chaque fois, elles se terminent par une crise. Lorsque je dis excessive cela implique, dès lors trop, que trop de liquidités se trouve en circulation. Or les traders (ou leurs ancêtres) doivent quand même rentabiliser cet argent à un taux suffisamment élevé. Or l’abondance de l’épargne mondiale tue l’épargne en tirant forcément les taux à long terme vers le bas. Comment rentabiliser des capitaux à des taux élevés dans ce cas ? La réponse donnée est d’investir dans tout ce qui ressemble à une bulle liée à des instruments financiers complexes et mal régulés.
Ainsi on peut retrouver cette prise de risque dans la spéculation sur les matières premières, particulièrement ravageuse, comme en 2007-2008. Est ce pour sécuriser les matières premières ? Pas vraiment. Normalement le marché reflète le prix vis-à-vis de la rareté, sauf que pendant la crise, le système a déraillé : il se rabat sur une valeur dite "sure". Mais comme tout le monde essaye de le faire en premier pour gagner de l'argent (ou de moins en perdre), on en arrive à une augmentation incontrôlable des prix et à un décalage de la réalité. J’aurais pu citer la même frénésie dans la spéculation des devises et des taux de change.

Ainsi, on obtient la formule suivante :
Développement d’innovations financières
+ Un comportement volontaire de prendre des risques
= des cours, des prix, dénués de sens car ne reflétant plus la rareté.

A cela s’ajoute l’homogénéisation des anticipations. Quand toutes les banques ont un point de vue différent sur le futur, tout fonctionne bien : les marchés financiers parviennent à gérer les risques.
Par contre, si tout le monde conçoit le futur de la même façon, cela provoque l’effet Janis et la pensée moutonnière : tout le monde anticipe de la même façon et le marché d’échanges des risques est paralysé.
Cela paraît idiot mais imaginer que tout le monde croit à la même chose…et bien, le futur devient réellement prévisible.
En tant qu’exemple (d’actualité) durant la crise, on s’aperçoit que la plupart des acteurs sont quasi-sûr que la crise n’est pas passée. Les Etats, désireux de renverser cette tendance dépressive, doivent fournir des garanties immenses et ne pas simplement annoncer la fin de crise. Et l’enjeu est grand : empêcher les prévisions les plus pessimistes de vraiment se réaliser.


3. Causes des dysfonctionnements
Pourquoi en est-on arrivé là ? Une partie de la faute incombe aux partisans du commerce mondial et de son développement (OMC, FMI, OCDE…) qui ont forcé la libéralisation des secteurs : suppression des barrières douanières, fin des systèmes de stabilisation des prix,…En effet, ils ont la fâcheuse tendance à ne pas assez prendre en compte la situation des PVD et à leur imposer des systèmes et des règles propres à notre culture occidentale. Ainsi ils ne prêtent que si le pays se plie à certaines règles, ce qui est légitime, mais des règles qui ne s'appliquent pas forcément chez nous (comme la libéralisation de l'agriculture et la suppression des subventions au nom du libre échange et de la mondialisation alors que les pays riches sont ceux qui en distribuent le plus).
Au final, la spéculation sur ces secteurs s’est révélée possible pour ces raisons (entre autres). Concernant la spéculation sur les denrées alimentaires, on peut ajouter d’autres facteurs comme l’abandon de l’autosuffisance en céréales, la suppression des stocks et plus encore… Mon idée n’est pas de blâmer ces organisations car elles ont permis des évolutions extraordinaires même si on ne parle que de leurs échecs. Je veux juste souligner quelle est leur part de responsabilité dans la dérèglementation de la spéculation.

Une autre partie de la faute revient à notre mode de société, tourné vers la consommation et l’argent. Mais là je dirais que c’est la nature humaine, ou du moins, la direction prise par notre société.


4. Les conséquences
Quels sont les enjeux pour les entreprises de la spéculation ? Je me suis longtemps demandé quel pouvait être le rapport entre la chute d’un cours et l’entreprise même. En effet, si la notoriété de la boite se dégrade, cela se répercutera sur les ventes. Mais si la valeur des actions diminue, comme se fut le cas de Nokia, les gens continue d’acheter, et Nokia continuent d’afficher de beaux profits.
Aujourd’hui je possède une partie de la réponse. La valeur de la bourse reflète la confiance dans la marque, pas ses profits directement. Or de nos jours, tout tourne autour la bourse, qui est quasiment placée au centre du monde (les médias, les journaux,...). Ainsi qui dit diminution brutale (pic) du patrimoine des actionnaires entraine crise de confiance, dépréciation de la dette de ses fournisseurs (toujours à cause du manque de confiance entraînant des provisions), puis destruction de l’image de la marque/entreprise (dont la construction a été très longue) puis destruction de la culture de l’entreprise et de son savoir-faire (problème de ré-employabilité, problème d’image vis-à-vis des autres concurrents…). Et c’est un vrai cercle vicieux car les relations commerciales et sociales alimentent ensuite le cours de l’action et à fortiori entraîne la dépréciation du capital physique.

Pour en revenir à l’actualité et à l’application de mes propos : la crise du moment s'est donc transformé une crise de confiance ; le mal dans l'économie réelle c’est bien la confiance...

Quand l'eau aura coulé, ca repartira.
Actuellement, le réseau interbancaire ne va pas bien donc, moins de liquidité disponible (ce qui n'est pas forcément un mal), mais moins d'investissement et une augmentation des problèmes de cash flow, etc... Certaines entreprises sont dans l’obligation de déposer le bilan car malgré leur profit, ils ont un trou dans la trésorerie. Pourquoi ? Leur activité n'a pas pu être financée...


5. Remise en cause de la spéculation et solutions
La place de la bourse au centre des préoccupations est-elle acceptable ? Les retombées de la bourse sont importante dans notre économie, oui, mais de façon relative, surtout dans une France et des pays dominés de plus en plus par le secteur des services.
Le voilà notre problème : une perte de confiance dans le système financier, dans un monde tourné vers la bourse où le gain d'argent pas vraiment justifiable...

Sommes-nous sur la bonne voie ?

En tout cas, revenir en arrière impliquerait la remise en cause de la finance !
Un peu de bon sens peut permettre de comprendre ma vision :
Partons de 0, avec rien dans la poche. Les banques centrales fabrique l'argent et la distribue aux autres banques, institutions et autres ; évidement, en échange d’un intérêt, même faible. On donne 100€ et on demande 101€. D’où sortir ce 1€ sans la possibilité de créer nous-mêmes de l'argent ? Pour rembourser l'emprunt (les 1€) on est obligé de l’emprunter c’est parti pour le cercle vicieux.
Donc pour être au plus juste, il faudrait non pas 0% d'intérêt, mais 0% d'intérêt réel (en prenant en compte l’inflation). Par contre pour mettre en place un tel système, c’est l’inconnu. Je vous laisse estimer la difficulté de la tâche et je ne suis pas sûr que notre société soit prête, dans le cas où ce serait possible.

Sinon, une autre solution consiste, à l’instar des banques islamiques, de prêter sans intérêt, mais avec une participation dans le projet. En plus de pouvoir rapporter plus qu’avec des intérêts conventionnels, la pression est moindre, témoin d’une certaine éthique.
Dans ce cas, les banques doivent encore mieux choisir les projets. Bien sûr, il réside le problème que sans intérêt à y participer, cela signifie nécessairement la non-allocation du prêt…

Une autre piste pourrait être de financer davantage le développement du sud (sur le long terme avec la certitude de leurs développements) ou de l’agriculture (victime du sous-investissement faute de profits élevés). Là encore, cela impliquerait un profond changement chez les pays investisseurs.

Il y a peu, un article est paru dans le Monde proposant 5 mesures pour réguler le monde de la finance et éviter cette mauvaise
spéculation :
- Encadrer les agences de notation,
- Organiser et surveiller les marchés non régulés,
- Contrôler les fonds spéculatifs,
- Réformer la titrisation des crédits,
- Renforcer la transparence des paradis fiscaux).


Si aujourd’hui on évoque le ras-le-bol de la vision à court terme, il faut savoir que le management anglo-saxon (recherche exclusif du profit, primauté du court terme, standardisation et déqualification) reste le modèle de management depuis 20 ans et qu’il n’est pas prêt de laisser la main (cf. le nombre d’étudiants étrangers dans les écoles de commerce anglo-saxonnes).

La spéculation pourrait se développer dans la bonne direction mais cela demanderait plus de surveillance, de règles, de transparence et de régulation. Finalement…Est-ce possible ? Difficile à dire. Il faut étudier cette crise et réfléchir encore et encore à l’après-crise.

Bref après 30 ans, le rêve d’une économie autorégulée, idéalisée par des théories diverses et variées, commence à exploser.
J’espère juste qu’on arrivera à remettre la spéculation dans le droit chemin, telle qu’elle devait être initialement.

A la fin de cette analyse, je m’aperçois que ces problématiques sont vraiment liées au besoin de développement durable (long termisme) et au respect des générations futures…Trop utopique pour que ca soit vrai ; il y aura toujours des gens qui voudront une rentabilité supérieures aux autres…


Donc est-ce que la spéculation est mal ? A vous de juger.

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