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mardi 8 octobre 2013

Pause fiscale : fausses espérances et faux débat

Ras-le-bol fiscal, pause fiscal, réforme fiscale,…On se croirait en pleine révolution ! Tant d’expressions, tant d’espoirs mais si peu de résultats, maintes contradictions et de nombreux retournements.



Une baisse historique des dépenses (en trompe-l’œil)

C’est en tout cas ce qu’affirme le ministre du budget : une économie d’environ 15 milliards d’euros. Le terme d’économie est mal employé. Une économie signifierait une baisse des dépenses par rapport à l’année précédente, or, il s’agit en réalité d’un coup de frein à l’augmentation « naturelle » de la dépense publique ; cette dernière incluant l’inflation et la revalorisation des retraites des fonctionnaires. En comparant une année sur l’autre, il y a donc une augmentation de la dépense publique : +0,5% (soit 5 milliards en plus, mais moins que les 20 milliards estimés en cas d’augmentation « naturelle »).

D’autres chiffres ont été cités, comme celui d’une baisse de 1,5 milliards des dépenses de l’État (un des postes de la dépense publique)…mais hors charge de la dette et des pensions ! Encore un euphémisme politique.

Enfin, ce budget est avant tout une série d’objectifs et est donc sujet à caution.



La pause fiscale pour 2014 ? Pour les entreprises mais pas pour les particuliers

Les différents représentants du gouvernement l’avaient pourtant annoncé : la pause fiscale c’est maintenant ! La réalité est plus dure : ce ne sera pas pour tout le monde et ce serait plutôt pour 2015.

En 2014, voici ce qui devrait se passer, en vrac :
  • Pour les particuliers : la TVA va augmenter, le plafond du quotient familial revu à la baisse, une augmentation de l’imposition sur certaines plus-values, suppression et rabotage des niches fiscales, cotisations retraite en hausse, nouvelles tranches d’impôt sur le revenu, apparition de la taxe écologique, etc…
  • Pour les entreprises : création d’un impôt sur l’EBE (Excédent Brut d’Exploitation) qui devrait se transformer en (sur-)majoration de l’impôt sur les sociétés (IS), nouvelles modalités du CFE (Cotisation Foncière des Entreprises), suppression de l’IFA, modification du barème de la C3S et j’en passe !

En parallèle, les collectivités locales auront davantage de marges de manœuvre dans la fiscalité locale et pourront augmenter les taux de prélèvement. Comme l’Etat contribue de moins en moins au fonctionnement des collectivités locales, on peut estimer que ces dernières profiteront de cette liberté pour obtenir des recettes supplémentaires.

Au final, la fiscalité devrait augmenter de 3 milliards d’euros mais ce chiffre marque des disparités. La fiscalité des entreprises va baisser et sera compenser par une plus forte pression fiscale sur les particuliers. Cela se traduit par une dizaine de milliards d’« allègement »  pour les entreprises, qui sera compensée par des recettes, supplémentaires, sur le dos des ménages.
Une des nouvelles niches fiscales pour les entreprises : le Crédit-Impôt Compétitivité (CICE) fera économiser 4% de la masse salariale aux entreprises…le tout financé par les contribuables comme vous l’avez probablement compris. Or le mécanisme du CICE est complexe et profitera peu aux petites entreprises qu’on voudrait tellement voir grandir et s’imposer à l’international.



Qui va payer la facture chez les particuliers ?


 1. Tout le monde en paiera une partie avec l’augmentation de la TVA. C'est un impôt injuste car touchant tous les revenus de la même manière. Au 1er janvier 2014, la TVA à taux normal (19,6%) passerait à 20%, la TVA à taux intermédiaire (7%) grimperait à 10%, tandis que la TVA à taux réduit (5,5%) serait soit au même niveau, soit réduite à 5%.


2. Concernant l’impôt sur le revenu (IRPP), plusieurs remarques :
  • Déjà savoir que la moitié des français n’y est pas soumis à cause de la faiblesse de leur revenu imposable.
  • Cela dit, l’austérité, et en particulier le gel du barème d’imposition depuis quelques années, a fait passer cette frontière à une quantité non négligeable de particuliers (400 000 environ sur les 940 000 nouveaux contribuables en 2012). Pour ceux-là, l’impact de l’IRPP est minime : quelques euros à régler au trésor public ; en effet, l’impôt sur le revenu est progressif en France et réparti par tranches – vous trouverez plus d’informations dans un de mes précédents articles intitulé « le mythe des exilés fiscaux », dans la partie « trop d’impôt ».  Le vrai problème ce n’est pas cette dizaine d’euros d’IRPP mais ses conséquences en dominos : cela déclenche l’éligibilité à une myriade de taxes comme la taxe d’habitation ou sur l’audiovisuel. Espérons que la réforme de la décote – un mécanisme avantageux pour les revenus modestes – permettra de rectifier cet effet de seuil. Le ministre du budget a récemment évoqué une possible augmentation du plafond du revenu fiscal de référence afin de faire sortir de l’imposition les plus modestes devenus éligibles à l’IRPP.
  • Chez les autres contribuables, la hausse de la pression fiscale sera progressive. Pour l’Institut des Politiques Publiques, elle sera de +3% pour la tranche de revenu 1700-3000€/mois, +5% pour la fourchette 3000-13500€/mois et +9% au-delà. 
 



Un mauvais débat : c’est une réforme fiscale dont le pays a besoin

Nous nageons dans un monde où l’arbre cache la forêt. Derrière la pause fiscale se cache l’idée étouffée d’une révolution fiscale : remettre à plat la fiscalité française.

Un fouillis fiscal

On annonce quelque chose, on revient dessus, finalement on en fait le double…personne ne sait exactement où l’on va. Prenons l’exemple de la tranche d’impôt à 75% : ce sont finalement les entreprises qui la paieront pour les salaires supérieurs à 1 millions d’euros. On peut aussi citer la nouvelle taxe sur l’EBE (Excédent Brut d’Exploitation), qui est déjà enterrée pour laisser placer à une majoration de l’impôt sur les sociétés…Toutes ces mesures, ces colmatages, cet enchevêtrement de lois entraînent une grande instabilité. Pour préparer l’avenir, les particuliers et, surtout, les entreprises ont besoin de visibilité. Le président de la république avait annoncé dans son programme qu’il voulait réformer la fiscalité mais ce noble objectif a fondu comme neige au soleil.

Le fouillis fiscal dans lequel nous sommes est d’une incroyable complexité, ce qui fait perdre du temps aussi bien aux contribuables qu’à l’administration. Une telle inertie empêche la prise de décision rapide, ce qui nuit à l’économie et à l’entrepreneuriat.  


Un fouillis administratif

Au-delà de l’aspect fiscal, il y a l’aspect administratif et déclaratif. Par exemple, créer un établissement secondaire représente une sacré paperasse, pas tant pour la création juridique (bien que...), mais pour toutes les déclarations au quotidien...Souvent, l'administration, elle-même, hésite sur les formulaires ou ne sait pas comment remplir correctement cette paperasse compte tenu du caractère unique de chaque entreprise ; autant de frein à la prise de risques et à la croissance quand on sait que les TPE représentent 95% du tissus économique français.
Et on s'étonne qu'elles ne veulent pas grandir ni se tourner vers l'international (encore plus de paperasse!).


Au delà, le mille-feuille législatif provoque aussi de l’incertitude quant à la légalité et la manière de procéder dans un grand nombre de cas. Les agents de la DGFIP admettent eux même ne pas pouvoir répondre, de peur d'engager l'administration fiscale à tort. Pour éviter une catastrophe en cas de contrôle, il reste la solution du rescrit fiscal qui est une perte de temps supplémentaire, dont PME en maîtrise les rouages et qui n’empêchera pas de rester sans réponse.


Des portes dérobées

Certains arrivent à profiter de ce système en exploitant les niches fiscales, les paradis fiscaux ou les ficelles du pouvoir. Avec l’aide d’une batterie de fiscalistes, de gestionnaires de patrimoine ou d’inspecteur des impôts reconvertis, les experts se livrent à de l’optimisation fiscale tant que cela reste légal, et à de l’évasion/fraude fiscale lorsque les mécanismes sont hors-la-loi. La frontière entre les deux mondes est mince voire poreuse car soumise à une grande subjectivité. Simplifier la fiscalité française serait un moyen efficace de lutter contre ces comportements. Les équipes de contrôleurs et d’inspecteurs des finances publiques devraient également gonfler, non seulement pour les contrôles, mais aussi pour l’aspect pédagogique.
Tout cela ne plairait probablement pas à certains groupes de pression mais ce serait pour le bien de la majorité. Cette efficacité renforcée de l’économie du pays améliorerait notre attractivité.


Un manque de progressivité

J’en parlais déjà dans le mythe des exilés fiscaux, mais autant le rappeler ici : le système fiscal a beaucoup perdu de sa progressivité. Pour preuve, vous trouverez ci-dessous le graphique récapitulatif de l’imposition des ménages (tout inclus : TVA, IRPP,…) à partir des données de Thomas Piketty.

La fiscalité indirecte – c'est-à-dire celle qui ne tient pas compte des revenus – représente la majorité des recettes budgétaire. Il paraît cohérent de payer en fonction de ses revenus pour préserver les principes de la République mais aussi pour offrir des services publics de qualité. A parler de pression fiscale ou de pic fiscal, on en oublie que l’impôt n’est pas une destruction de richesses mais aussi la création d’un avenir meilleur.



Les maîtres-mots ne devraient pas être l’austérité ou la pause fiscale mais plutôt la lisibilité, la simplification et la réforme du système fiscal. C’est dans cet esprit, pionnier en Europe, que la France retrouvera des couleurs. C’est par ce choc de simplification qu’elle retrouvera, en partie, sa compétitivité. Mais cela demanderait une courageuse décision politique…

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